« La Dame aux camélias », d’Alexandre Dumas Fils, Théâtre national de Bretagne à Rennes 

« La Dame aux camélias » d’après Alexandre Dumas Fils – mise en d’Arthur Nauzyciel © Philippe Chancel|

Jeu interdit

Par Olivier Pansieri
Les Trois Coups

L’adaptation qu’Arthur Nauzyciel tire de « La Dame aux camélias » laisse de marbre. Trois heures d’ébats au ralenti entre des personnages réduits à des figurants, entrecoupés de scènes assénées au public comme des rapports d’activité. Pourquoi ne pas relire l’œuvre chez soi, tranquillement ?

Décor de Riccardo Hernandez. Le rideau s’ouvre sur des rideaux. Eux-mêmes bornent l’espace d’un foyer d’opéra qui se souviendrait de la maison close. Des corps sont là dans la pénombre, l’émetteur du micro scotché sur le slip, prêts à s’étreindre en boucle.

Une voix off débite indéfiniment le texte de Dumas. Le ton est donné : neutre et impersonnel, comme celui des acteurs quand, par extraordinaire, ils ont la parole. La lumière est faible, alors il est difficile de deviner qui dit quoi, d’autant que la mise en scène explore un instant la piste du double, avant de l’abandonner.

L’ennemi – on l’aura compris – est encore ce pauvre pathos accusé de tous les maux, dont celui de dorer la pilule. Tandis que là… Là, Marie-Sophie Ferdane, dans le rôle de la fatale tuberculeuse, a tout de même un peu de mal à nous faire croire à l’amour fou avec l’ombrageux Armand Duval, auquel Hedi Zada prête sa douleur. Grande, car quasiment muette. L’adaptation le prive de son texte, susurré à sa place par l’intarissable voix off. Sa partenaire a plus de chance et trouve de beaux accents chaque fois que ce fâcheux haut-parleur la laisse jouer une scène.

Théâtre cherche auteur dramatique

Le père interprété par Pierre Baux, repéré l’an dernier dans Disgrâce, convainc. Davantage, pour être franc, que ses arguments raisonnables qui sentent la naphtaline et frisent le ridicule au milieu de ces partouzes. Or, c’est le nœud, si j’ose dire, de ce mélo flamboyant qui du coup tourne à vide. Restent des ballets pas toujours bien exécutés, un ennui terrible qui se dégage de cette veillée funèbre et cette interrogation toute bête : pourquoi monter sans romantisme une œuvre qui en déborde ? 

Paraphrasons Molière : pour faire des spectacles d’aujourd’hui, ne serait-il pas plus simple de demander à des écrivains d’aujourd’hui de concevoir des pièces d’aujourd’hui pour les gens d’aujourd’hui ? Je ne pose pas la question seulement à Arthur Nauzyciel, mais à nous tous qui rêvons d’un théâtre exigeant pour le plus grand nombre. À quoi bon ces sempiternelles adaptations de romans à longueur d’année ? Une bonne pièce reste la chose la plus difficile et troublante à écrire, comme à voir. Attendons.  

Olivier Pansieri


La Dame aux camélias, d’après le roman et la pièce de théâtre d’Alexandre Dumas Fils

Mise en scène : Arthur Nauzyciel

Avec : Pierre Baux, Océane Caïraty, Pascal Cervo, Guillaume Costanza, Marie-Sophie Ferdane, Mounir Margoum, Joana Preiss, Hedi Zada

Adaptation : Valérie Mréjen, Arthur Nauzyciel, Pierre-Alain Giraud

Scénographie : Riccardo Hernandez

Lumière : Scott Zielinski

Réalisation, image et montage film : Pierre-Alain Giraud

Son : Xavier Jacquot

Costumes : José Lévy

Chorégraphie : Damien Jalet

Sculpture : Alain Burkarth

Photographie : Philippe Chancel

Durée : 3 heures

Théâtre national de Bretagne •  1, rue Saint-Hélier • 35000 Rennes 

Mercredi 26 septembre à 20 heures, jeudi 27 septembre à 19 h 30, vendredi 28 septembre à 20 heures, samedi 29 septembre à 15 heures, du mardi 2 au jeudi 4 octobre à 19 h 30, vendredi 5 octobre à 20 heures

De 11 € à 27 € 

Réservations : 02 99 31 12 31 


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À propos de l'auteur

Une réponse

  1. Je viens de voir cette pièce à Lyon. 3 h d’assoupissement, un texte beau et s acteurs qui déclament bien leur beau texte de notre belle litteréture française. Mais mise en scène nullissime, provocante avec des acteurs pour certains entièrement nus, et dont la plastique n’a pas été spécialement bien choisie…A déconseiller. Pauvre Alexandre Dumas. Pourquoi les auteurs anciens sont-ils tellement massacrés ?

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