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«  Nachlass, pièces sans personne  », du Rimini Protokoll, au Théâtre national de Bretagne à Rennes 

« Nachlass, pièces sans personne  » de Rimini Protokoll © Samuel Rubio

Voyage outre-tombes

Par  Olivier Pansieri
Les  Trois  Coups 

Depuis sa création en 2007, Rimini Protokoll flirte avec la mort. Nachlass n’échappe pas à la règle, invitant le spectateur à visiter les mausolées imaginaires de huit personnes, dont plusieurs disparues. Ce qu’elles voudraient laisser derrière elles. Quel intérêt ? Dramatique.

Tout commence par l’attente, dans un long vestibule, qu’une des huit portes veuille bien s’ouvrir. Au plafond, sur un planisphère, des petites ampoules s’allument, signalant ça et là les décès de nos semblables comptabilisés. On n’en mène pas large et, d’ailleurs, on reste groupé. Lumière et ambiance de funérarium. Au-dessus de chaque porte, un compte à rebours annonce le temps qu’il reste. On entre au petit bonheur, dans la première pièce accessible. Chaque fois, ce sera aussi dans l’univers du futur cher défunt, cet « expert de son quotidien », selon Stefan Kaegi.

Un univers reconstitué avec un soin tatillon et une tendre ironie, où résonnent tranquillement quelquefois les plus singulières des dernières volontés. Celal a déjà son cercueil prêt pour Istanbul, Gabrielle ses cartons remplis des choses qu’elle veut léguer, Jeanne ses photos, Richard l’incroyable hologramme de son visage rajeunissant jusqu’à la prime enfance. Difficile aussi d’oublier les mots de Jeanne qui a choisi la mort assistée en Suisse, où elle est permise par la loi, pour mettre un terme à ses souffrances : « Je veux divorcer de mon corps, comme j’ai divorcé de mon mari ». Ou l’adieu d’Alexandre, ce quadragénaire en sursis, à sa fille de huit ans : « J’aimerais que tu gardes de moi une image de quelqu’un de bien vivant ».

 

« Nachlass, pièces sans personne  » de Rimini Protokoll © Samuel Rubio
« Nachlass, pièces sans personne  » de Rimini Protokoll © Samuel Rubio

Le train fantôme des vanités 

Les murs s’animent de vidéos ; des lampes, des postes de radio soudain s’allument tout seuls. On est dans le train fantôme de ces gens prévoyants, qui ne sont pas encore morts, mais déjà des revenants. Coup de chapeau, à ce propos, aux équipes techniques du Théâtre de Vidy-Lausanne, et du Théâtre national de Bretagne qui ont su régler ces sortilèges à la perfection.

On apprend à se connaître, en faisant antichambre. C’est l’autre magie de ces non-pièces dont on devient, peu à peu, les non-personnages secondaires. Et si les spectres, c’était nous ? Admis, pour une fois, dans l’intimité de ces bizarres précautions que prennent les vivants pour transmettre et tâcher de se survivre. « Le voilà bon, dans son costume d’empereur romain ! », s’exclamait déjà Dom Juan, dans le tombeau du Commandeur. 

Chacun aura son « préféré ». Une spectatrice, sans doute claustrophobe, s’esquive en découvrant le vestiaire de Michael, fou de deltaplane. Un local exigu dont le sol va brusquement se dérober sous nos pieds. Littéralement, prodigieusement. Une sensation qu’on doit au savoir-faire du vidéaste Bruno Deville, nouveau complice des redoutables scénographes que sont Stefan Kaegi et Dominic Huber. Le nez sur le contreplaqué, on croit encore à leur béton.

On peut aussi longtemps rêver à cette chambre grise de motel, dans laquelle Alexandre conserve son matériel de pêcheur à la mouche. Il en a même tout un tiroir, de ces ingénieux appâts qui imitent les « éphémères » (sic !). On le voit alors pêcher au lancer, déclarant : « Ça a quelque chose de magique : donner la vie à un leurre ». On ne saurait mieux dire. 
 
Olivier  Pansieri  


Nachlass, par Rimini Protokoll 

Production : Théâtre de Vidy-Lausanne

Texte : Stefan Kaegi

Scénographie : Dominic Huber

Vidéo : Bruno Deville

Dramaturgie : Katja Hagedorn

Son : Frédéric Morier

Durée : 1 h 30 

Photo : ©  Samuel Rubio 

Théâtre national de Bretagne •  1, rue Saint-Hélier • 35000 Rennes 

Réservations : 02 99 31 12 31 

Du 1er au 16 décembre, du mardi au vendredi  à 10 h 30, 12 heures, 13 h 30, 18 heures, 19 h 30 et 21 heures, les samedis et dimanches : à 11 heures, 12 h 30, 14 heures, 18 heures et 19 h 30

De 11 à 16 € 

Tournée :

– Du 21 au 25 mars 2018 à la MC2 de Grenoble

– Du 16 au 18 mai 2018 à La Filature de Mulhouse


À découvrir sur Les Trois Coups 

☛ « l’Empire des lumières » de Kim Young-Ha, National Theater Company of Korea, par Olivier Pansieri

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