« À hauteur d’herbes », d’Emmanuel Suarez, Vingtième Théâtre à Paris

À hauteur d’herbes © Léo Andrès

Les petites créatures
ont la parole

Par Anne Losq
Les Trois Coups

En ces temps de COP21, le Vingtième Théâtre propose une série de spectacles pour enfants autour de l’environnement et du climat. Ce samedi après-midi-là, petits et grands s’étaient montrés demandeurs d’un peu de poésie. Les chansons du conte musical « À hauteur d’herbes », pleines d’inventivité et de finesse, ont séduit. Cependant, la trame de la pièce n’était pas entièrement convaincante, malgré la présence de personnages attachants.

Les vedettes ne sont autres que les animaux de notre faune locale : amphibiens, insectes et petites créatures, toutes logées dans le creux d’un vieux tronc d’arbre ou au sein d’une mare boueuse. Les habitants de cet écosystème bien réglé se font donc du souci quand ils apprennent que leur biotope est menacé par les « Grands Pieds », des animaux mystérieux et agressifs souhaitant réaliser un jardin d’ornement. Odette, la grenouille, et Dédé, le scarabée, tentent alors de résister avec les moyens du bord et font appel à leurs voisins, y compris l’araignée qui les effraie.

Grâce à une narration audio et à une première chanson très entraînante, on a envie d’aimer ce spectacle. Le décor, bien planté (c’est le cas de le dire !), est composé d’un tronc au centre de la scène et d’une petite mare sur le côté. Les deux marionnettes principales se révèlent elles aussi sympathiques, aux couleurs pimpantes et aux voix singulières. Mais la trame de la pièce s’essouffle assez vite, car le texte repose davantage sur des dialogues astucieux que sur une série de rebondissements. Les subtilités langagières, bien que très malignes, auraient pu être accompagnées d’actions plus distinctes, entraînant les deux héros vers des horizons inconnus. À la place de cela, Odette et Dédé ne quittent pas leur lieu de vie, et tentent de trouver des solutions sans jamais être directement confrontés aux « grands pieds », ces humains dont on entend pourtant beaucoup parler.

Besoin de se faire entendre

Le public était composé d’enfants très sages ce jour-là : preuve en est du silence parfait qu’ils établirent dès l’extinction des lumières et de leur bonne volonté désarmante à suivre l’action. Lors des intermèdes musicaux, tous dansaient sur leurs fauteuils et auraient chanté en chœur s’ils avaient connu les paroles. Cela m’a fait regretter le manque d’interactivité entre les personnages et le public. En effet, ce dernier n’était pas convié à participer, comme cela aurait pu être le cas si les marionnettes avaient posé des questions, brisant ainsi le quatrième mur. Pourtant, lorsque Odette demanda à propos des humains, « mais où est-ce qu’ils rangent leurs têtards ? », une petite voix dans le public répondit spontanément : « On n’a pas de têtards ! ». L’on voit donc bien que certains enfants présents avaient très envie de s’impliquer, sans que ce désir n’ait véritablement été intégré à la fabrique de la pièce.

Mais parlons plus longuement des chansons « jazzy », alliant les sons entraînants des guitares et des contrebasses avec des paroles malicieuses et poétiques. J’ai rarement entendu des compositions si exigeantes sur le plan musical et destinées aux enfants. Point de démagogie dans ces refrains-là ! Je me suis même demandé s’il serait possible de se procurer le disque de la bande originale afin de l’offrir aux petits voire aux plus grands. Un air m’a particulièrement touchée : l’ode d’Odette à l’eau, cet élément fondamental et nécessaire à tous les êtres vivants. La grenouille, porte-parole des animaux, exprimait son désarroi à l’idée de perdre sa mare. Au travers de mots simples, elle parvenait à communiquer les enjeux liés à la préservation de ce précieux liquide.

L’association Et demain nous a permis de passer un moment agréable, mêlant poésie musicale et sensibilisation environnementale. Les enfants se sont montrés présents et investis, malgré un rapport assez traditionnel entre les personnages sur scène et le public. J’espère que les propos de la pièce résonneront longtemps dans le cœur de ces jeunes, et qu’ils porteront ainsi un intérêt renouvelé à la préservation des petites bêtes locales – celles-là mêmes qui n’ont, malheureusement, pas assez souvent la parole. 

Anne Losq


À hauteur d’herbes, d’Emmanuel Suarez

Et demain

Site : www.etdemain.com

Mise en scène et écriture : Emmanuel Suarez

Avec, en alternance : Charlotte Andrès, Ariane Dionyssopoulos, Lætitia Hipp et Émilie Vidal

Musique : Rémi Toulon

Décor : Céline Schmitt

Marionnettes : Laurent Huet

Photo : © Léo Andrès

Vingtième Théâtre • 7, rue des Plâtrières • 75020 Paris

Réservations : 01 48 65 97 90

Site du théâtre : www.vingtiemetheatre.com

Métro : ligne 2, arrêt Ménilmontant et ligne 3, arrêt Gambetta

Du 28 novembre au 5 décembre 2015, le samedi à 15heures

Durée : 50 minutes

10 €

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