Le plus grand cabaret d’un autre monde
Par Emmanuel Cognat
Les Trois Coups
Les néons qui grésillent dans la pénombre de la dalle des Cirques, porte des Lilas, indiquent au spectateur aventurier l’entrée du chapiteau du Cirque électrique. Le « Cabaret électrique » qui s’y déroule chaque fin de semaine jusqu’au 22 mars, mêle pour le délice de tous les « freaks » ce que tradition de cirque et culture punk ont de meilleur.
« Une brocante… » Ainsi commence la brève plaquette de présentation du nouveau spectacle du Cirque électrique. Une brocante, un endroit où tout est à vendre – et c’est effectivement le cas de la quasi-totalité de ce qu’abrite le chapiteau, des chaises aux lumières, des tables aux éléments de décor. Mais une brocante, c’est aussi un espace de chaos harmonieux, un amoncellement organisé, au sein duquel se côtoient les choses les plus diverses, dont beaucoup n’auraient ailleurs jamais pu s’assembler. Serait‑il alors trop osé de proposer qu’un cabaret ne soit rien d’autre qu’une brocante artistique et humaine ?
Assurément pas s’il s’agissait d’essayer de définir celui que nous propose actuellement la troupe du Cirque électrique. Car les numéros qui s’enchaînent au rythme soutenu des interventions de Monsieur Loyal ont quelque chose d’hétéroclite et de décalé. Et c’est bien de l’heureux désordre qui en résulte, désordre dans lequel le spectateur assis à proximité immédiate de la piste et des artistes se voit littéralement immergé, que naît une indéniable poésie.
Ainsi, dans ce Cabaret électrique, tout n’est que télescopage. Effeuillages burlesques qui s’entremêlent avec des numéros de hula-hoop ou de fakir, acrobaties clownesques, trapèze sensuel, roue Cyr poétique sur musique rock… De même les univers (punk, contre-culture, cirque traditionnel, arts de rue…) qui en arrière-plan se contaminent les uns les autres pour finir par n’en faire plus qu’un. Celui un peu déjanté, franchement débridé, et exubérant du Cirque électrique. Dans lequel le verbe est aussi grandiloquent que le geste est fragile et plein d’humilité. Car si Monsieur Loyal ne manque pas de gouaille et de repartie, les acrobates exécutent chaque numéro avec une délicatesse touchante, qui fait oublier qu’ils ne sont pas en train d’accomplir des prouesses absolues.
Cabaret éclectique
A priori, le programme change tous les soirs. Inutile donc de trop s’attarder sur les numéros particuliers qui nous ont le plus touchés, car ils ne seront peut-être pas présentés lors du prochain cabaret. Certains artistes semblent toutefois faire figure de piliers, telle Tarzana Fourès, dont les numéros de trapèze et de corde lisse, conjuguant fougue et sensualité, subjuguent. De même le beau Raúl, dont le puissant numéro de pole dance semble avoir fait un effet similaire sur la majorité des spectatrices présentes. Les prestations de Lalla Morte ne laissent pas non plus indifférent (tout particulièrement la simplissime mais ô combien poétique séance de peinture phosphorescente sur corps). Sans oublier Ben Bénéventi, excellent maître de cérémonie et pour le moins surprenant clown jongleur. Les artistes sont servis par un trio de musiciens et chanteurs mené par Hervé Vallée alias Tapman, extrêmement inventif et polyvalent, auquel la dynamique du spectacle doit énormément.
Bien sûr, certaines âmes sensibles pourront être choquées ou resteront imperméables à l’ambiance de ce cabaret réservé aux adultes qui ont conservé une âme d’enfant (« On n’est pas sérieux quand on a dix‑sept ans », revendique la citation de Rimbaud sur la plaquette du spectacle). De toute façon, tout le monde ne pourrait pas entrer sous le chapiteau du Cirque électrique, et encore moins s’attabler pour dîner avant le spectacle, ce qui est chaudement recommandé pour une translation sans cahot dans l’univers (tout à fait chaotique) du Cabaret électrique. ¶
Emmanuel Cognat
Cabaret électrique
Cirque électrique • place du Maquis-du‑Vercors • 75020 Paris
09 54 54 47 24
Site : www.cirque-electrique.com
Courriel : contact@cirque-electrique.com
Mise en scène : Hervé Vallée
Avec : Tarzana Fourès, Ariana Gilabert, Lalla Morte, Duo Cedelo, Ben Bénéventi…
Musique en direct : T’n’T et Maria Fernanda Ruette
Déco : Kiki Picasso
Commissaire de brocante : David Mahieux Attia
Cuisine du soir : Fabrice Cystique
Photo : © Hervé
Cirque électrique • place du Maquis-du‑Vercors • 75020 Paris
Réservations : 09 54 54 47 24
Courriel de réservation : reservation@cirque-electrique.com
– Métro : ligne 11 et ligne 3 bis, arrêt Porte‑des‑Lilas
– Tramway : 3 bis, arrêt Porte‑des‑Lilas
– Voiture : par le périphérique, sortie Porte‑des‑Lilas
Du 13 février au 22 mars 2014, du jeudi au samedi à 21 heures
Ouverture des portes à 19 heures. Bar et restauration sur place.
Durée : environ 2 h 30 avec entracte
16 € | 8 €