Le fellagha du rire
Par Vincent Cambier
Les Tois Coups
Sacré Fellag ! Je ne m’en suis pas encore totalement remis ! Cet humoriste algérien – universel ? – a fait récemment exploser de rire le destroyer du Chêne‑Noir, plein à craquer.
Fellag revisite fielleusement l’histoire de l’Algérie et de la Kabylie. Il trempe son récit dans l’acide, en remontant jusqu’à l’Antiquité. C’est dire si son souffle est ample.
À propos de son peuple, il parle « de sexe, de religion, d’armée, de pouvoir et de vie quotidienne ». Avec des mots simples. Comme il le dit lui-même, « chez nous, les scénarios sont dans la rue ». Et la tchatche de ce Coluche algérien est stupéfiante de tendresse corrosive. En outre, l’invention verbale de l’humoriste n’est pas en reste : il arabise des mots kabyles, il francise des mots arabes, arabise et kabylise des mots français. Il cannibalise ainsi la sémantique et ridiculise la haine de l’autre.
À l’heure où l’Algérie vit des moments atroces, Fellag se met au diapason. Ses textes, tissés avec l’âme du peuple algérien, sont d’une lucidité, d’une cruauté et d’une haine de soi inouïes. Ce grand balèze en chemise noire à pois blancs et en bretelles rouges nous rappelle opportunément la seule définition de l’humour qui vaille : la politesse du désespoir.
Je suis sorti du théâtre, le cœur percé de « cette mâle gaîté si triste et si profonde que lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer ». ¶
Vincent Cambier
Djurdurassique bled, de Fellag
Avec : Fellag
Théâtre du Chêne‑Noir • 8, bis rue Sainte‑Catherine • Avignon
04 90 86 58 11