« FoResT », de Jérôme Thomas, Nuits de Fourvière

« FoResT » © Christophe Raynaud de Lage

En apesanteur

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

C’est un spectacle hybride, esthétique et minimaliste que ce « FoResT » (sic) concocté par Jérôme Thomas, jongleur émérite, accompagné d’une danseuse et d’un accordéoniste…

Ils nous reçoivent sous chapiteau, dans le Cirque Lili, leur maison (c’est ainsi qu’ils la décrivent). Et pourtant ce n’est pas vraiment du cirque que nous verrons, ni même du « nouveau cirque » à proprement parler, plutôt une drôle de forme qui emprunte beaucoup à la danse, à commencer par son rapport fusionnel avec la musique… Certes, la piste est ronde ; certes, le jongleur et sa danseuse (Aurélie Varrin) sont au départ juchés tout en haut des mâts ; mais de feux de la rampe point, de strass et de paillettes point, de voltige moins encore… Le chapiteau tout entier est plongé dans l’obscurité, le sol est couvert d’écorces d’arbres, tout est couleur de terre. L’accordéoniste débute un air magnifique dont le rythme lent désoriente lui aussi… Les comédiens descendent tout aussi lentement, se déplacent avec parcimonie : le ton est donné.

Et il étonne : certes, tout est très beau, techniquement parfait, mais un peu trop esthétisant. Et, si la musique est belle – les partitions de Jean‑François Baëz sont originales, inventives –, le rythme est absent de la piste et il manque parfois cruellement. À friser ainsi l’épure, on atteint vite un seuil critique et même un léger ennui… C’est là la principale critique à ce spectacle qui, heureusement, prend un peu de vitesse par la suite, et ce défaut devrait pouvoir être corrigé.

Éloge de la lenteur et du minuscule

Mais c’est d’autant plus sensible que ce qui est représenté est loin d’être spectaculaire. Le travail de Jérôme Thomas fait dans la finesse, et il faut bien connaître la dureté technique de certains exercices pour en apprécier la virtuosité. Ici, pas de véritable acrobatie, mais un homme couché au sol qui tient une canne droite sur son pied nu pendant un temps qui s’étire… Prouesse… Ou pas de deux seulement dansé en compagnie de son double féminin, son ombre plus jeune, Aurélie Varrin, ou marche lente à rebours du sens du plateau (qui tourne sur lui-même), ou solo langoureux avec des plumes géantes ou encore un jeu sublime et prosaïque avec un sac plastique qu’il fait obéir au gré de son souffle.

Ce que recherche Jérôme Thomas, c’est la résistance à la pesanteur, éviter que les corps naturellement retombent, qu’ils deviennent aériens, désincarnés, des anges… Seules quelques clowneries parsèment le spectacle, et corrigent son aspect presque aride. Une grande nonchalance imprègne le spectacle jusqu’à devenir un style.

Ce qui est le plus troublant, c’est le corps-à‑corps avec la musique, une sorte de fusion intense, et il s’agit là d’une incontestable réussite. Une réussite forcément partagée entre l’accordéoniste et le jongleur, dont la symbiose est totale… 

Trina Mounier


FoResT, de Jérôme Thomas

En scène : le jongleur Jérôme Thomas, l’homme-accordéon Jean‑François Baez, la femme-reflet Aurélie Varrin

Vidéaste, performance graphique : Manon Harrois

Mise en scène : Aline Reviriaud et Agnès Célérier

Composition musicale : Jean‑François Baez, Guy Klucevsek

Costumes : Emmanuelle Grobet

Lumière : Bernard Revel

Dessins : Manon Harrois

Photo : © Christophe Raynaud de Lage

Production A.R.M.O. / Cie Jérôme‑Thomas, compagnie soutenue au titre des compagnies conventionnées par la Drac Bourgogne-ministère de la Culture et de la Communication et le conseil régional de Bourgogne

Coproduction et accueil en résidence CIRCa, Auch, Gers, Midi-Pyrénées, Pôle national des arts du cirque

Coproduction : Cirque Jules-Verne, Pôle national du cirque et arts de la rue d’Amiens ; Pôle national des arts du cirque en Bretagne ; Cirque-Théâtre d’Elbeuf, Pôle national des arts du cirque de Haute-Normandie

Spectacle présenté en partenariat avec le Théâtre de la Renaissance (Oullins)

Nuits de Fourvière • esplanade de l’Odéon

http://www.nuitsdefourviere.com/programme/forest

Du 7 juin au 15 juin 2013 à 19 h 30

22 € | 17 €

Tournée :

  • Espace cirque d’Antony • rue Georges‑Suant • Antony
    Réservations : 01 41 87 20 84, du mardi au samedi de 14 heures à 19 heures
    Mars-avril 2014, 14 au 16, 21 au 24, 28 au 31 mars, 4 au 6 avril 2014
    Rencontre le 16 mars à l’issue de la représentation
    Carte blanche le 29 mars à l’issue de la représentation
  • 6 au 9 mai 2014 ; à 20 h 30 les 6 et 9 | à 15 heures le 7 | à 17 heures le 8, Champagnole – Scènes du Jura (39)
  • 18 et 19 mai 2014, Homécourt – centre culturel Pablo-Picasso (39)
  • 24 au 29 mai 2014 ; à 20 heures les 24, 27, 28 | à 17 heures les 25 et 29, Dijon – festival Théâtre en mai (21)
  • 11 au 13 juin 2014, dates à préciser, Saint‑Denis – Académie Fratellini – festival Les Impromptus (93)
  • 5 au 8 août 2014, Thonon – festival Fondus du macadam (74)
  • Entre le 15 et le 22 août 2014, dates à préciser • Nexon – festival La Route du Sirque (87)

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