« Hen », de Johanny Bert, Le Monfort, à Paris

hen-Johanny-Bert © christophe-raynaud-de-lage

Il / elle est libre, Hen !

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Ce cabaret d’un nouveau genre, récompensé lors du Prix de la critique 2019-2020 (mention spéciale « Spectacle Hors norme »), est repris au Monfort jusqu’au 9 février, avant une belle tournée partout en France. C’était aussi notre coup de cœur 2020.

Hen bouscule les codes : ceux de la marionnette, pour public averti, celles du cabaret (queer burlesque) et de l’identité. Le spectacle s’ouvre sur une vision onirique : derrière un praticable surmonté d’un cadre en néon, un personnage flotte, comme en apesanteur, jusqu’à la déchirure d’un voile en plastique. D’entrée, Hen dynamite les conventions.

Hen nous prévient : il / elle ne va pas se gêner pour chanter sa liberté d’être et d’aimer. Manipulée à vue par deux acteurs, la marionnette ne cesse de nous surprendre. Cette diva chauve et virile à gros seins et bouche dévorante s’exprime effectivement avec une rare audace. Jouant avec les images masculines et féminines, grâce à un corps mutant, cette créature hybride évolue avec insolence au gré de ses envies, surtout sexuelles. D’ailleurs, sa collection de godes est impressionnante.

Le point culminant est le moment où, dans le tango du clitoris, Hen s’abandonne, jusqu’au démembrement. Jamais à cours de surprises, il / elle sait aussi être romantique : « Un jour quelqu’un me serrera tellement fort que ça recollera tous les morceaux ». Homme bodybuildé ou femme pulpeuse, Hen brûle les planches de sa présence magnétique. Que ce soit dans son plus simple appareil ou sa combinaison de latex, revêtue de ses robes moulantes tout en paillettes ou de son cerceau en crinoline, les costumes de Pétronille Salomé sont extraordinaires.

Esthétique, sulfureux, ludique

Le Théâtre de Romette s’appuie sur une ligne de force : l’entre-deux. Le spectacle pose la question organique, viscérale, du genre, donc de l’identité, de la métamorphose et de la difficulté relationnelle. Hen, pronom suédois entré dans le dictionnaire en 2015, permet de désigner indifféremment un homme ou une femme. Il est notamment utilisé dans des manuels scolaires expérimentant une pédagogie moins discriminante.

Hen-Théâtre-de-Romette-Christophe-Raynaud-de-Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Plume enlevée, poétique, écriture précise, les chansons (de Brigitte Fontaine, Pierre Notte, Marie Nimier, Prunella Rivière, Gwendoline Soublin, Alexis Morel, Laurent Madiot, Yumma Ornelle) sont grivoises, mais pleines d’humour. De sa voix lascive et envoûtante, Johanny Bert (également auteur et metteur en scène) fait jaillir les mots sans discontinuer, improvise gaiement et s’emballe avec une frénésie grandissante. Il donne chair et pensée à la belle image, en rendant humain ce pantin en mousse qui, non seulement nous captive ou nous effraie, mais nous émeut, d’autant que les deux musiciens (percussionniste et violoncelliste) l’accompagnent magnifiquement en direct.

Bien sûr, le propos qui fait écho à une communauté discriminée et à leurs luttes LGBTQ+, est politique. Mais Hen est avant tout un hymne vibrant à la tolérance, une ode au hors norme. 


Hen, de Johanny Bert

Théâtre de Romette

Site sur le spectacle

Conception, mise en scène et jeu : Johanny Bert

Manipulateurs : Johanny Bert et Anthony Diaz

Musiciens en scènes et arrangements : Guillaume Bongiraud (violoncelle électro-acoustique) et Cyrille Froger (percussionniste)

Durée : 1 h 15

Dès 14 ans

Le Monfort • Cabane • 106, rue Brancion • 75015 Paris

Du 2 au 9 février 2022, à 19  h 30

Réservations : 01 56 08 33 88 ou en ligne

De 8 € à 25 €

Censure et autocensure dans les arts de la marionnette, rencontre proposée par l’ANRAT, le 7 février, à l’issue de la représentation

Tournée :

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