Hommage à Paco de Lucía, Jazz in Marciac, 38e édition

Al Di Meola © Nicolas Roger

Le compte n’y était pas tout à fait

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

Pour la trente-huitième année consécutive, à Marciac (Gers) les festivaliers par dizaines de milliers vont pouvoir, pendant près de trois semaines et en trois lieux différents, fréquenter plus de 180 concerts et rencontrer quelques-uns des plus grands parmi les musiciens de jazz vivants. Le festival rend aussi hommage à ceux qui ont fait ses beaux jours et qui ne sont plus.

Paco de Lucía nous a quittés par surprise le 25 février dernier, fauché en pleine gloire. La soirée d’hommage voulue par Jazz in Marciac, réunissant des musiciens qui l’avaient côtoyé à divers moments de sa carrière, avait vocation à faire revivre le bouillant Andalou.

Al Di Meola : brillant mais froid

La première partie de soirée a été confiée à Al Di Meola, en trio avec Peo Alfonsi (guitare) et Peter Kaszas (batterie et percussions). Le compagnon de Paco dans l’aventure du mythique Saturday Night in San Francisco (1981) [avec John McLaughlin] a d’abord exprimé en quelques mots la force des rapports qui le liaient au musicien andalou et le choc représenté par sa brutale disparition.

Il a ensuite montré d’entrée de jeu qu’il n’avait rien perdu de sa virtuosité avec une suite de pièces au climat proche, dont Brave New World et Mawazine tirées de Pursuit of Radical Rhapsody (2011). On entendra aussi Café 1930 d’Astor Piazolla, Blackbird et Because de Lennon et McCartney. L’atmosphère change avec deux nouvelles pièces. La première présente une succession d’ambiances pleines de sérénité avant que la mélodie délicate ne s’envole. Plus tard, le rythme s’accélérera et la pulsation deviendra plus nette sans que la guitare ne cesse son chant.

Tout le concert démontre qu’Al Di Meola est un guitariste hors pair, un technicien de premier ordre. Il y manquait sans doute un peu de folie. Pour le dire autrement, la fièvre n’était pas là. On n’en veut pour preuve que l’enthousiasme avec lequel Mediterranean Sundance, cette pièce de légende jouée en rappel, a été accueillie.

Beyond the Memory, a Tribute to the Great Paco de Lucía

Paco de Lucía était issu de la musique flamenca et son principal apport à la musique contemporaine réside dans la révolution qu’il a introduite dans ce genre. Il l’a véritablement ouvert à la modernité et profondément transformé, notamment en l’adaptant à de nouveaux instruments.

Il était donc logique de faire appel à des musiciens qui l’avaient accompagné sur ce chemin pour la deuxième partie de l’hommage que Jazz in Marciac lui consacre. À cet effet, ils ne sont pas moins de dix sur scène.

Le concert s’ouvre par une courte vidéo où apparaît Paco de Lucía lui-même. Hélas, pour les spectateurs qui ne sont pas polyglottes, il s’exprime en espagnol, parle très vite, et les sous-titres, en anglais, passent très rapidement. Il n’y a pas d’écran de face pour les auditeurs des tout premiers rangs.

Les numéros musicaux sont empruntés à l’œuvre de Paco de Lucía, à l’exception d’el Barranco del Tesoro, signé du flûtiste Jorge Pardo. C’est une composition qui met en évidence la virtuosité du musicien. Sa vélocité, sa musicalité sont impressionnantes, ainsi que la variété des registres utilisés. Le public lui fait un triomphe. C’est également lui qui présente le concert. Malheureusement, il le fait en espagnol, sans la moindre traduction, et parle de plus en plus vite !

Parmi les instrumentistes, je distinguerai d’abord les deux percussionnistes, El Pira ňa et Rubem Dantas. Leurs joutes contribuent à introduire l’improvisation dans le concert. Il en va de même pour les deux bassistes, Alan Pérez et Carles Benavent. On garde pour la bonne bouche, les deux virtuoses de la guitare. Le flamenco est une grande affaire de famille, et bon sang ne saurait mentir : Antonio Sánchez est le neveu de Paco de Lucía et le cousin de son aîné, le second guitariste de ce soir, José María Bandera. Ils savent eux aussi jouter et nous emporter au galop de leurs doigts véloces. On mentionnera aussi les extraordinaires zapateados de Joaquin Grillo, dont la gestuelle a renoncé aux postures (trop) viriles, au grand dam de certains spectateurs.

Pourquoi faut-il qu’on sorte de cette séance souvent très brillante avec une forme d’insatisfaction ? Tout simplement, peut-être, parce que l’esprit de Paco n’était pas là, ce soir. 

Jean-François Picaut


Hommage à Paco de Lucía

Jazz in Marciac, 38e édition

Du 27 juillet au 16 août 2015 à Marciac (Gers)

Réservations : 0892 690 277 (0,34 € / min)

Site : www.jazzinmarciac.com

Photo d’Al Di Meola : © Nicolas Roger

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