« Ich Bin Charlotte », de Doug Wright, Théâtre du Poche-Montparnasse à Paris

Thierry Lopez dans « Ich Bin Charlotte » de Doug Wright - Mise en scène de Steve Suissa © Svend Andersen

Agent trouble

Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups

Steve Suissa met en scène « Ich Bin Charlotte », le récit biographique d’une icône transgenre berlinoise, durant la guerre. Succès du Off d’Avignon cet été, le spectacle est repris au Théâtre de Poche-Montparnasse.

Ich Bin Charlotte lancé comme une revendication. « Je suis Charlotte », comme une fierté. En relatant l’histoire extraordinaire de Charlotte von Mahlsdorf, le dramaturge américain Dough Wright fait un éloge vigoureux des singularités et de la marge comme position face à l’existence.

Née homme sous le nom de Lothar Berfelde, Charlotte von Mahlsdorf traverse la Seconde Guerre mondiale en Allemagne sans rien renier de son identité transgenre. Comment ? Voilà toute l’intrigue du spectacle, monté par Steve Suissa à la manière d’une enquête sur les traces de cette icône de la résistance LGBTQ.

Thierry Lopez incarne à lui seul, avec une verve épatante, la trentaine de personnages impliqués dans cette affaire. Charlotte évidemment, collectionneuse, fondatrice d’un musée des antiquités à Berlin, transgenre tenancière d’un cabaret clandestin, mais aussi les amis de Charlotte, les agents de la SS puis de la Stasi, les deux Américains, enfin, qui recomposent l’histoire de ce personnage, à la fois exubérant et secret. L’un d’eux serait donc l’auteur, Doug Wright. Il s’est appuyé sur des entretiens pour écrire la pièce, mais aussi sur l’autobiographie de Charlotte, intitulée I Am My Own Wife. « Je suis ma propre épouse ».

Thierry Lopez dans « Ich Bin Charlotte » de Doug Wright - Mise en scène de Steve Suissa © Svend Andersen
Thierry Lopez dans « Ich Bin Charlotte » de Doug Wright – Mise en scène de Steve Suissa © Svend Andersen

« Je suis ma propre épouse »

Ce titre dit le jeu des identités qu’entretient Charlotte Von Mahlsdorf, soupçonnée d’avoir frayée avec la Stasi, pour poursuivre ses activités dans Berlin-Est, après la guerre. Dans un décor ingénieux constitué d’un buffet qui se déploie pour monter l’intérieur du cabaret en miniature et d’une collection de gramophones, éparpillés ça et là, Thierry Lopez bascule avec fluidité d’un rôle à l’autre. L’interprétation du comédien, déjà si soutenue, se passerait de quelques effets superflus de musique, de danse ou d’accents. Mais ils ne gâtent rien au jeu précis du comédien.

Doug Wright n’est pas le premier à s’intéresser à ce personnage littéralement hors normes. Le réalisateur allemand Rosa von Praunheim a, par exemple, tiré de ce destin un film, en 1992. C’est que l’esprit subversif de cet agent trouble fascine. Son existence est paradoxalement un modèle de cohérence, un exemple de vie menée avec conviction et un appel à chérir tout ce qui dédit la conformité. 

Cédric Enjalbert


Ich Bin Charlotte, de Doug Wright

Adaptation de Marianne Groves

Mise en scène : Steve Suissa

Avec : Thierry Lopez

Lumières : Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos

Décor : Natacha Markoff

Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz

Chorégraphie : Anouk Viale

Création sonore : Macime Richelme

Assistance à la mise en scène : Stéphanie Froeliger

Durée : 1h10

Théâtre de Poche-Montparnasse • 75, boulevard du Montparnasse • 75006 Paris

À partir du 8 septembre 2018, du mardi au samedi à 21 heures et le dimanche à 15 heures

De 10 € à 35 € 

Réservations : 01 45 44 50 21

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