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Jazz à l’Étage 2013, avec Biréli Lagrène, chronique no 4, à Rennes et Saint‑Malo

Biréli Lagrène © Jean-François Picaut

De Biréli à Tati, et c’est fini…

Par Jean‑François Picaut
Les Trois Coups

On le sait, tout a une fin. Jazz à l’Étage aussi, hélas, ferme ses portes après un très grand concert et une escapade à Saint‑Malo.

Mouvements par le Biréli Lagrène Quartette : que du bonheur !

Cet été, à Vienne puis à Marciac, nous avions connu un Biréli Lagrène peu ouvert, taiseux, on dira concentré pour ne pas dire un peu renfrogné. Est-ce le caractère vivifiant du climat breton ? Est-ce l’accueil réservé par l’équipe de Jazz à l’Étage ? On le retrouve à l’aise, souriant, enjoué, et même un peu folâtre. Ne le verra-t‑on pas, facétieux, semer ici et là quelques notes, quelques mesures de chansons célèbres dont Une chanson douce d’Henri Salvador ? On sent une véritable complicité entre le leader et ses compagnons : Frank Wolf (saxophones) et Jean‑Yves Jung (orgue Hammond B3), partenaires habituels, Jean‑Marc Robin (batterie) plus récemment venu. De ce fait, le jeu est plus ouvert, les espaces laissés à l’improvisation s’agrandissent, et l’on assiste à de véritables joutes notamment entre l’organiste et le saxophoniste, mais aussi entre Biréli et son batteur. Qui s’en plaindra ?

Quoi qu’en ait dit Biréli au début du concert, le programme est largement tiré de Mouvements, son dernier et remarquable album (Universal Music). On peut lui trouver des airs de manifeste par la façon dont il tourne le dos à sa période swing. Le public a encore un peu de mal à s’y faire, si l’on en juge par le frisson de connivence qui a parcouru la salle du Liberté quand il a esquissé en forme de pastiche quelques mesures de ce style qu’il a si remarquablement illustré. L’auditoire n’en a pas moins été conquis par le cocktail d’émotion, de virtuosité et de fantaisie qui lui était proposé.

On trouvera donc dans ce concert comme dans l’album des titres manifestement nourris de blues comme Jay, qui donne le ton avec beaucoup de rapidité, des sons saturés qui contrastent avec le son très rond de Frank Wolf. Captain Ferber et Where’s Frankie ? participent de la même esthétique, mâtinée de funk. À noter que Where’s Frankie ? est le seul morceau où l’on n’entend pas Wolf. C’est sans doute aussi celui où la guitare est la plus saturée et l’un de ceux avec Captain Ferber et Place du Tertre où la batterie s’exprime en dehors de la seule rythmique. L’orgue y tient également une place de choix. Maybe Tomorrow, parmi les ballades, ressortit aussi au blues : jolie prestation de Frank Wolf au soprano en parallèle au jeu très délié de Biréli. Ballade, la bien nommée, est une superbe mélodie au dialogue très délicat entre le saxophone et la guitare, sur un fond discret d’orgue et de batterie.

Quant à Liebesleid (« Chagrin d’amour »), c’est comme il se doit un titre sinon langoureux du moins élégiaque avec un très beau duo entre Wolf et Lagrène. La guitare y fait entendre des sonorités de mandoline que, ce soir, Biréli a même tirées vers la guitare hawaïenne. Il faudrait encore parler du beau travail sur Oleo de Sonny Rollins ou de la reprise de Place du Tertre, toujours aussi alerte, mais l’essentiel resterait à venir. Le titre emblématique de cet album nous paraît être celui qui, symboliquement peut-être, lui a donné son titre, Mouvements. Voilà un titre d’anthologie d’une virtuosité folle pour la guitare et le saxophone soprano. Il enchaîne les arpèges d’une façon qui fait irrésistiblement penser à Bach, ce qui montre que la musicalité n’y est nullement sacrifiée. C’est sans doute Frank Wolf qui y réalise la plus grande prouesse. Le morceau, en effet, a été écrit pour le violon : Biréli n’y a donc pas prévu de respirations, ou si peu ! Le public l’a si bien compris qu’il a salué la performance d’une très longue ovation.

Après deux heures de concert, le même public n’arrivait pas à quitter la salle. Malgré la fatigue, Biréli lui a offert un dernier titre en solo. Pour cette générosité et pour tout le bonheur que vous nous avez procuré, merci monsieur Lagrène.

les Vacances de M. Hulot de Jacques Tati, ciné-concert sur une musique de Jean‑Pierre Como

Pour son dernier évènement 2013, Jazz à l’Étage est allé prendre le large et goûter aux embruns à Saint-Malo. La chose s’imposait pour assister à un ciné-concert : les Vacances de M. Hulot de Jacques Tati avec une musique originale de Jean‑Pierre Como. Une première mondiale comme l’a souligné Yann Martin. C’est qu’il ne s’agit pas ici d’un ciné-concert ordinaire où la bande-son originale est tout simplement coupée au profit de la musique jouée en direct. Jean‑Pierre Como (piano) a au contraire voulu intégrer sa composition dans la bande-son de Tati. Il a joué sa musique en direct avec Francesco Bearzatti (clarinette, flûte et saxophone). Le résultat est saisissant.

Le public a été particulièrement gâté puisqu’il a bénéficié d’une copie neuve de la version récemment restaurée grâce à la fondation Groupama-Gan. Dans ces conditions, il est superflu de dire que le film n’a pas pris une ride ni la bande-son non plus.

Jazz à l’Étage 2013 a tiré son chapeau dans un éclat de rire général, et c’est un signe de bonne santé. Adieu, donc, la vieille édition ! Nous ne manquerons pas de vous livrer bientôt, avec le bilan, les premières indiscrétions sur l’édition 2014. 

Jean-François Picaut


Mouvements, par Biréli Lagrène (un album Universal Music)

Jazz à l’Étage, 4e édition, 2013

Du 13 au 17 mars 2013

À Rennes, dans diverses villes de Rennes-Métropole, à Saint‑Malo

Association Jazz35

Festival Jazz à l’Étage

http://jazzaletage.com/

Photo : © Jean‑François Picaut

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