« John », de Lloyd Newson, DV8 Physical Theatre, Biennale de la danse à Lyon

John © Ben Hopper

Sauna, sexe et drogues

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Un spectacle coup-de-poing, provocateur et puissant, a ouvert la Biennale de la danse. Signé de Lloyd Newson, le chorégraphe australien fondateur de la compagnie DV8 Physical Theatre, il balaie les plaies de la misère sociale puis explore les recoins des saunas gays, sans concessions ni tabous.

Le nom de cette compagnie, DV8, comme Danse vidéo 8 (de Super 8), donne le ton. La chorégraphie de Lloyd Newson est du théâtre physique et DV8 se prononce deviate, ce qui signifie « déviant ». Le corps et le verbe se conjuguent et entament une danse sulfureuse qui dévoile crûment ce que nos sociétés s’efforcent de cacher pudiquement et faussement (mais par l’exclusion et la violence). Politiquement incorrects, les spectacles radicaux de Lloyd Newson dénoncent haut et fort, sans aucune ambiguïté possible, les injustices et révèlent en images et en mots le sort fait aux vieux, aux femmes, aux homosexuels, tout en fustigeant notre hypocrisie.

La matière de John, qui s’inscrit dans cette lignée de visions extrémistes, est tirée d’une cinquantaine d’entretiens avec des hommes dont les histoires offrent un sinistre condensé d’alcoolisme, de cruauté, d’inceste, de drogues, avec les spirales qu’ils engendrent. Tout cela dit sur le plateau – en anglais évidemment, ce qui nécessite des surtitrages, comme le texte est très bavard, plutôt denses. Or l’abondance textuelle oblige le non-anglophone à des allers-retours incessants entre la scène et la traduction qui font perdre au spectateur beaucoup de la magie qui s’opère sur les planches. Certes, l’auteur est très scrupuleux sur la fidélité aux propos recueillis qu’il nous livre verbatim, mot pour mot, et c’est tout à son honneur. Mais force est de constater que ce texte documentaire n’a que peu de valeur littéraire et sa réduction aurait amélioré le show.

Or la danse telle qu’elle est orchestrée par Lloyd Newson est somptueuse, soyeuse, colorée comme un brocart. Les enchaînements, les rencontres des corps, d’abord heurtés, inquiétants pour raconter ces enfances traumatiques, semblent ensuite huilés, se déroulant et s’enveloppant, dans la seconde partie consacrée au sauna. Sauna qui évoque avec précision les contacts furtifs, les avances et reculades, les cache-cache sensuels, une sexualité radicale et revendiquée. Les neuf danseurs, particulièrement Hannes Langolf qui assume le rôle-titre, font preuve ici de leur complet engagement et de leur haute technicité, mais plus encore, ils ne forment parfois plus qu’un seul corps, tant les mouvements frôlent la perfection.

Physical Theatre

Il faut aussi parler du décor, un plateau tournant en permanence comme un manège, cloisonné par de hautes parois trouées de portes, de recoins, permettant les jeux d’ombre et de lumière, une circulation à la fois fluide et mystérieuse des danseurs. Où de nouveau l’on regrette que l’œil soit happé par des surtitres envahissants, car cette circularité a un effet hypnotique qui renforce le magnétisme de cette danse ainsi que l’émotion qui se dégage de cette histoire lamentable et touchante. Même s’il est clair, une fois encore, que le propos résolument explicite de Lloyd Newson tend, de son point de vue, à prendre la première place, comme tout langage militant. 

Trina Mounier


John, de Lloyd Newson, DV8 Physical Theatre

Conception / mise en scène : Lloyd Newson

Scénographie / costumes : Anna Fleischle

Lumières : Richard Godin

Conception sonore : Gareth Fry

Photo : © Ben Hopper

Maison de la danse • 8, avenue Jean-Mermoz • 69008 Lyon

www.maisondeladanse.com

Le 10 septembre 2014 à 19 h 30, les 11 et 12 septembre à 20 h 30

Durée : 1 h 25

29 € | 26 € | 25 € | 22 €

Dans le cadre de la Biennale de la danse

www.biennaledeladanse.com

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