« Jules et Marcel », de Pierre Tré‑Hardy, d’après la correspondance de Raimu et Pagnol, Théâtre Hébertot à Paris

Jules et Marcel

Affectueusement…

Par Claire Néel
Les Trois Coups

« Jules et Marcel », Raimu et Pagnol, Galabru et Caubère… Que de mots appétissants… À l’initiative de Jean‑Pierre Bernard et sous sa direction, ils sont réunis, « tous les quatre », au Théâtre Hébertot. Cette lecture-spectacle est une régalade. Celle-ci à peine goûtée, le sourire s’impose aux lèvres, creuse aisément sa place et n’en repart plus.

Avec Jules et Marcel, Pierre Tré‑Hardy réussit très justement une adaptation dramaturgique des divers échanges qu’ont eus Jules Raimu et Marcel Pagnol. Il a choisi des textes authentiques, lettres et conversations, pour livrer au public l’amitié sincère, drôle et tendre, qui liait les deux hommes. Leur principal terrain d’entente – et de mésentente – était leur passion commune pour le théâtre et le cinéma. Ce spectacle est donc aussi une belle traversée de cet univers, au tout début du cinéma parlant. Un troisième personnage devient notre guide : le narrateur. Il prend en charge l’organisation chronologique des évènements, il situe les correspondances dans leurs multiples contextes.

Tout commence quand le jeune Marcel Pagnol vient proposer Marius au déjà célèbre Jules Raimu, pièce dans laquelle il a écrit un rôle à sa démesure. Raimu, lassé par les propositions juvéniles, ne lui laisse pas grand espoir. Il lit tout de même la pièce et s’amourache du personnage de César. « Je vous ai imaginé en M. Panisse, c’est le rôle principal ! », « Il n’y aura qu’à étoffer un peu César… Cordialement, Jules ». Évidemment. Cette première confrontation scelle les prémices du profond attachement qu’ils auront l’un pour l’autre tout au long de leur vie. Cette paire d’hommes existe par une admiration réciproque, alimentée de disputes magnifiques, quand la mauvaise foi se déguste comme le pastis. L’humour est leur philosophie, où s’engouffrent efficacement la pudeur, l’amour et l’estime. « Les choses importantes ne se disent pas, elles sont sous-entendues. » C’est un aveu.

De truculences en concessions, l’équilibre se crée efficacement entre l’acteur-emmerdeur « de génie » et l’écrivain « menteur de charme » – qui n’est pas un écrivain aux yeux du premier, mais « un parleur qui écrit ». Marcel tente de convertir Jules au cinéma parlant, flattant l’orgueil de son ami qui pourra, tout en restant chez lui, jouer simultanément dans vingt salles, en France ! Raimu rétorque que « le cinématographe est nul. C’est mort, définitif, il n’y pas de place pour l’amour du public et la fantaisie des acteurs ». Et lorsqu’il accepte finalement, après quelques habiles caresses pagnolesques, il négocie sans diplomatie la distribution. Dans un souci de cohérence, il ne veut pas de Nordistes dans le film : ces faux Marseillais joueront avec un « accent d’exportation »… Ça n’en finit jamais… Leurs disputes sont le moteur stimulants de leur amitié et contribue, sans aucun doute, à les conduire aux parcours que l’on sait.

« Le rire est quelque chose que Dieu a donné aux hommes pour leur faire oublier leur intelligence. » Si la complicité de Jules et Marcel érige le rire en façon de vivre, Galabru et Caubère savent très bien le provoquer simplement et… intelligemment. Bien sûr, les lettres en elles-mêmes sont drôles. Mais les comédiens les rendent irrésistibles grâce au plaisir palpable qu’ils mettent à les investir. Nous sommes comblés de voir ces deux grands de la scène ensemble. Ravis qu’ils nous fassent le cadeau de leur talent, de leur instinct du jeu, au sens enfantin et très rigoureux du mot. Ils s’amusent et naviguent dans le moment présent avec bonheur. Au-delà de Jules et Marcel, Michel et Philippe nous touchent par l’amour de leur métier et le profond respect de leur partenaire. Merci pour la réjouissance et le réconfort. 

Claire Néel


Jules et Marcel, de Pierre Tré‑Hardy

D’après la correspondance de Raimu et Pagnol

Meneur de jeu : Jean‑Pierre Bernard

Avec : Michel Galabru, Philippe Caubère, Jean‑Pierre Bernard

Théâtre Hébertot • 78 bis, boulevard des Batignolles • 75017 Paris

Réservations : 01 43 87 23 23

À partir du 20 mars 2009, du mardi au vendredi à 19 heures, le dimanche à 19 heures, relâche samedi et lundi

Durée : 1 h 10

30 € | 20 € | 10 €

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