« la Commère », de Marivaux, À la folie Théâtre à Paris

la Commère © D.R.

Une bavarde truculente !

Par Isabelle Jouve
Les Trois Coups

La compagnie Enfants de la comédie s’attaque à Marivaux et à sa « Commère ». Une bonne idée au vu du talent de la troupe.

Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux a écrit cette pièce en un acte en 1741, pour le Théâtre-Italien. C’est une adaptation pour la scène d’un chapitre de son roman inachevé, le Paysan parvenu. Marivaux répond là au nouveau genre théâtral du xviiie siècle, le drame bourgeois. Il délaisse la tragédie et le gros rire de la farce au profit du triomphe de la vertu, des réalités contemporaines et des vérités de situation (relations familiales, conditions sociales, intrigues amoureuses…).

Cette pièce ne sera jamais jouée en France. Le manuscrit disparaîtra même pendant deux cents ans avant d’être retrouvé par la bibliothécaire-archiviste de la Comédie-Française. Heureux hasard ! En 1967, la Commère sera donc représentée pour la première fois, avec la merveilleuse Françoise Seigner dans le rôle-titre.

L’histoire en est simple : Jacob, fils de paysan, sans fortune mais joli garçon, aspire à se frayer un chemin dans le monde de la bourgeoisie. Il a beaucoup de succès auprès de ces dames. Sous couvert d’une nouvelle identité, il a rencontré Mademoiselle Habert, vieille fille qui se cache de sa famille pour l’épouser. Elle habite chez Madame Alain, une incorrigible commère qui va se charger des modalités du mariage. Toutefois, celle-ci est si bavarde qu’elle alertera – sans s’en douter – le neveu de la future mariée qui ne veut pas perdre son héritage. Vient s’ajouter là-dessus la servante, qui a elle-même des vues sur Jacob, une parente qui révèle les origines paysannes de ce dernier, bref un méli-mélo de situations cocasses qui s’enchaînent à vive allure.

Ils pratiquent la langue de Marivaux avec brio et générosité

Les comédiens sont très bons. Ils pratiquent la langue de Marivaux avec brio et générosité. Le public n’a aucun mal à se transposer dans ce xviiie siècle fait de couleurs et de débordements. Mention spéciale à Julie Le Lay, une Madame Alain pleine de truculence et de drôlerie.

Les costumes sont savamment étudiés : corsets cintrés, épaules dénudées et jambes gainées pour les femmes, symboles de la féminité, du paraître et de l’illusion, et tenues sombres aux longs pans pour les hommes, sauf Jacob le parvenu qui pavane dans un ensemble blanc très adapté à sa quête. Il se veut vierge de son passé et de son milieu pour ouvrir une nouvelle page de sa vie.

Le décor est simplement composé de neuf tabourets qui représentent la « maison des personnages dans laquelle ils se réfugient lorsqu’ils ne sont pas en jeu ». Ainsi, dès le début du spectacle, tous les acteurs sont sur scène, même ceux qui n’interviennent qu’à la toute fin de la pièce. Ce choix scénographique est assez étrange. En effet, dans la note d’intention il est précisé que « le public voyeur assiste alors à l’intimité, à ce que chacun hors du regard est dans sa vérité, bien loin de ce qu’il prétend être ». Mais, à quelle vérité est-il fait allusion lorsque certains personnages sont de dos et presque immobiles tout le long du spectacle ?

Les différents univers sont liés par une création musicale pertinente aux accents de tango qui souligne la danse des corps lorsqu’ils paradent et s’entrechoquent.

La Commère se laisse voir avec plaisir. 

Isabelle Jouve


la Commère, de Marivaux

La Cie E.D.L.C. • 82, rue du Point-du-Jour • 92100 Boulogne-Billancourt

09 54 08 87 68

Courriel : compagnie@enfantsdelacomedie.org

Mise en scène et scénographie : Karin Catala

Avec : Julie Le Lay, Cécile Clemenceau, Raphaëlle Talopp, Kamelia Pariss, Jules Méary, Simon Renou, Barthélemy Guillemard, Bastien Chevrot, Lucas Lecointe

Chorégraphies : Sophie Méary-Sauvage

Création musicale : Fabien Kantapareddy

Lumières : Landowski

Costumes : Nawamanee Sawoo Amoogum dite « Pamela »

Photo : © D.R.

À la folie Théâtre • 6, rue de la Folie-Méricourt • 75011 Paris

Réservations : 01 43 55 14 80

Site du théâtre : www.folietheatre.com

Métro : ligne 9 et 5, arrêts Saint-Ambroise ou Richard-Lenoir

Du 29 août au 8 novembre 2015, vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 18 h 30

Durée : 1 h 15

22 € | 17 €

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