« La Fuite », de Gao Xingjian, Théâtre du Chêne‑Noir à Avignon

« la Fuite » © Lucie Sassiat

Sauve qui peut !

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Dans une mise en scène convenue portée par une distribution plus qu’inégale, la compagnie Les Chiens de paille met en scène « la Fuite ». Or, comme les personnages, on aimerait prendre ses jambes à son coup pour échapper au massacre !

Difficile aux spectateurs d’apprécier les qualités d’écrivain de Gao Xingjian en allant voir la Fuite. Car ils ont l’impression d’entendre un mauvais remake de Huis clos. En effet, pendant une heure interminable, trois personnages se disputent, se désirent et se chamaillent. Quand on songe qu’ils ont pris le risque de mourir pour leurs idéaux quelques heures auparavant, cela laisse songeur.

Mais il est sans doute vain de chercher une quelconque cohérence chez « l’Écrivain », « la Jeune Comédienne » et « l’Étudiant ». Ce sont des types (voire des caricatures). L’écrivain, de fait, est un cynique, charmeur. Il s’oppose bien évidemment au jeune étudiant idéaliste. Quant à la fille, elle est à part (ô surprise !). C’est l’obscur objet du désir des mâles qui veulent l’aimer (version estudiantine) ou la baiser (version brutale). Comme ces personnages sont des archétypes, ils passent d’un état à un autre d’une manière totalement incohérente. Par exemple, la Comédienne terrorisée exprime ensuite sa révolte contre la gent masculine d’une façon qui ameuterait toutes les polices du monde.

Femme (et hommes) au bord de la crise de nerfs

La pièce baigne généralement dans un climat d’hystérie auquel, bien entendu, la femme a une bonne part… Cette débauche de cris et de gestes exprime-t-elle le travail sur le corps qui fut à la base du labeur de la compagnie ? Ce serait un peu court. On se pose de manière générale nombre de questions sur les choix de direction d’acteurs et de mise en scène. Pourquoi faire jouer si souvent les comédiens de profil, dans la pénombre et sur un espace aussi étroit au risque de perdre le spectateur ? Pour autoriser les sorties discrètes ? D’accord, les personnages se cachent, mais le théâtre est capable de nous faire percevoir l’obscurité sans nous y plonger…

La pièce associe encore des vérités générales exaspérantes à des poncifs. C’est dommage, car on pouffe de rire alors que la pièce se présente comme une tragédie. La traduction pose peut-être problème, nous ne sommes pas en mesure de le dire. Ce qui est sûr, c’est que les interprètes ne peuvent pas déployer leurs talents avec ce matériau. D’ailleurs, le seul qui s’en sorte à peu près est Arben Bajraktaraj. Or, en d’autres occasions, on a déjà été convaincu par les qualités de ses partenaires.

De toute façon, les comédiens ne pourraient sauver un texte apparemment conventionnel et mis en scène sans ingéniosité. On aurait vraiment voulu apprécier une œuvre qui prétend parler de théâtre, d’engagement et de désir… mais la Fuite ne remplit vraiment pas ce beau programme. 

Laura Plas


La Fuite, de Gao Xingjian

Traduction : Julien Gelas

Cie Les Chiens de paille • immeuble Steel-Band • 68, rue Anita-Conti • 56000 Vannes

Courriel : leschiensdepaille@gmail.com

Mise en scène : Andréa Brusque

Avec : Arben Bajraktaraj, Hélène Chevallier, Simon Fraud

Scénographie : Jean-Baptiste Bellon

Création lumière : Victor Veyron

Créations sonores : Eskazed et Julien Gelas

Assistante à la mise en scène : Adrienne Ollé

Photo : © Lucie Sassiat

Théâtre du Chêne-Noir • 8 bis, rue Sainte-Catherine • 84000 Avignon

Site du théâtre : www.chenenoir.fr

Du 5 au 27 juillet 2014 à 15 heures

Durée : 1 h 15

22 € | 15 € | 12 €

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