« La Métamorphose des cigognes », de Marc Arnaud, la Scala, à Paris

La-Métamorphose-des-cigognes-Marc-Arnaud © Alejandro Guerrero

Papa mis à l’épreuve

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

D’abord présenté au Festival d’Avignon Off, le spectacle joue les prolongations. Toujours d’actualité, car universel, il traite de questions intimes : le désir d’enfant, les bébés éprouvettes et la paternité éprouvée. Malgré la gravité du sujet, un spectacle très drôle, d’ailleurs nominé aux Molières 2022, dans la catégorie du « meilleur seul en scène ». Drôle et profond.

« Je ne fais pas le lien entre le fait d’éjaculer dans ce gobelet… et un vrai enfant qui rentre en petite section de maternelle ». D’emblée, le ton est donné et le public éclate de rire. Seul face à ce banal récipient posé sur un tabouret, Marc Arnaud s’apprête à donner son sperme pour faire un enfant. Un geste, certes pas anodin, mais facile, comparé à l’acte chirurgical que doit subir sa compagne, dans le bloc opératoire ! Or, voilà qu’il est pris de doute : pourquoi ça leur arrive à eux ? À lui ? Désire-t-il vraiment cet enfant ? Est-il capable d’assumer sa venue ? Tout en se répétant comme un mantra « les pluies fécondent la terre »…

Lui qui a vécu l’expérience, a pris le parti de rire de cette question encore tabou, en écrivant ce spectacle : « Je ne suis pas stérile mais j’ai du sperme low cost. Donc FIV ». Laissant libre cours à ses pensées, ses angoisses, il ne manque jamais d’humour, ni de délicatesse. Il questionne sa propre virilité au fil d’anecdotes savoureuses, retrace son adolescence et ses premiers émois amoureux, tente de se projeter, tandis que passe l’heure fatidique nécessaire à cet exploit.

« Mise à mue »

On en apprend beaucoup : protocole, détails techniques, etc. Et on rit du début à la fin, tant l’(im)patient, sombre dans d’abyssales pensées. Le futur papa interprète l’ami qui lui conseille de penser « mécanique », le psy égocentrique, les médecins anxiogènes, l’infirmier de plus en plus pressant, etc. Cette galerie crée du rythme. On ne voit pas l’heure… trépasser.

La-Métamorphose-des-cigognes-Marc-Arnaud © Alejandro GuerreroOn pense parfois à Philippe Caubère, qui a aussi l’art de conter en convoquant des personnages, mais Marc Arnaud se distingue par sa personnalité, candide et sensible. Parfait pour cette mise à nue, cette mue de mec en futur père ! Toutefois, le comédien, fébrile, est trop souvent en force. Il manque un vrai regard extérieur pour canaliser cette énergie et laisser affleurer autrement ce flot d’émotions. Dommage !

Reste que le sujet est original et que le texte, bien écrit, soulève des questions profondes. Enfin, relevons quelques fulgurances poétiques car, malgré l’aspect prosaïque de la situation, les échappées fantastiques font mouche. Ou plutôt cigognes ! 

Léna Martinelli


La Métamorphose des cigognes, de Marc Arnaud

Avec : Marc Arnaud

Mise en scène : Benjamin Guillard

Création lumière : François Leneveu

Photos : © Alejandro Guerrero

Durée : 1 h 05

La Scala • 13, bd de Strasbourg • 75010 Paris

Lundi 2 mai 2022

À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Pères, enquête sur les paternités d’aujourd’hui, d’Élise Chatauret et Thomas Pondevie, par Laura Plas

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