« le Cercle des illusionnistes », d’Alexis Michalik, La Pépinière théâtre à Paris

le Caercles des illusionnistes © Mirco Magliocca

Une belle croyance

Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups

« Le Porteur d’histoire » n’est pas seulement le titre d’un succès des saisons passées. C’est aussi un portrait en peu de mots d’Alexis Michalik. Le jeune metteur en scène crée une nouvelle fantaisie sagace et dynamique, fondée sur un même pacte de croyance et une solide foi dans le récit : « le Cercle des illusionnistes », à La Pépinière théâtre.

Trois catégories de personnes au monde. Ceux qui veulent savoir. Ceux qui savent déjà. Et ceux qui croient. Les spectateurs de théâtre sont de ces derniers, de ceux qui croient. Alexis Michalik en fait le pari et la démonstration. Le metteur en scène monte un nouveau spectacle de son cru, fondé sur cette croyance qui fit le succès du Porteur d’histoire : une foi dans le récit qui dessille le regard, et éclaire l’horizon, ravive la grisaille du temps présent.

Son idée ? Les histoires, brèves ou longues, minuscules ou légendaires, disent plus et mieux que tout long discours ; oui, le théâtre est le lieu des grands récits. Non, la narration et l’action dramatique ne sont pas désuètes, bonnes pour les spectacles à papa, du siècle passé.

Los Figaros, la compagnie créée par Michalik, donne un bon coup de contre-pied au cul des prophètes du théâtre d’avant-garde : narration fouillée, personnages bien campés, situations historico-fantastiques, le tout réuni par une passion pour les « situations ». Elles s’organisent dans le Porteur d’histoire comme dans le Cercle des illusionnistes autour d’un bouquin abandonné et redécouvert, qui résume une kyrielle de destins. Ce livre retrace la Vie d’artiste du légendaire Jean‑Eugène Robert‑Houdin.

« La vie n’est pas une ligne droite, la vie est un cercle. »

Approchez, mesdames et messieurs : quel est cet inconnu célèbre ? Non, Robert-Houdin n’est pas Houdini l’Américain, une pâle copie du maître français ! Oui, Robert-Houdin a fait la gloire de l’illusion à la française. Et avant d’être magicien, Jean‑Eugène Robert‑Houdin fut horloger, mécanicien, électricien, constructeur d’automates. Il dit : « La vie n’est pas une ligne droite, la vie est un cercle ».

Illusion d’optique ? Nenni. C’est bien ce cercle qu’Alexis Michalik parcourt à toute bringue, confiant, cherchant par-delà les âges un trait commun à l’animal croyant. Alors ? Alors l’homme aime qu’on lui en conte. En grand écart entre le xixe siècle de l’invention du kinétographe et la fin du xxe, et sa déferlante vidéo, Alexis Michalik trace le diamètre de ce cercle, s’interrogeant sur la place de la narration et de l’imaginaire dans un monde spectaculaire, spéculaire, bref, où l’image est devenue reine. Que reste-t-il du cénacle des illusionnistes et des illusionnés aujourd’hui ?

Pour répondre sans trop de didactisme à la question, avec la fougue et l’entrain qui caractérise ses créations, pour partie improvisées à leur origine (il s’inspire d’ateliers pour écrire ses « partitions »), Alexis Michalik orchestre un jeu de piste, embrouillant les récits et les temps pour les mieux débrouiller, emmêlant le fil des anecdotes et les récits de vie pour les mieux démêler.

Fresque menée tambour battant

Cette réponse repose sur six acteurs et une vingtaine de personnages. Une figure filante traverse cette fresque menée tambour battant : l’Escamoteur, artisan du théâtre à illusion. Robert-Houdin en est l’inventeur : illusionniste, il pratique le trucage avant de revendre son théâtre du boulevard des Italiens à… Georges Méliès. Personnalité tout aussi mystérieuse que passionnante, elle incarne le trait d’union manquant entre la magie, le théâtre et le cinéma.

En mettant l’illusionniste au cœur de son spectacle, Alexis Michalik déjoue la tentation de faire du cinéma une nécessité au théâtre, qui viendrait combler un manque, une « pauvreté ». Le théâtre n’est pas un parent pauvre du cinéma ; le cinéma n’est pas la version « truquée » ou enrichie du théâtre. Car tous deux ont parenté commune et même ressort.

Avec un panneau en fond de scène, qui ménage des coulisses, des portants pour changer de peau, des accessoires et des décors à roulettes, l’équipe invente une pluralité de mondes, qu’elle déploie et replie en un souffle. Et du souffle, elle n’en manque pas. Deux heures (qui pourraient encore être resserrées) au pas de charge font une révolution autour de l’illusion : un cycle complet de Houdin jusqu’aux jeux vidéo, tournant autour d’une belle croyance qui n’en finit pas d’élargir son cercle. Et c’est tout ce qu’on leur souhaite : michalikadabra, dramaticabricabroc, que le peuple des illusionnés s’enrichisse ! Entrez dans le cercle ! 

Cédric Enjalbert

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Le Cercle des illusionnistes, d’Alexis Michalik

Mise en scène : Alexis Michalik

Avec : Jeanne Arènes, Maud Baecker, Michel Derville, Arnaud Dupont, Vincent Joncquez et Mathieu Métral

Scénographie et vidéo : Olivier Roset, assisté de Juliette Azémar

Lumière : Pascal Sautelet

Costumes : Marion Rebmann, assistée de Clotilde Jaoul

Musique et son : Romain Trouillet

Magie : Romain Lalire

Collaboration à la mise en scène : Anaïs Laforêt

Photo : © Mirco Magliocca

Une coproduction La Pépinière, Théâtre des Béliers-Parisiens, Mises en capsules

La Pépinière théâtre • 7, rue Louis-le-Grand • 75002 Paris

www.theatrelapepiniere.com

Réservations : 01 42 61 44 16

À partir du 22 janvier 2014, du mardi au samedi à 20 h 30, matinée le samedi à 16 heures

Prolongation jusqu’au 29 juin 2014 au moins

39 € à 12 €

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