Le Laura Perrudin Quartette en concert au 1988 Live Club à Rennes

Laura Perrudin © Jean-François Picaut

La chrysalide a pris
son envol

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

Laura Perrudin avait déjà eu l’occasion de se produire seule au 1988 Live Club. Sans doute encouragés par le succès rencontré, les organisateurs l’ont réinvitée en quartette. Beau début pour la saison de jazz dans ce club qui confirme son ancrage à Rennes.

Après une saison 2012-2013 marquée par une programmation remarquable, exceptionnelle même, due à Yann Martin, mais une fréquentation médiocre, le 1988 Jazz Club avait dû évoluer. Cette nouvelle orientation s’était traduite par une modification du nom en 1988 Live Club et une inflexion de la ligne éditoriale désormais assumée par Sylvain Le Pennec. Le club se montrait plus ouvert aux musiques actuelles, au funk, à la soul, etc.

Les succès d’audience enregistrés ont incité Sébastien Bétin, le patron, à poursuivre dans cette voie. Cette année, l’orientation est maintenue et l’équipe étoffée avec l’arrivée de Méryl Hugues (communication) et Matthieu Cadiou (chargé de production). Ronan Simon est confirmé comme responsable technique. Le projet est désormais structuré par une association qui pilote toute la programmation. L’importance de la musique électro locale est confortée par un rendez-vous hebdomadaire. Les vendredis Elektro avec le concours de Backstage, un bar de la place des Lices, seront l’occasion d’alterner résidences d’artistes, cartes blanches à des collectifs ou partenariats avec des festivals et productions de dimension internationale. Le club s’ouvre au tango, un vendredi par mois, grâce la Milonga Paloma, une soirée aux couleurs de l’Argentine, proposée aux danseurs et aux mélomanes, dans la tradition porteña.

Enfin, la salle du rez-de-chaussée a été rénovée : plus accueillante et plus chaleureuse avec une optimisation de l’espace et de l’acoustique. Une nouvelle mise en lumière laisse également place à une plus grande liberté de scénographie. C’est cette salle qui a reçu Laura Perrudin, pour la première soirée jazz de la saison. Il y en aura une ou deux par mois.

Des inflexions précieuses mâtinées d’une ingénuité enfantine

Pour ce concert, Laura Perrudin était à la tête de son fidèle quartette, lauréat du Tremplin national Jazz à Vannes 2013 : Édouard Ravelomanantsoa au Fender Rhodes, Sylvain Hannoun à la basse et Paul Morvan à la batterie. La jeune femme de 23 ans qui collectionne les récompenses (prix de Composition au Concours national de jazz de la Défense 2013, 2e Prix à la Montreux Jazz Voice Competition 2014, prix d’Aide à la professionnalisation au tremplin du festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés 2014) a ouvert son concert par une belle interprétation de Flood, une composition sur un poème de James Joyce, avant de poursuivre par Diurnal Fireflies (« Lucioles de jour »). Dès ces deux premiers titres, on retrouve la voix si prenante de Laura Perrudin. Extraordinairement ductile, claire mais avec un très léger voile parfois, elle possède quelques inflexions précieuses mâtinées d’une sorte d’ingénuité enfantine. La chanteuse est à l’aise dans tous les registres chantés y compris le parlé-chanté, le scat et toutes sortes de modulations.

À toutes ces qualités, particulièrement mises en valeur dans les trois solos de la seconde partie, il faut ajouter un jeu original et varié à la harpe. Ainsi, dans The Trees, sur un poème de Philip Larkin, on croirait entendre une guitare avec des sonorités magiques dans les aigus et mystérieuses dans les graves. Dans The Song of Wandering Aengus, une chanson à l’allure de conte sur un poème de William Butler Yeats, tout l’instrument (console, colonne, caisse de résonance et cordes) est utilisé comme percussion. Profane Cookery, une pièce au charme étrange écrite en hommage à Debussy à partir d’un motif tiré de sa danse profane pour harpe et orchestre à cordes, fait résonner des inflexions orientales. On y remarque également la vélocité de Paul Morvan qui se distingue encore dans un passage de bruitages interprété aux mailloches avec un effet de tam-tam. Dans Impressions (sur une suite de poèmes d’Oscar Wilde), ce sont des oiseaux que l’on croit percevoir.

Les musiciens du quartette constituent un ensemble cohérent. On les sent à l’écoute de leur leader mais aussi les uns des autres. Le jeu de Paul Morvan semble s’être épanoui, plus à l’aise sans doute dans une petite configuration. Sylvain Hannoun forme avec lui une solide paire rythmique complétée par le Fender Rhodes d’Édouard Ravelomanantsoa qui sait créer des climats harmoniques en symbiose avec la harpe de Laura Perrudin. On retrouve la majeure partie du programme sur Profane Cookery, un album autoproduit. Il se termine par le seul titre français de la soirée, hélas, De ce tardif avril de Jean Moréas.

On ne peut que se féliciter du choix de Sylvain Le Pennec, pour ce premier concert de la saison dédié au jazz. Un beau pari sur la jeunesse qui augure bien de la suite. 

Jean-François Picaut


Laura Perrudin Quartette

Avec : Laura Perrudin (harpe, chant, composition), Édouard Ravelomanantsoa (Fender Rhodes), Paul Morvan (batterie), Sylvain Hannoun (basse électrique)

Photo : © Jean-François Picaut

1988 Live Club • 27, place du Colombier • 35000 Rennes

Site : www.1988liveclub.com

Tél. +33 (0)7 86 15 09 89

Samedi 4 octobre 2014 à 21 heures

Durée : 2 heures

15 € | 12 € | 7 €

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