Un « Schpountz » poussif
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
Conçu à l’origine comme le scénario d’un film où s’illustra Fernandel en 1938, « le Schpountz » traduit et adapté par la Comp. Marius, se présente comme une farce nonchalante et désinvolte. Créé en 2013, le spectacle semble avoir perdu son souffle d’origine.
Quand on s’installe sur les gradins de l’antique odéon de Fourvière, une agréable sensation saisit le spectateur qui découvre le travail de la compagnie belge, ce qui est mon cas. Une grande partie du public s’impatiente de retrouver des acteurs qui l’ont enthousiasmée, deux ans auparavant, avec les représentations de leur trilogie consacrée à Marius, Fanny et César, œuvres mythiques de Marcel Pagnol. Public donc d’aficionados !
Issue du fameux groupe théâtral Tg STAN, compagne de route du metteur en scène renommé Guy Cassiers, l’équipe de la Comp. Marius est depuis 2006, en toute indépendance, spécialisée dans des réalisations imaginées pour le plein air. Son Schpountz est à coup sûr installé dans un espace idéal.
Tel est pris qui croyait prendre
Pourtant, ce public conquis d’avance et ce théâtre à ciel ouvert jouent de mauvais tours à cette création. Au risque de paraître grincheux, j’admets avoir été gêné par la répétition des battements de mains rythmés accompagnant certains effets musicaux, comme si j’assistais à un jeu télévisé. Bien qu’interprétées avec distance, de nombreuses répliques ont provoqué des applaudissements d’une connivence appuyée. Quant à la scénographie, délibérément étirée pour remplir le vaste plateau, elle perd tout relief. Faite de bois à peine coloré et de mobilier banal, elle peine à rendre compte des trois lieux principaux de l’action : une épicerie villageoise, un studio de tournage et un domicile familial. Le site romain de Fourvière, la vue cinémascopique sur la métropole lyonnaise en fond de scène s’imposent et dispersent l’attention. Je me suis pris souvent à imaginer une verte prairie, quelques arbres, plus propices à révéler les contrastes nécessaires à la construction d’images fortes. J’ai vécu les longs déplacements des comédiens pour sortir à jardin ou à cour comme des instants vides. Mais que raconte le Schpountz ?
Durant plus de deux heures, on assiste à la chronique naïve du destin d’Irénée Fabre. Employé de son oncle, épicier tyrannique et sentencieux, il se rêve doué d’un talent d’acteur. La présence inopinée d’une équipe de tournage dans son village en fait, dans un premier temps, la victime d’une farce. On lui fait signer un contrat d’engagement pour se moquer de ses prétentions artistiques. Plus tard, le canular se retourne contre ses auteurs. Irénée les piège à son tour et selon la formule populaire, c’est l’arroseur qui se trouve à son tour arrosé. Devenu une star, le neveu malin retourne auprès des siens, marié avec une script-girl, riche au point de sauver l’entreprise de ses proches de la faillite. Ainsi s’achève le parcours d’un artiste malgré lui, dans une comédie plus parodique qu’humaine.
Orthodoxie : danger ?
De nombreuses compagnies belges, francophones ou néerlandophones, justifient pleinement leur réputation de réinventer les contenus et les formes du théâtre contemporain européen. Indiscutablement, la Comp. Marius en fait partie. La radicalité de leurs points de vue, leur art de transgresser efficacement les codes de jeu, leur volonté de renouveler la relation avec les spectateurs sont la marque de leur talent évident. Mais, parfois cela risque de virer au dogmatisme.
Le Schpountz s’en approche, hélas, à plusieurs reprises. Désinvolture revendiquée pour le contenu de l’œuvre, abandon assumé du rythme de la représentation, ajouts fréquents de commentaires personnels à l’intérieur même du jeu, ruptures complices avec le public, scénographie peu inspirée… autant de facteurs qui finissent par susciter déconcentration et ennui.
Je suis donc finalement sorti déçu de cette première rencontre, bien qu’elle ne soit pas parvenue, et c’est heureux, à occulter complètement les qualités intrinsèques d’une bande de comédiens doués. Accordons-leur que pour trouver le bon tempo, ce soir-là, il fallait résister aux rafales d’un mistral intermittent et aux cris d’oiseaux noirs, survolant le spectacle. ¶
Michel Dieuaide
Le Schpountz, d’après Marcel Pagnol
Traduction et adaptation : Waas Gramser, Kris Van Trier
Traduction française : Monique Nagielkopf
Avec : Frank Dierens, Waas Gramser, Maaike Neuville, Koen Van Impe, Kris Van Trier
Costumes : Thijsje Strypens
Tricots : Alexandra Dupal
Décors et technique : Koen Schetske, Stevie Van Haver
Photo : © Raymond Mallentjer
Les Nuits de Fourvière • 1, rue Cléberg • 69005 Lyon
Tél. : 04 72 32 00 00
Représentations : les 17 et 18 juin 2017 à 20 heures
Tarifs : de 24 € à 32 €
Durée : 2 heures