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« le Sous‑sol », de Peeping Tom, Théâtre national de Bretagne à Rennes

le Sous-sol © D.R.

Bluffant de virtuosité

Par Aurore Krol
Les Trois Coups

On les appelle les Almodovar belges. Ils ont un humour complètement décalé, des chorégraphies époustouflantes et une vraie originalité. Après « le Jardin » et « le Salon », voici, avec « le Sous‑sol », une trilogie commencée en 2001 qui se clôt.

L’odeur qui nous saisit dès qu’on entre dans la salle est celle de la terre qui recouvre le plateau. Cette odeur forte et un peu étouffante nous met tout de suite en confrontation avec la matière sensible de cette pièce. Le sujet est la mort, ou plutôt l’existence après la mort. Mais oublions tout de suite la symbolique éthérée ou l’atmosphère lugubre. Ici, c’est de manière sensitive et humoristique que le thème est abordé.

Il y aura des règlements de compte et des jeux cruels dans cet espace où le rapport de force habituel ne signifie plus rien. Comme si l’abus d’autorité que s’octroyaient certains vivants sur d’autres était finalement inversé. Il s’agit d’entrer dans une galerie souterraine, dans le lieu des renversements, où la parole est débarrassée de ses conventions hypocrites. Où elle va droit au but.

Parmi l’ensemble des personnages, la vieille dame est particulièrement remarquable : tour à tour amante érotisée, petite fille capricieuse, nourrisson tétant le sein, puis redevenant tremblotante de vieillesse. Certains tableaux mettent mal à l’aise. D’ailleurs, l’esthétique d’ensemble est assez déstabilisante. Rien de joli ou de lisse, mais des corps étonnamment vivants, et qui se désirent avec rage.

Des corps qui, par ailleurs, se laissent voir dans leurs imperfections, leurs rides, leurs rondeurs… et il faut bien admettre que mort aura été rarement aussi charnelle. À travers cette imagerie iconoclaste, on remarque donc un réel parti pris de mise en scène. Un choix qui annonce que le beau n’est pas évident.

Certaines chorégraphies sont exécutées plusieurs fois, avec juste de légères variations. Le mouvement semble sous l’influence de ce lieu d’où il n’est pas possible de s’échapper. Les personnages s’enterrent, rampent, se cramponnent l’un à l’autre, sont réduits à des gestes obsessionnels.

Mais comment font‑ils ? Pour réussir de telles prouesses physiques ? Pour être à la fois drôles et poétiques ? Absurdes et philosophiques ? Pour réussir à évoquer en si peu de temps les frustrations des corps, les déceptions, les régressions, la peur ?

Pour toutes ces questions qui m’ont assaillie en quittant la salle, je recommande ce spectacle. Je le recommande également si vous désirez être surpris. Si vous demandez au théâtre qu’il vous bouscule. Si l’électrochoc ne vous fait pas peur. Si vous aimez la beauté surréaliste : celle qui sera convulsive… ou ne sera pas. 

Aurore Krol


le Sous‑sol, du collectif Peeping Tom

Création et interprétation : Collectif Peeping Tom (Gabriela Carrizzo, Franck Chartier, Samuel Lefeuvre, Maria Otal, Eurudike De Beul [mezzo-soprano])

Figurants : Jean Aubault, Marie Guinard, Jacques Ruault, Yvette Schwartzwalder

Conseil à la création : Simon Versnel

Création son : Glenn Verviet

Dramaturgie : Hildegard De Vuyst

Directeur technique | lumière et décor : Yves Leirs

Photo : © D.R.

Théâtre national de Bretagne • 1, rue Saint‑Hélier, salle Serreau • 35000 Rennes

Réservations : 02 99 31 12 31

www.t-n-b.fr

Du 1er au 4 avril 2008

Durée : 1 h 10

Tarifs : 23 € | 17 € | 12 € | 8 €

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