« l’Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune », de Jean‑Claude Brisville, Théâtre du Chêne‑Noir à Avignon

Salle de spectacle

Affirmer qu’on est
au théâtre

Par Camille Vivante
Les Trois Coups

Jean-Claude Brisville a l’art d’écrire des dialogues imaginaires entre personnages historiques (« le Souper », écrit en 1989, oppose Fouché à Talleyrand, mais nous éclaire sur les tractations politiques encore en pratique aujourd’hui entre camps adverses…).

À l’heure où le pape Benoît XVI prononce un discours opposant le fanatisme à la raison (à la suite duquel il doit s’excuser auprès des musulmans qui se sont sentis offensés), il était important de redonner à entendre ce texte de Jean‑Claude Brisville créé en 1985.

Cet entretien a réellement existé entre les deux grands philosophes et physiciens que furent Descartes et Pascal, dans la cellule d’un couvent à Paris, où Descartes s’était retiré pour un temps en 1647.

Descartes est alors à l’âge de la maturité et de la sagesse, qui, pour lui, consiste à « étudier les opérations de son esprit et à se rassembler dans son attention », à soigner son corps et à éviter les mondanités. Il craint davantage la gloire qu’il ne la désire. Il attend de Pascal qu’il soit un relais dans sa recherche scientifique, lui prêtant une espérance de vie supérieure à la sienne : Pascal a alors 24 ans (il mourra à 39 ans en 1662). Descartes a 51 ans (il meurt en 1650, soit trois ans après cet entretien).

Pascal est alors dans une phase d’exaltation religieuse. Il s’est rapproché de Port-Royal et des jansénistes. Il a abandonné la science pour se consacrer entièrement à sa foi, dans l’inconfort et l’angoisse. Pour lui la science et les mathématiques sont impuissantes devant l’infini et la mort, elles ne font qu’accroître notre ignorance. Descartes affirme, lui, que bien qu’étant de la même religion que Pascal, il ne lui suffit pas de croire, il veut savoir.

Pascal attend de Descartes un soutien pour sauver un de ses amis (Antoine Arnauld), qui risque la persécution pour sa foi. Descartes s’y refuse, affirmant qu’il estime l’homme, mais n’approuve pas sa foi… Séparation qui sent déjà sa laïcité ! L’entretien n’a donné aucune suite, chacun attendant de l’autre de se renier en quelque sorte.

Le décor d’époque ne craint pas l’anachronisme de la présence d’un poste de radio, et on ne peut qu’approuver ce choix et ce clin d’œil, une table, deux chaises se faisant face, un lit défait et une malle-bibliothèque montrant que Descartes est en partance. Le rideau noir du fond est tiré en début de représentation pour masquer un décor en trompe-l’œil, voilà pour affirmer qu’on est au théâtre, c’est-à-dire dans la vérité de la parole…

La parole portée par deux grands comédiens, leur talent au service de la pensée, voilà de quoi nous réjouir à l’heure où la pensée devient suspecte. Merci à Daniel et William Mesguich pour ce moment d’exigeante intelligence ! 

Camille Vivante


l’Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune, de Jean‑Claude Brisville

Cie Miroir et Métaphore

La Gestion des spectacles • 10, rue de la Fontaine-au-Roi • 75011 Paris

01 43 38 60 85 | 06 86 99 39 20

lagds@wanadoo.fr

www.lagds.fr

Avec : Daniel Mesguich et William Mesguich, comédiens et metteurs en scène

Théâtre du Chêne-Noir • 8 bis, rue Sainte-Catherine • Avignon

Jusqu’au 28 juillet 2007, sauf le 18 à 16 heures, salle Léo-Ferré

Réservations au 04 90 82 40 57

23 €, 16 €, 14 €, 8 €

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