Ennuyeux bavardage
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
Le metteur en scène Michel Didym tente de redonner vie et sens à une œuvre rarement montée de Marguerite Duras.
Écrite en 1965 et qualifiée par son auteure de « théâtre de l’emportement », la pièce provoque aujourd’hui plus d’ennui que d’intérêt, malgré de rares moments de poésie et de cruauté.
Dans cette courte comédie, Duras s’essaie à la légèreté, sans doute pour dissiper un instant les angoisses encore proches de l’après-guerre et de l’apocalypse nucléaire. Sur un trottoir parisien, un passant se fait mordre par le chien d’une dame. Celle-ci, avec l’aide d’une autre femme témoin de l’incident, veut entraîner l’homme à l’Institut Pasteur, risque de rage oblige.
De ce fait anodin de la vie quotidienne s’ensuit un délire qui dérape progressivement du fantasme d’une catastrophe nationale aux confidences les plus intimes des trois protagonistes. Comme par la propagation d’une épidémie, les mots sont contaminés et les personnages s’abandonnent à leur besoin de parler. Tandis que le chien agresseur ponctue de ses aboiements les pulsions langagières des humains, l’idée s’impose que le bavardage est plus important que les bavards.
Archives théâtrales
Le vintage est tendance. Metteur en scène, scénographe et costumière ont choisi de reconstituer sur le plateau une dramaturgie et une imagerie des sixties. Le résultat est sans relief et sent un peu la naphtaline. Pas de proposition originale pour interpréter une langue qui oscille entre celle d’un Ionesco, d’un Beckett ou d’un surréaliste. Là où Marguerite Duras creuse les situations jusqu’à l’os, Michel Didym étouffe toute profondeur. Les comédiens sont invités à surjouer et la subtilité de l’écriture se dissout dans la caricature.
Duras connaissait et estimait le livre de Louis-René des Forêts intitulé le Bavard, magnifique ouvrage sur la vanité des paroles. Sa pièce ressemble fort à un hommage à l’écrivain pour lequel celui qui ne parle pas risque de crever. Michel Didym, lui, se contente de régir la fantaisie d’une sorte de comédie boulevardière. C’est éminemment décevant quand on connaît sa passion pour le théâtre contemporain et son talent de défricheur de nouveaux textes dramatiques. ¶
Michel Dieuaide
les Eaux et Forêts, de Marguerite Duras
Mise en scène : Michel Didym
Avec : Anne Benoït, Catherine Matisse, Charlie Nelson et le chien Zigou
Scénographie : Anne-Sophie Grac
Création sonore : Philippe Thibault et Gautier Colin
Lumière : Olivier Irthum
Costumes : Christine Brottes assistée d’Éléonore Daniaud
Production : La Manufacture-centre dramatique national Nancy-Lorraine
Photo © Éric Didym, Serge Martinez
Théâtre des Célestins • 4, rue Charles Dullin • 69002 Lyon
Du 27 février au 10 mars 2018 à 20 h 30, relâche dimanche et lundi
Durée : 1 h 10
De 8 € à 23 €
Réservations : 04 72 77 40 00