« les Fourberies de Scapin », de Molière, l’Allan à Montbéliard

les Fourberies de Scapin © D.R.

Quand la manipulation nous réjouit

Par Maud Sérusclat
Les Trois Coups

Dans le cossu théâtre de l’Allan à Montbéliard, on donnait le 2 octobre dernier des « Fourberies de Scapin » particulières. Un comédien aux commandes de huit marionnettes à taille humaine, de quoi donner une nouvelle jeunesse à ce classique du théâtre français.

Que diable allais‑je faire dans cette galère, me suis‑je demandé quelques minutes avant le début du spectacle ?… Le rideau est ouvert, la salle pleine de jeunes élèves bavards commentant le décor plutôt dépouillé (les sacro-saintes fiches de compte rendu !) et s’interrogeant sur ces « cannes à pêche » inattendues, juchées au milieu du plateau, légèrement incliné. Et oui, s’il est un souvenir scolaire presque universel, c’est bien les Fourberies de Scapin, mais ces Fourberies‑là feront trembler plus d’un adepte du théâtre classique. Trembler ? Je devrais plutôt dire vibrer, parce qu’elles nous enjouent, nous exaltent, nous enchantent, quel que soit le souvenir qu’on ait (ou pas) de l’intrigue.

Seul comédien de chair et d’os en scène, Jean Sclavis incarne un Scapin remarquable. Non pas seulement comme valet, « emploi » qu’il affectionne particulièrement, mais surtout en extraordinaire chef d’orchestre de cette comédie rythmée, de ce ballet de marionnettes incroyablement cadencé. C’est là toute la grandeur et l’originalité du projet, mis en marionnettes par Émilie Valantin. Un homme, huit imposantes marionnettes, cela donne neuf comédiens à part entière sur scène. Qui ne trahissent à aucun moment le texte de Molière puisqu’il s’agit bien dans cette farce de montrer un Scapin fourbe et manipulateur. Il fallait juste oser la mise en abyme…

La première minute est pourtant désarmante. Scapin apparaît en jeans, il utilise un micro et porte une chemise noire sur laquelle on lit « fourbe ». Crispation. Mais, dès la seconde minute, les marionnettes se dévoilent, les marionnettes apparaissent. Mieux qu’une apparition, cachées au fond de la scène, elles éclosent littéralement de leur sac de jute, qu’elles semblent enjamber spontanément, sur fond de volcan en ombre chinoise. Elles ont les mains délicates, les gestes fluides et adéquats, les visages expressifs. Elles revêtent des costumes d’époque et sont dotées de voix aux accents savoureux. Les voilà, en un clin d’œil, devenues personnages.

Jean Sclavis s’est inspiré d’un ancien projet avec le directeur du Théâtre Guignol de Lyon, qui n’a jamais vu le jour. Il s’est aussi nourri des quinze années passées aux côtés d’Émilie Valantin, qui dirige la compagnie du Théâtre du Fust, spécialisée dans le théâtre de marionnettes. Jean Sclavis a donc enfin osé mener à bien ce spectacle. Et l’audace, cette fois, est un véritable délice. Nos marionnettes s’émancipent presque instantanément. On oublie les fils discrets qui tendent leur corps. Un simple courant d’air parvient à les faire respirer. On sent leurs états d’âme, on souffre avec elles, notamment avec Géronte (exceptionnel !). On voit s’esquisser les sourires qu’elles s’échangent. Et surtout, on rit.

Seul bémol : on a parfois du mal à saisir l’intégralité du texte, tant le rythme que s’impose Jean Sclavis est effréné. Mais quelle performance ! Les objets s’animent tous un à un, à tel point que même le gourdin qui a rossé effrontément Géronte a eu droit à son rappel à la fin de la pièce, c’est vous dire.

Alliant justesse, magie, astuce et modernité, Jean Sclavis fait partager au public une heure vingt de jubilation. 

Maud Sérusclat

Voir la critique d’Anne Losq pour les Trois Coups


les Fourberies de Scapin, de Molière

Théâtre du Fust • chapelle des Carmes • 26200 Montélimar

04 75 01 17 61 | télécopie : 04 75 01 20 18

Mise en marionnettes : Émilie Valantin

Interprétation : Jean Sclavis

Mise en musique originale et clavecin : Vincent De Meester

Création lumière : Gilles Richard

Décor : Jean‑Luc Maire

Costumes : Mathilde Brette, Laura Kerouredan et Coline Privat

L’Allan, scène nationale de Montbéliard • rue de l’École‑Française • Montbéliard

Réservations : 0805 710 700 (numéro vert gratuit)

Durée : 1 h 20

16 € | 12 € | 8 €

Tournée :

  • Mardi 9 octobre 2007 : Théâtre de Vals
  • Du 16 au 18 octobre 2007 : Théâtre de Bourg-en‑Bresse
  • Du 23 au 25 octobre 2007 : le Toboggan, Décines
  • Du 7 au 10 novembre 2007 : Pont‑de‑Larche, scène nationale Évreux‑Louvier
  • Jeudi 15 et vendredi 16 novembre 2007 : espace Aragon, Villard‑Bonnot
  • Jeudi 17 et vendredi 18 janvier 2008 : espace Montgolfier, Davezieux
  • Du 29 janvier au 8 février 2008 : M.C.2 Grenoble
  • Du 26 février au 1er mars 2008 : le Grand Bleu, Lille
  • Du 4 au 7 mars 2008 : Cusset et Riom
  • Lundi 10 et mardi 11 mars 2008 : Gallia Théâtre, Saintes
  • Mercredi 12 et jeudi 13 mars 2008 : Théâtre des Quatre-Saisons, Gradignan
  • Vendredi 14 et samedi 15 mars 2008 : l’Avant-scène, Cognac
  • Du 20 mars au 13 avril 2008 : Théâtre de l’Aquarium, Paris
  • Du 23 au 26 mai 2008 : Scène nationale d’Évreux
  • Lundi 28 et mardi 29 avril 2008 : Théâtre de Perpignan
  • Lundi 5 et mardi 6 mai 2008 : ABC Dijon

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