« les Sonnets de Shakespeare », de William Shakespeare, Théâtre de la Bastille à Paris

les Sonnets de Shakespeare © Jean-Louis Fernandez

Des sonnets qui
nous parlent à l’oreille

Par Anne Cassou-Noguès
Les Trois Coups

« Les Sonnets de Shakespeare » mettent en scène une Norah Krief métamorphosée par la musique qui la traverse et les mots du poète anglais traduits par Pascal Collin.

Les poèmes de Shakespeare, tels que Pascal Collin les traduit, pourraient avoir été écrits aujourd’hui tant ils développent des thèmes universels. L’amour, bien sûr, est au cœur des sonnets. « Tu es pour moi le seul […] Tu es pour moi l’unique », chante la voix triomphante de la comédienne, qui, plus tard, sera animée par la jalousie, la rage, l’accablement. Mais l’auteur élisabéthain s’intéresse aussi à la vie politique et sociale et constate amèrement les injustices et les inégalités. On aimerait que ces observations soient obsolètes et dépassées, mais elles font douloureusement écho à l’actualité : « Fatiguée de ce monde je demande à mourir, / lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier / quand à côté de lui des nullités notoires / se vautrent dans le luxe et l’amour du public ». Les allitérations en n de « nullités notoires » sont un exemple de la pertinence de la traduction. Pascal Collin écrit dans une langue simple, moderne, mais éminemment musicale, qui sert de support à la voix de la chanteuse. On savoure néanmoins les quelques sonnets interprétés en anglais.

Un spectacle très émouvant

Le concert se révèle extrêmement émouvant. En effet, Norah Krief nous interpelle : au bord au plateau, elle nous regarde, parfois droit dans les yeux, dans une salle dont la taille permet une grande proximité entre le public et les acteurs. Grâce à cette façon de nous adresser des poèmes vieux de plusieurs siècles, nous éprouvons des émotions aussi intenses que différentes. Tantôt, c’est une femme arrogante qui se dresse devant nous, juchée sur ses talons, sanglée dans un corset rouge vif, qui nous soumet et nous force à écouter son éclatant chant de gloire. Tantôt, c’est une femme frêle, pieds nus, plus petite, dont les formes transparaissent sous un mince filet de dentelle qui nous invite à tendre une oreille compatissante à ses plaintes. Le corps de la comédienne paraît se moduler selon les accords de la musique et la tonalité de sa voix, crépiter d’énergie ou s’affaisser, fragile.

Les Sonnets de Shakespeare ne sont pas seulement un concert mais bien du théâtre. Si la musique des trois instrumentistes (Philippe Floris, Frédéric Fresson, Philippe Thibault) et la voix de la chanteuse dominent, les corps, les décors, les lumières et surtout la composition du spectacle font de ce dernier une véritable représentation théâtrale. Les références au théâtre sont d’ailleurs omniprésentes sur scène : rideaux rouges, miroirs, costumes mis ou enlevés à vue… Le directeur artistique Richard Brunel semble ainsi rappeler, comme le faisait Shakespeare lui-même, que la vie est une comédie et le monde une scène. À cet égard, les relations amoureuses sont sans doute le domaine dans lequel nous nous plaisons le plus à jouer un rôle.

Les Sonnets de Shakespeare enchantent donc aussi bien l’amateur de théâtre que le passionné de musique, celui qui aime la poésie baroque que celui qui se presse d’étudier le monde qui l’entoure. 

Anne Cassou-Noguès


les Sonnets de Shakespeare, de William Shakespeare

Traduction, adaptation : Pascal Collin

Composition et direction musicale : Frédéric Fresson

Direction artisitique : Richard Brunel

Chant : Norah Krief

Batterie, percussions, voix : Philippe Floris

Piano, voix : Frédéric Fresson

Basse, voix : Philippe Thibault

Son : Olivier Gascoin

Lumière : Kévin Briard

Costumes : Éric Massé

Coaching vocal : Myriam Djemour

Réalisation costumes : Dominique Fournier

Régie son : Clément Roussillat

Photo : © Jean-Louis Fernandez

Production de la création 2014 : La Comédie de Valence

Théâtre de la Bastille • 76, rue de la Roquette • 75011 Paris

Réservations : 01 43 57 42 14

Site du théâtre : http://www.theatre-bastille.com/

Du 21 septembre au 3 octobre 2015 à 20 heures et du 5 octobre au 9 octobre à 21 heures, relâche les dimanches

Durée : 1 h 15

24 € | 17 € | 14 €

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