« l’Italienne à Alger », de Gioacchino Rossini, Opéra de Rennes

l’Italienne à Alger © Laurent Guizard

Une fantaisie débridée

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

L’Opéra de Rennes a donné pour les fêtes de fin d’année plusieurs représentations de « l’Italienne à Alger » de Rossini, dans une nouvelle production. Une œuvre pétillante et drôle adaptée à ces circonstances.

Gioacchino Antonio Rossini n’avait que 21 ans quand il a composé l’Italiana in Algeri (créée en 1813) et l’histoire (la légende ?) veut qu’il ait écrit cette œuvre en trois semaines. Cette rapidité n’empêche pas le succès continu de ce dramma giocoso, le premier qu’il ait écrit et qui garde encore la trace de la farce et de la commedia del arte.

Mustafa, le bey d’Alger, en a assez de son épouse, la soumise Elvira. Il rêve au charme des femmes italiennes, parées dans son esprit de tous les agréments de la sensualité. Pour se débarrasser de cette compagne devenue encombrante, il imagine la donner en mariage à son esclave italien, Lindoro. Celui‑ci traîne sa langueur dans le palais, déchiré par sa séparation d’avec son aimée, la superbe Isabella. Et voici que les hasards d’une tempête jettent le bateau de celle‑ci sur les côtes algéroises. Les passagers et l’équipage sont aussitôt réduits en esclavage. Cependant, Haly, le capitaine des corsaires du bey, a repéré la beauté d’Isabella et s’empresse d’en parler à son maître, qui veut immédiatement l’intégrer à son harem. Cela ne fait pas l’affaire de Taddeo, un barbon soupirant malheureux d’Isabella qui l’a suivie jusqu’à Alger. L’intelligence, la ruse et l’entregent de la belle Italienne vont lui permettre d’éconduire à la fois le bey et Taddeo et de préparer son évasion avec son cher Lindoro.

Cela ne se fera pas sans de multiples péripéties et rebondissements, assaisonnés de deux cérémonies excentriques dans l’esprit du Bourgeois gentilhomme.

Une comédie où le burlesque est roi

L’ouverture se joue devant la façade blanche d’un palais où se découpe une majestueuse porte en marqueterie flanquée de deux autres portes discrètes. On est frappé par le début calme et ample avec une ambiance dramatique avant qu’un allegro soudain n’emporte l’orchestre vers la fantaisie.

Quand la grande porte s’ouvre, on découvre une terrasse qui surplombe la fameuse baie d’Alger. Des personnages engoncés dans de strictes burqas noires y chantent le malheur des femmes, c’est un chœur… masculin ! Leur succèdent les plaintives Elvira (Sandra Pastana, soprano) et sa suivante Zulma (Clémence Jeanson, soprano) à qui l’épouse du bey fait confidence du désamour de son mari à son égard. Le début proprement dit de la « foldinguerie », comme dit Alain Duault, commence avec l’entrée de Mustafa Bey lui-même (l’excellent Luigi De Donato, basse). Son caractère de tyranneau vaniteux et machiste éclate dès son premier air où Rossini a glissé quelques fantaisies.

L’entrée de Lindoro (Daniele Zanfardino, ténor) installe cette version dans le registre de la comédie où le burlesque est roi. Il arrive, poussant mollement sa serpillière devant lui, le chariot portant son nécessaire de nettoyage attaché à l’une de ses jambes. C’est dans cet accoutrement qu’il nous confie ses tourments amoureux.

La mezzo-soprano russe se révèle excellente

Le rythme de la pièce s’affole avec l’arrivée d’Isabella (Victoria Yarovaya, mezzo-soprano). Rossini avait écrit le rôle pour une contralto. Il y a évidemment un effet de surprise à voir le rôle-titre échapper à une pure soprano. Dès ses premières scènes, Isabella montre sa capacité à se jouer des hommes en se servant de sa séduction. L’un des sommets de son art se situe certainement dans la scène où elle entreprend de charmer le bey qui ne résiste guère à sa sensualité rayonnante. La mezzo-soprano russe se révèle excellente dans cette scène où l’on frôle sans cesse le comique grivois. Elle fera d’ailleurs preuve du même talent dans toute la suite, enlevant son rôle à la manière d’une meneuse de revue.

La scène où l’on élève Taddeo à la dignité de « Kaïmakan » (un véritable grade ottoman) comme celle où Mustafa est fait « Pappatacci », une dignité imaginaire comme celle de « Grand Mamamouchi » chez Molière, est de la pure bouffonnerie, mise en scène avec beaucoup d’efficacité par Éric Chevalier à qui l’on doit également le très puissant dispositif scénique.

Il faut aussi souligner la réussite de la nouvelle orchestration réalisée par Gildas Pungier et de sa direction musicale enlevée et précise, permettant d’apprécier les divers instruments et voix dans leur équilibre.

Cette nouvelle production de l’Italiana in Algeri ne fait pas dans la délicatesse, mais elle rend justice à la fantaisie débridée de Rossini et à sa virtuosité musicale. 

Jean-François Picaut


l’Italienne à Alger, de Gioacchino Rossini

Opera buffa en deux actes (1813)

Livret : Angelo Anelli

Spectacle chanté en italien, surtitré en français

Nouvelle orchestration : Gildas Pungier

Direction musicale : Gildas Pungier

Mise en scène, scénographie, costumes, lumières : Éric Chevalier

Assistant à la mise en scène : Philippe Béranger

Directeur musical : Grant Llewellyn

Avec : Viktoria Varovaya (Isabella), Luigi De Donato (Mustafa), Sylvia Kevorkian (Elvira), Clémence Jeanson (Zulma), Daniele Zanfardino (Lindoro), Philippe‑Nicolas Martin (Taddeo)

Orchestre symphonique de Bretagne

Chœur de chambre : Mélisme(s)

Photos : © Laurent Guizard

Nouvelle production

Décors construits dans les ateliers de l’Opéra de Rennes et au lycée Alphonse‑Pellé de Dol‑de‑Bretagne

Costumes réalisés par l’atelier de l’Opéra de Rennes

Opéra de Rennes • place de l’Hôtel‑de‑Ville • B.P. 3126 • 35031 Rennes cedex

http://www.opera-rennes.fr/

Téléphone : 02 23 62 28 28

Jeudi 29 et samedi 31 décembre 2016 à 20 heures, dimanche 1er janvier 2017 à 16 heures, mardi 3 et jeudi 5 janvier 2017 à 20 heures

Durée : 2 h 30 avec entracte

51 € | 40 € | 28 € | 17 € | 11 €

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