« Merlin, l’apprenti enchanteur », de Sandrine Gauvin, Comédie Nation à Paris

Merlin, l’apprenti enchanteur

Merlin, sans la barbe

Par Anne Cassou-Noguès
Les Trois Coups

« Merlin, l’apprenti enchanteur » met en scène l’enfance du célèbre mage, dans une forme sobre, qui se refuse aux trop nombreux « trucs » destinés à séduire les tout-petits.

Dans ce spectacle, on découvre comment le plus grand enchanteur de tous les temps fut un enfant peureux qui manquait cruellement de confiance en lui. Invariablement grondé par un professeur exigeant, il se sous-estime et cherche de l’aide auprès d’un oracle, quand, en réalité, il a tous les dons en lui. Deux comédiens s’emparent de tous les rôles. Adrien Deschamps interprète le personnage principal, Guillaume Garnaud, tous les autres. Ce dernier joue sur le registre de la farce. Ses costumes sont extravagants. Il grimace, déguise sa voix, et court sans cesse d’un bout à l’autre de la scène, sauf quand il lévite dans un antre obscur. En revanche, le jeu d’Adrien Deschamps est d’une grande simplicité. Rien dans son attitude n’oblige les enfants à l’écouter. Il porte un costume vert sombre, sans colifichets – ni chapeau pointu ni étoile brillante. Sa voix est calme, maîtrisée, sa gestuelle, minimale. C’est aux enfants de s’intéresser à lui, il ne les y force pas. La pièce repose en effet sur le principe que les enfants sont capables de tendre l’oreille et de comprendre. Elle a foi dans son public.

C’est d’ailleurs sur la confiance que repose Merlin, l’apprenti enchanteur, véritable comédie morale. Elle développe un message très explicite : on ne peut réussir ce que l’on entreprend que si l’on est persuadé que l’on en a le pouvoir. Or, les enfants sont fragiles et ils ont besoin qu’on les aide, non pas tant à faire qu’à croire qu’ils peuvent faire. C’est ce que comprend Merlin après être allé chercher de l’aide auprès de l’Oracle. Il s’agit d’une belle leçon, adressée à la fois aux enfants et à leurs parents, invités à encourager les plus jeunes à prendre conscience de leurs qualités. Par contre, on peut regretter que le message soit si clair et net à la fin de la pièce. Les images de Merlin incertain s’appliquant à faire apparaître un balai et ne parvenant qu’à produire un instrument minuscule, ou de Merlin en pleine possession de ses moyens faisant émerger de l’ombre un vrai balai de sorcière, sont beaucoup plus parlantes que tous les discours moralisateurs ! À partir du moment où le spectacle accorde du crédit à son public, on s’étonne qu’il éprouve soudain la nécessité de mettre les points sur les i. De plus, la pièce ne se réduit pas aux paroles finales. Les rencontres que fait Merlin lorsqu’il part en quête de l’Oracle interrogent sur les amitiés enfantines, le besoin de se rassurer auprès des autres et le danger qu’ils représentent en fonction de l’ascendant qu’ils peuvent avoir.

Qui dit Merlin dit magie

Ces réflexions sur l’enfant et son développement ne doivent pas occulter toutefois qu’on est au théâtre. Il s’agit de regarder et d’écouter avant de méditer. Or, on ne peut parler de Merlin sans parler de sa magie. En effet, le jeune apprenti réussit ses tours plus ou moins bien. La magie est servie dans le spectacle par la musique originale de Franco Fontana et la scénographie de Catherine Parmantier. Les instruments de musique viennent souligner d’une note ironique les échecs de Merlin ou envelopper ses prouesses d’un air mystérieux. Les succès du jeune enchanteur sont, elles, sublimées par l’utilisation d’un rideau de tulle qui permet de faire apparaître des objets par transparence, un procédé très efficace même si la taille de la salle n’autorise pas pleinement sa mise en valeur.

Ainsi, Merlin, l’apprenti enchanteur est un spectacle qui s’adresse aux familles, aux petits qui ont besoin de savoir voler de leurs propres ailes, aux adultes qui doivent les aider à les déployer. Il invite au dialogue entre les générations. Cela n’exclut pas l’humour et la magie, malgré l’exiguïté de la salle. 

Anne Cassou-Noguès


Merlin, l’apprenti enchanteur, de Sandrine Gauvin

Mise en scène : Sandrine Gauvin

Avec : Adrien Deschamps, Guillaume Garnaud

Scénographie : Catherine Parmantier

Costumes : Catherine Renard

Création lumière : David Pœuf

Voix : Lucie Navarre et Lucas Malterre

Musique originale et illustration affiche : Franco Fonana

Clarinette et basson : Laure Meurice

Graphisme affiche : Jean‑Rémi Agin

Comédie Nation • 77, rue de Montreuil • 75011 Paris

Réservations : 09 52 44 06 57

Site du théâtre : http://www.comedienation.fr/

Du 17 octobre au 31 décembre 2015, les mercredi et samedi à 14 h 30 ; séances supplémentaires pendant les vacances scolaires

Durée : 55 min

Tarif adultes : 10 €

Tarif enfants : 8 €

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