« Moïse, Dalida et moi » [« la Parisienne d’Alexandrie »], d’Isabelle de Botton, Studio des Champs‑Élysées à Paris

Plateau théâtre

Souvenirs, souvenirs !

Par Sonia Déchamps
Les Trois Coups

Depuis sa naissance en Égypte jusqu’à son arrivée à Paris, Isabelle de Botton nous fait part de ses souvenirs. À travers l’incarnation de différents membres de sa famille, le témoignage de ses propres expériences… c’est autant un voyage géographique qu’un voyage temporel que la comédienne nous propose. Invitation au voyage alléchante, mais à laquelle ne répond qu’une partie de nous-mêmes, une autre restant invariablement vissée sur son fauteuil rouge.

Une vie riche en souvenirs, en anecdotes à partager, en personnages hauts en couleur à rencontrer… Isabelle de Botton tient là quelque chose, c’est certain : un fond riche à exploiter. Ainsi, sur scène, la comédienne fait revivre différents membres de sa famille, se remet dans la peau de la petite fille qu’elle était à l’époque de son exil. Se faisant, elle caricature au possible chacun des caractères évoqués. De cette manière, elle peut passer de l’un à l’autre sans craindre de perdre le spectateur, parfaitement capable d’identifier en un clin d’œil de qui il est question sur scène.

De ce véritable défilé, le personnage le moins réussi semble être… Isabelle de Botton elle-même. En effet, lorsqu’elle se met en scène toute jeune enfant, le spectateur ne parvient pas à être convaincu ou touché par cette petite fille à la voix désagréable qui – sans réellement le savoir – vit des évènements très importants. Plus largement, les caricatures mises en place, si elles sont plutôt drôles dans un premier temps, finissent par agacer et donner l’impression que le spectacle repose beaucoup trop sur ces jeux gestuels et vocaux et ce, au détriment de la pleine expression du texte.

Ainsi, les personnages s’essoufflent assez rapidement, et la façon dont ils se trouvent mis en scène parasite la transmission de sentiments réels. En effet, le spectateur ne parvient pas à réellement se représenter les personnes qui se cachent derrière ces caricatures. L’accent anglais de la grand-mère, les pleurs de la tante, la voix geignarde de la petite fille finissent par détourner l’attention du spectateur du texte plutôt que de rendre ce dernier plus vivant, plus signifiant.

La mise en scène, quant à elle, laisse assez sceptique. Car beaucoup de déplacements ne semblent pas trouver de justification particulière. De sorte qu’Isabelle de Botton ne se meut pas avec fluidité sur scène, comme si elle devait se concentrer, anticiper chacun de ses mouvements. De la même façon, les éléments de décor, bien qu’assez minimalistes, peuvent paraître superflus en ce qu’ils n’apportent rien de particulier au spectacle. Caricatures extrêmes, dispositifs scéniques… finissent ainsi par distancier la comédienne de son auditoire. En revanche, il est à relever que les projections visuelles et les effets sonores sont, quant à eux, très judicieusement utilisés. Pas trop présents, ils permettent de rapidement contextualiser les scènes sans pour autant alourdir les propos.

C’est un sentiment de « gâchis » qui prédomine en sortant de la salle. Si l’histoire est forte – et passionnante en soi –, que de (très) bons mots sont à noter, le manque de rythme, d’intensité, voire de sincérité, laisse au spectateur une impression générale de « tiédeur ». Jamais réellement hilarant dans l’humour, jamais totalement émouvant dans la narration d’épisodes difficiles, Moïse, Dalida et moi loupe ce « petit quelque chose » qui donne envie de se laisser totalement embarquer. Les thèmes abordés – les questions d’immigration, d’intégration et de double culture – sont pourtant fort intéressants. Mais la façon dont ils se trouvent développés, mis en scène ne permet pas d’exploiter pleinement leur richesse. On aurait envie qu’Isabelle de Botton se lance « à fond », qu’elle nous entraîne totalement dans son voyage, ne nous laisse pas l’occasion de détourner notre attention de son histoire. Bref, qu’elle nous immerge totalement dans son univers. 

Sonia Déchamps


Moïse, Dalida et moi, d’Isabelle de Botton

Mise en scène : Michèle Bernier

Assistante à la mise en scène : Sophie Deschamps

Avec : Isabelle de Botton

Décor et accessoires : Koko

Lumières : Jean‑François Robin

Costumes : Chantal Tin

Musique et bande‑son : Marc Deschamps

Studio des Champs‑Élysées • 15, avenue Montaigne • 75008 Paris

Réservations : 01 53 23 99 19

Métro : Alma‑Marceau

Du mardi au samedi à 19 heures, dimanche à 16 h 30

Durée : 1 h 20

30 € | 26 € | 10 €

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