« Monsieur Armand dit Garrincha », de Serge Valletti, Nuits de Fourvière à Lyon

Serge Valletti © Loll Willems

Éric Elmosnino, joueur de génie

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

En reprenant le rôle de Garrincha, héros d’un football de légende, avec Serge Valletti à l’écriture et Patrick Pineau à la mise en scène, Éric Elmosnino prouve une fois de plus qu’il est un immense acteur et rend d’abord hommage au théâtre.

Tous trois reprennent ensemble ce spectacle né il y a quinze ans à l’initiative du comédien. Tombé sur un article d’un journal sportif consacré à la vie de la star brésilienne du ballon rond, il demande au metteur en scène d’en faire du théâtre. Lequel passe commande d’écriture à Valletti. Le spectacle n’a pas pris une ride.

Il y est question de football, bien sûr, mais tout autant de rêve et de vie malmenée. Sous la plume de l’écrivain, les récits s’entremêlent au point de faire naître la confusion, déjà présente dès le titre : Monsieur Armand dit Garrincha, à entendre non pas comme on peut le croire au départ comme Monsieur Armand, surnommé Garrincha, mais plutôt comme Monsieur Armand raconte Garrincha. Car sous les traits d’Éric Elmosnino, ce sont deux personnages qui coexistent. M. Armand qui connut une gloire d’un jour en marquant un but au stade Vélodrome de Marseille, accessoirement oncle pour de vrai de M. Valletti, et Garrincha, de son vrai nom Manoel Francisco dos Santos, surnommé « la Joie du peuple », ami de Pelé, dribbleur de génie, amuseur des stades et grand amateur de tous les plaisirs de la vie, aujourd’hui en fin de parcours, usé avant l’heure par les excès en tout genre. Ces deux‑là se sont croisés par hasard, le premier sauvant la vie du second grâce à un concours de circonstances tenant du miracle et complètement invraisemblable (et surtout absolument hilarant !).

Tant de vie, tant d’émotion et d’humour

L’homme incarné sur la scène par Éric Elmosnino est déjà très abîmé par la vie. Il se parle à lui-même, dans une sorte de logorrhée peu compréhensible où l’on sent de l’amertume et aussi comme une volonté de convaincre, comme un ressassement. Puis il s’adresse aux spectateurs, un peu pitoyable, les prenant pour des journalistes venus l’interviewer alors qu’il traîne d’une pièce à l’autre la bouteille de Fanta (amélioré malgré la surveillance médicale dont il fait l’objet), viatique qui ne le quitte pas. Puis il s’anime et revit face à nous tel ou tel épisode célèbre de sa carrière, on y est, on voit le ballon et la cage et l’angle fameux, on entend les clameurs de la foule, on y croit. Même si on n’aime pas le foot et si l’on n’y connaît rien, Serge Valletti a mis tant de vie, tant d’émotion et d’humour dans ce texte, Éric Elmosnino tant de présence qu’on est saisi et que l’heure et demie de théâtre passe comme un rêve. Avant tout, c’est une histoire d’homme et d’existence pleine avec ses rires et ses désastres qu’ils nous restituent.

« Monsieur Armand dit Garrincha » © Loll Willems
« Monsieur Armand dit Garrincha » © Loll Willems

Dans ce contexte, la difficulté à savoir précisément qui parle n’a pas d’importance. Plus encore, cela renforce ce tourbillon de la vie, cette impression que tout va trop vite mais qu’au fond, ça compte peu.

Le spectacle, outre la qualité de l’acteur, outre la virtuosité de l’écriture, est aussi diablement bien mis en scène. Le procédé qui consiste à introduire des montages vidéo qui nous permettent de suivre le personnage quand il quitte le plateau, qui pourrait être artificiel, est au contraire très efficace. Éric Elmosnino passe d’un cadre à l’autre, avec une nouvelle bouteille de Fanta ou de nouveaux crampons qu’il doit faire briller, ou des œufs au plat qu’il prépare en cuisine puis vient déguster face aux spectateurs. Ajoutez à cela un travail remarquable des lumières et vous avez, vraiment, l’illusion de la vie.

Ce spectacle est un bijou de théâtre, un hymne à la vie, à tous les destins brisés, à voir absolument parce que ce n’est pas tous les jours qu’on peut assister à une telle performance de comédien ! 

Trina Mounier


Monsieur Armand dit Garrincha, de Serge Valletti

Mise en scène : Patrick Pineau

Avec : Éric Elmosnino

Scénographie : Sylvie Orcier

Lumières : Christian Pinaud

Son : Jean‑Philippe François

Photos : © Loll Willems

Équipe technique des Nuits de Fourvière :

Régisseur plateau : Martial Jacquemet

Assistant régisseur : Audrey Gonod

Vidéo : Marcelo Valente

Lumière : Richard Fontaine

Son : Victor Séverine

Préau du collège Jean‑Moulin • 1, place des Minimes • 69005 Lyon

Vente en entrée immédiate au guichet des Théâtres Romains

04 72 32 00 00

http://www.nuitsdefourviere.com/

Du 16 au 30 juin à 19 heures sauf le dimanche

Durée : 1 h 20

De 20 € à 27 €

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