« Monsieur Martinez », de Juliette Coulon, Quentin Defalt, Olivier Faliez, Charlotte Læmmel et Gaëtan Peau, Théâtre des Béliers à Avignon

Monsieur Martinez © D.R.

Une vraie réussite

Par Fabrice Chêne
Les Trois Coups

Création collective de la Cie Teknaï dirigée par Quentin Defalt, « Monsieur Martinez » est le premier volet d’un cycle intitulé « les Cadouin ». Projet aussi original qu’ambitieux, cette trilogie annoncée sera développée dans des lieux parisiens de renom : au Théâtre du Rond-Point en 2010 et au Théâtre 13 en 2011. Grâce à une scénographie intelligente et à une interprétation de qualité, ce spectacle emporte l’adhésion.

Quelque part en France, un mois de juillet à la fin des années quatre-vingt. Une baraque à frites posée sur un parking, tenue par deux sœurs, pupilles de la nation, Viviane et Suzanne Cadouin. Deux hommes partagent leur morne quotidien : Michaël, un agent de sécurité féru de mécanique, et Monsieur Martinez, enseignant en vacances, un amoureux des mots qui traîne son veuvage à l’ombre des cités.

Dans ce début d’été oisif, le vide du parking prend un relief étonnant : vacuité des lieux et vacuité des vies. Chacun s’occupe, enfermé en lui-même, entre anecdotes, rêves et regrets : Suzanne et son arbre généalogique illustré de photos de célébrités, Michaël et sa Mobylette éternellement en panne, Joachim Martinez et ses jeux de mots, que personne ne comprend. Les difficultés de communication entre ce dernier et Viviane, la sœur aînée à la naïveté désarmante, donnent lieu à des scènes désopilantes.

La médiocrité des existences de cette humanité ordinaire pourrait facilement verser dans la platitude. Or c’est loin d’être le cas, grâce à un remarquable travail de scénographie et de mise en scène. Le décor en deux dimensions (les photos en taille réelle), les costumes, le maquillage, tout contribue à créer un univers à la fois décalé et convaincant. On pense par moments aux Deschiens, pour la peinture de la province et l’art d’exprimer le banal. Mais ici l’hyperréalisme laisse place à l’étrange : les personnages sont presque des fantômes d’eux-mêmes, en particulier Monsieur Martinez, dont la présence spectrale laisse présager le destin.

En outre, la musique baroque qui vient rythmer le spectacle au fil des intermèdes crée un curieux effet de mise à distance. Et bientôt au rire se superpose un sentiment de compassion à l’égard des personnages, en particulier celui qui donne son titre à pièce, dont on comprend progressivement qu’il ne peut que devenir la victime des autres. Sa détresse rentrée, sa solitude, sont très bien jouées. Une vraie réussite que ce personnage de lettré incompris, perdu dans un monde oppressant qui a perdu le sens des mots et le goût du langage.

Les spectacles du cycle « les Cadouin » sont écrits à partir d’un travail d’improvisation de la part des comédiens de la compagnie. Certes, il manquera toujours à ce genre de création la patte d’un auteur, d’où un aspect parfois légèrement décousu, mais c’est la loi du genre. Souhaitons que cette pièce trouve son public dans la forêt de la programmation du Off, car elle le mérite. Le Théâtre des Béliers est par ailleurs l’un des plus confortables d’Avignon. 

Fabrice Chêne


Monsieur Martinez (les Cadouin nº 1), de Juliette Coulon, Quentin Defalt, Olivier Faliez, Charlotte Læmmel et Gaëtan Peau

Cie Teknaï • 86, rue d’Aboukir • 75002 Paris

Mise en scène : Quentin Defalt

Avec : Juliette Coulon, Olivier Faliez, Charlotte Læmmel, Gaëtan Peau

Scénographie : Natacha Le Guen

Lumières : Manuel Desfeux

Costumes : Juliette Coulon

Régie : Damir Zisko

Théâtre des Béliers • 53, rue du Portail-Magnanen • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 82 21 07

Du 8 juillet au 1er août 2009 à 22 h 30

Durée : 1 h 20

17 € | 12 €

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