« Olympe de Gouges, porteuse d’espoir », d’Annie Vergne et Clarissa Palmer, d’après les écrits d’Olympe de Gouges, le Guichet-Montparnasse à Paris

« Olympe de Gouges » © Hannah Palmer

Une « Olympe de Gouges » tristement scolaire

Par Céline Doukhan
Les Trois Coups

Le sujet aurait pu donner lieu à une pièce superbe. Hélas, cette évocation d’Olympe de Gouges fait davantage penser à un poussif documentaire-fiction qu’à du théâtre.

Tout pèche dans ce spectacle, qui ne parvient jamais réellement à « faire théâtre ». La faute en est premièrement à un texte qui plombe toute l’entreprise. Pour évoquer la figure d’Olympe de Gouges, il met en œuvre des ficelles assez grossières : de nos jours, un étudiant rédige une thèse sur « les droits de la femme à travers les siècles » (sujet si vaste qu’il n’est d’ailleurs pas crédible pour deux sous !). Olympe de Gouges, en costume moderne (interprétée par Annie Vergne, qui signe aussi la mise en scène), surgit alors dans l’imaginaire du jeune homme, et tous deux entament un dialogue bien sûr fort éclairant. Olympe, incarnée cette fois par la jeune Juliette Stevez, fait elle aussi des apparitions, en costume xviiie. Plusieurs épisodes défilent ainsi : le combat en faveur des femmes, contre l’esclavage… Tout au long des pages de ce quasi-manuel scolaire, les personnages nous assènent des généralités ou posent des questions franchement lourdingues, comme, au début : « Mais qui est Olympe de Gouges ? ». Le texte ne ménage pas la moindre place pour l’implicite, l’ambigu, ni même la tension dramatique.

La mise en scène ne prend aucun risque non plus et ne décolle jamais. Résultat : les comédiens font ce qu’ils peuvent, mais comment faire vibrer un texte si faible ? Ce sont les mots d’Olympe de Gouges, dans la bouche de Juliette Stevez, qui résonnent encore le mieux. Militante en faveur du divorce (qui sera en effet rendu possible en 1792), elle fait valoir en une malicieuse formule que « la perpétuité du mariage avait produit trop d’horreurs »… On ne sent en fait jamais affleurer de véritables personnages de théâtre, plutôt des prétextes. Le passage mettant en scène le dialogue allégorique écrit par Olympe entre la France et la Vérité semblerait presque plus porteur de vie que le reste du texte.

Psy et conseillère matrimoniale

Cette absence de point de vue se voit aussi dans les décors, ni beaux ni inventifs. Il y a deux bibliothèques en trompe-l’œil, une petite table et une chaise en pin, couplées, pour la partie « historique », avec un fauteuil en bois doré et une console maladroitement utilisée en bureau. À un moment, Olympe tire un rideau pour découvrir sa (fausse) bibliothèque : effet sans réelle fonction dramatique, qui ne sert pas à grand-chose. Ajoutons que, lors de cette représentation, Annie Vergne a souffert pendant une bonne partie du spectacle de quintes de toux qui, en dépit des efforts très courageux de la comédienne, ont tout de même porté un sérieux coup à la fluidité des répliques.

Que reste-t‑il alors d’Olympe de Gouges dans ce spectacle qui lui est explicitement consacré ? Une figure au tempérament sans doute pétillant et déterminé, celui d’une sorte d’illuminée en avance sur son temps, œuvrant par exemple au même titre que Beaumarchais pour la reconnaissance des auteurs, contre la peine de mort… Il n’était nul besoin d’appuyer lourdement le trait en utilisant le topos du voyage dans le temps, qui conduit l’Olympe d’Annie Vergne, projetée à notre époque, à sans cesse s’étonner que telle ou telle loi ait ou n’ait pas été votée.

Le comble, c’est de voir la féministe « utilisée » en tant que psy et conseillère matrimoniale, avec un côté « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » digne de Louis la Brocante. En effet, c’est sur les bons conseils d’Olympe que le jeune homme se réconcilie avec sa copine, et se décide enfin à être père ! On est en plein dans des stéréotypes qui semblent bien éloignés des combats de la native de Montauban. Là encore, on a toujours l’impression que, plutôt qu’une véritable écriture dramatique qui ferait surgir des contradictions, qui fouillerait la psychologie des personnages (ou du moins celle du personnage principal), le texte veut tellement faire passer un message, être didactique, que tout le reste est relégué au second plan. Mais Olympe de Gouges vaut mieux que cela, assurément ! On lira ou relira avec profit l’excellente biographie dessinée que lui ont récemment consacrée Catel et Bocquet *, où l’on verra enfin vivre ce personnage, dont la redécouverte est, à n’en pas douter, largement méritée. 

Céline Doukhan

Olympe de Gouges, Casterman, coll. « Écritures », 2012


Olympe de Gouges, porteuse d’espoir, d’Annie Vergne et Clarissa Palmer, d’après les écrits d’Olympe de Gouges

Mise en scène : Annie Vergne

Assistant à la mise en scène : Julien Séchaud

Avec : Ghislain Geiger, Juliette Stevez, Annie Vergne, et la participation d’Isabelle Delage, Julien Séchaud, Thierry Mouchian, Bruno Siame

Décor : Pierre Bailly

Musique originale : Nicolas Van Melle

Costumes : Clarissa Palmer

Photos : © Hannah Palmer

Affiche et bande-son : Douzbb

Le Guichet-Montparnasse • 15, rue du Maine • 75015 Paris

www.guichetmontparnasse.com

Réservations : 01 43 27 88 61

Du 6 septembre au 22 décembre 2012, les jeudi et samedi à 19 heures

Durée : 1 h 10

18 € | 13 €

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