« Où je vais quand je ferme les yeux », de Jean Cagnard, le Mouffetard à Paris

« Où je vais quand je ferme les yeux ? » © Véronique Lesperat Hequet

La vie à 80 cm du sol

Par Élisabeth Hennebert
Les Trois Coups

Un joli spectacle métaphorique sur la toute petite enfance qui capte l’attention du très jeune public.

Le Mouffetard, théâtre des arts de la marionnette, est un havre de paix (maisons basses, arbres, plantes en pots, lanternes à l’ancienne et cour pavée) au milieu du tumulte de la cité. Ne serait‑ce que pour le charme de l’endroit, sa programmation mérite d’être surveillée par les parents d’enfants en bas âge et par les passionnés de l’art des figurines articulées sous toutes leurs formes.

C’est au cours d’une représentation scolaire (si l’on peut employer ce qualificatif pour une soixantaine d’enfants de maternelle) que j’ai vu Où je vais quand je ferme les yeux ? La question qui donne son titre à la pièce n’est que la première d’une série d’interrogations sur « l’être ici » et le « partir ailleurs » fréquentes dans une assemblée de philosophes de 3 ans. Il est bouche bée, le public miniature, ce qui est épatant en soi. Peu de salles osent programmer des spectacles pour de si jeunes spectateurs, car on connaît leur très courte capacité de concentration.

Si la qualité d’écoute est aussi intense, c’est d’abord parce que le tableau qui nous est fait des premières années de la vie, depuis le ventre de la maman jusqu’à l’école, sonne juste. Tout semble avoir été écrit avec les yeux d’un humain inférieur aux 120 cm requis sur toute attraction de parc à thème qui se respecte. Et les moyens matériels utilisés pour questionner le sujet du « chez soi » et du « dehors » sortent directement des chambres d’enfants occidentaux. La comédienne seule en scène a l’air d’avoir été habillée avec un kit de bricolage pompons et cure‑pipe, et les outils qu’elle manipule ressemblent aux jeux éducatifs Sablimage et autres Décopatch.

Si ton mouton mange la route…

Quiconque a déjà élevé l’Attila des herbivores sait que rien ne repousse dans le sillage d’un mouton qui se respecte. L’auteur du texte est un fin observateur de bébés, de bêtes, de téteurs, de brouteurs, d’écorceurs d’arbres, de suçouilleurs de totottes et d’explorateurs du monde au stade oral. Il a dû passer des heures, au pré ou au square, à garder des ovins, des bovins, des humains. De cette malicieuse connaissance des tout petits animaux, toutes espèces confondues, naît un texte cohérent.

Il y a quelques longueurs néanmoins, aucune interaction avec le public ce qui, tout de même, pour un spectacle de marionnettes face à des presque bébés fait un peu défaut. Et la comédienne Luce Amoros a une certaine dureté dans la voix qui dénote avec les mots qu’elle prononce. Où je vais quand je ferme les yeux ? tourne depuis près de deux ans, mais la lassitude en scène est un péché capital. Les bambins, eux, n’y voient que du feu et repartent contents. 

Élisabeth Hennebert

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Où je vais quand je ferme les yeux ?, de Jean Cagnard

Cie Ches panses vertes

Recommandé dès 3 ans

http://letasdesable-cpv.org/

Mise en scène : Sylvie Baillon et Éric Goulouzelle

Création marionnettes : Éric Goulouzelle, assisté de Laura Cros

Avec : Luce Amoros

Scénographie : Antoine Vasseur

Création costumes : Sophie Schaal

Réalisation du décor : les Ateliers Jipanco

Création musique : Karine Dumont

Régie : Yvig Cambien

Photos : © Véronique Lespérat‑Hequet

Le Mouffetard • 73, rue Mouffetard • 75005 Paris

Réservations : 01 84 79 44 44

Site du théâtre : www.theatredelamarionnette.com

Métros : ligne 7, station Place-Monge, ligne 10, station Cardinal-Lemoine

Jusqu’au 23 décembre 2016 : samedi 17 et dimanche 18 à 17 heures, mardi 20, mercredi 21, jeudi 22 et vendredi 23 décembre à 15 heures

Et du 25 au 28 janvier 2017 à la Ferme‑Bel-Ébat de Guyancourt

Durée : 40 minutes

14 €, 12 € et 8 €

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