« Pieds nus traverser mon cœur », de Michèle Guigon, le Lucernaire à Paris

Pieds nus traverser mon cœur © Tristan Jeanne-Valès

Michèle Guigon : le pas pesant et le cœur lourd

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Après le succès de « La vie va où ?… », Michèle Guigon présente son quatrième solo : « Pieds nus traverser mon cœur », un spectacle tout en sourires qui peine cette fois-ci à convaincre.

Difficile de parler des sujets qui fâchent, comme le fait de vieillir ! Pourtant, dans son précédent solo, La vie va où ?…, joué huit mois à Paris et toujours en tournée, Michèle Guigon traitait carrément de la mort (celle qu’elle avait frôlée), la maladie (suite au cancer qu’elle venait de vaincre). Des thèmes anxiogènes, non ?! Mais c’était à mourir… de rire ! À signaler, d’ailleurs, la très récente publication du livre-C.D. aux éditions Camino verde, avec enregistrement audio du spectacle et texte intégral (20 €).

Jonglant avec les mots, Michèle Guigon avait trouvé l’équilibre et la justesse de ton pour créer un spectacle à la fois grave et léger, un petit bijou de délicatesse. Ses jeux de mots et sa fraîcheur lâchaient du lest au poids de l’existence. Mordant la vie à pleines dents, la funambule insufflait alors une force peu commune à tous ceux ayant besoin d’apprivoiser, ne serait-ce que l’idée même de la mort. Ce spectacle d’utilité publique, qui aurait pu être remboursé par la Sécurité sociale, relevait surtout d’une nécessité pour Michèle Guigon : faire la nique à la Faucheuse en témoignant de son expérience.

Là où elle mettait toutes ses tripes, Michèle Guigon met dorénavant tout son cœur. Dans Pieds nus traverser mon cœur, elle continue de se questionner sur ses failles, ses obsessions, ses envies. Et cela en remontant loin dans son histoire familiale. Elle nous raconte comment, en ce qui la concerne, elle est passée de la peur à l’amour. Après le combat contre la maladie et les angoisses de la mort, Michèle Guigon est passée à autre chose : « Ne plus aller contre. Faire avec. ». Tombés les oripeaux ! Elle a traversé son cœur pour découvrir et faire partager ce qu’il contient de plus doux : « transformer la force ennemie, plutôt que la canaliser ». Sublimer ses démons intérieurs, en quelque sorte. C’est le travail de tout artiste.

Il est toujours question du temps qui passe, des corps qui vieillissent : « Je me sentais mieux dans mon corps il y a vingt ans. Mais je me sens mieux dans ma peau maintenant ! ». Avec une certaine vivacité d’esprit, mais une occupation de l’espace qui laisse à désirer. Un plateau où Michèle Guigon va d’un bureau encombré, où elle essaie laborieusement d’écrire son spectacle, à un pupitre sur lequel elle accroche les notes qui lui paraissent intéressantes. Un manège à mots qui évoque la roue qui tourne, sans doute.

Un trajet de vie, le trajet d’une vie. Quel boulot de « devenir soi » : « Mais ça prend toute la vie ! Vivre est un tel travail, pourquoi nous en demande-t-on un autre ? ». Une renaissance, donc, mais dommage que Michèle Guigon n’en profite pas pour se renouveler, artistiquement parlant. Pourquoi donc ce nouveau spectacle, pâle copie du précédent ?

Après ses tripes, son cœur

Dans son nouvel opus, l’autobiographie reste la matière où elle puise son inspiration. Sur scène, parler de soi, rendre hommage à ses parents, réclame une distance et un regard extérieur sans complaisance, faute de quoi on tombe vite dans les pièges de l’égocentrisme. L’histoire de Michèle Guigon est émouvante. Ses questions existentielles peuvent aussi nous concerner, bien sûr. Mais cette fois-ci, il manque le recul qui permettrait d’universaliser davantage le propos, trop personnel.

Ceux qui découvrent l’artiste seront sans doute sous le charme. L’écriture est toujours aussi bien ciselée. Ses aphorismes bien trouvés, ponctués de morceaux à l’accordéon. L’actrice est pleine de tact et de subtilité. Toutefois, son solo – moins rythmé, moins enjoué – frôle l’ennui. Le décor, le costume, les éclairages, tout est d’une tristesse ! À l’automne de sa vie, Michèle Guigon aimerait nous réchauffer le cœur, comme « les arbres qui rendent, en couleurs, la lumière qu’ils ont reçue l’été ». Manque l’étincelle, ce supplément d’âme qui faisait le sel de La vie va où ?… Michèle Guigon, alors, n’était pas pieds nus et ne nous traversait pas le cœur. Elle nous le touchait bien. En plein centre ! Avec la grâce des poètes et des clowns ! Dommage que dans Pieds nus traverser mon cœur son pas soit si pesant et son cœur si lourd !

Délicat de critiquer une artiste aux si louables intentions qui s’expose de la sorte au public ! Michèle Guigon se met à nu, tout en pudeur, tout en finesse, mais s’engage tout de même ! Cette renaissance est belle, et on est heureux pour elle. Reste que cela ne suffit pas à faire un bon spectacle ! 

Léna Martinelli


Pieds nus traverser mon cœur, de Michèle Guigon

Cie du P’tit-Matin

http://michele-guigon.com/

Mise en scène : Anne Artigau

Coécriture, dramaturgie : Susy Firth

Avec : Michèle Guigon

Chansons, musiques : Michèle Guigon

Lumières : Marie Vincent

Photo : © Tristan Jeanne‑Valès

Le Lucernaire • 53, rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris

Réservations : 01 45 44 57 34

Du 17 août au 23 octobre 2011 à 20 heures et à partir du 11 septembre 2011 inclus, dimanche à 17 heures, relâche le lundi

Durée : 1 h 10

30 € | 25 € | 15 € | 10 €

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