Portrait de Momo Kodama, Théâtre des Champs-Élysées à Paris

Momo-Kodama © Marco Borggreve

La musique classique en partage

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Momo Kodama illumine cet automne parisien. Portrait de la plus japonaise des pianistes françaises.

Décidément incontournable, cette musicienne a été invitée (à deux pianos, avec sa sœur Mari Kodama) pour l’inauguration de La Scala à Paris (22 septembre), avant un récital à la Philharmonie (14 octobre) et un remarquable concert au Théâtre des Champs-Élysées avec l’Orchestre de chambre de Paris (30 octobre). Après John Adams, Debussy et Hosokawa, Mozart donc !

Quelle découverte ! Sa technique, aiguisée auprès des plus grands maîtres du piano, est doublée d’une grande sensibilité. Momo Kodama exploite toutes les possibilités du piano, tant sur le plan des timbres, des atmosphères, que des couleurs. Sa délicatesse de toucher est rare. Toute en subtilité, la musicienne impose son talent d’interprète.

En quête incessante, Momo Kodama est une perfectionniste : « Jouer une œuvre n’est jamais un aboutissement, confie-t-elle. Le questionnement est permanent, rien n’est jamais figé. Il faut toujours creuser la partition comme si c’était la première fois, avec humilité, respect et sincérité. »

Un parcours exemplaire

Née à Osaka, Momo Kodama habite la France. À l’âge de treize ans, elle entre au Conservatoire de Paris (CNSMDP). C’est la plus jeune lauréate du concours international de musique de l’ARD de Munich (1991). Sa précocité lui ouvre aussitôt les portes des plus grands festivals et les salles du monde entier.

Elle se distingue dans l’interprétation des œuvres majeures du XXe siècle français. Mais elle travaille aussi bien Boulez ou Ravel que les romantiques et Bach. Cette approche des répertoires, sans distinction d’époque ni de style, est fondamentale pour elle : « J’aime participer à la naissance de nouvelles œuvres et les transmettre à la génération suivante, mais aussi les marier avec le répertoire classique pour tisser des liens à travers l’histoire de la musique. »

Momo-Kodama © Marco Borggreve
Momo Kodama © Marco Borggreve

De l’Allemagne, où elle a passé son enfance, elle garde le goût des livres et des paysages. La France, son pays d’adoption, l’inspire par son raffinement, notamment esthétique, et son culte de la liberté (d’être soi). Du Japon, son pays d’origine, elle conserve un rapport particulier au temps et une fascination pour la nature : entre ombre et lumière, méditation et développement virtuose.

Ouvertures

Sa triple culture lui fait envisager les répertoires sous l’angle d’un perpétuel renouvellement. En tête, elle aime Claude Debussy et Toshio Hosokawa, qu’elle a mis en miroir sans son disque le plus récent, suggérant les « riches et secrètes correspondances » qu’elle a constatées entre eux. Mais jouer Schumann ou Messiaen lui donne aussi, chaque fois, plus envie de s’immerger dans leur univers, de tendre vers une plus grande proximité avec chacun.

Le récital n’est pas sa seule activité. Très présente en concerto, Momo Kodama occupe également la scène de la musique de chambre : « C’est une part essentielle de mon répertoire. J’apprends beaucoup des cordes et des vents – les phrasés, le souffle, la résonance… Le piano joue toutes sortes de rôles, il faut s’interroger sur l’organisation du dialogue. C’est très nourrissant de jouer avec d’autres, la confrontation musicale est toujours source de questionnement. »

Éloquence et délicatesse

Le 30 octobre, elle a donc interprété le Concerto pour piano n°21 en ut majeur de Mozart, sous la direction de Sascha Goetzel. La formation de chambre élargie comprenait chaque musicien de l’orchestre, la pianiste et le chef d’orchestre.

Orchestre-de-chambre-de-Paris © Pierre Morales
L’Orchestre de chambre de Paris © Pierre Morales

Ce concerto, le plus connu du compositeur, accompagne Momo Kodama depuis longtemps C’est même le premier de Mozart qu’elle ait joué ! « Ce concerto reflète la vie : « C’est presque une « comédie humaine », un voyage intérieur ; chacun peut y retrouver tout un éventail des états d’âme qu’il traverse au quotidien. Le dernier mouvement, très pétillant, est plein d’une joie de vivre caractéristique de Mozart. »

Il s’agit de sa première collaboration avec Sascha Goetzel, qu’elle admire beaucoup. Il faut dire que ce dernier constitue aussi une découverte. Celui qui a grandi dans la musique de Mozart, Haydn et Beethoven, est ici tout à fait à l’aise. Précise et énergique, sa direction crée un bel équilibre au sein de ce beau programme. Surtout, il se distingue par un style très personnel. Physique et très expressif, y compris avec ses mains, ce chef d’orchestre danse littéralement. Dans la Symphonie n°7 en la majeur, notamment l’ivresse dionysiaque du finale, il fait éclabousser le vibrant génie de Beethoven. Saisissant la partition à bras-le-corps, il plonge dans le chef-d’œuvre, transmet son exaltation, sa puissante vitalité, il souligne les contrastes. On est sous le charme de cette première collaboration fructueuse.

En revanche, Momo Kodama avait déjà eu l’occasion de jouer avec l’Orchestre de chambre de Paris. Si le dialogue entre la soliste et l’orchestre culmine dans l’Andante, c’est un magnifique échange tout du long. Un concert profondément vivant, comme l’exige la musique de Mozart. La courbe mélodique y est révélée de façon virtuose. Une virtuosité sans faille et non démonstrative d’une pianiste décidément élégante ! 

Léna Martinelli 


Symphonie n° 59 « Le Feu », de Haydn

Concerto pour piano n° 21 en ut majeur, de Mozart

Symphonie n° 7 en la majeur, de Beethoven

Orchestre de chambre de Paris

Direction : Sascha Goetzel

Piano : Momo Kodama

Théâtre des Champs-Élysées • 15, avenue Montaigne • 75008 Paris

Le 30 octobre 2018, à 20 heures

De 5 € à 55 €

Réservations : 01 49 52 50 50

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