Un miracle de légèreté
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
C’est un bijou de théâtre, fait avec deux bouts de ficelle, d’excellents comédiens et beaucoup de travail. Sans oublier Tchekhov, héros de cette promenade dans son œuvre et sa vie.
Il n’y a vraiment rien d’autre sur ce plateau. Pas de régie donc pas de régisseur, pas de lumières, les spectateurs se rendront compte en fin de représentation qu’ils sont eux aussi restés dans la salle éclairée. Et pour la bande-son, elle surgit d’un ampli manipulé sur iPhone. Pour tout décor, une chaise, un portrait du grand dramaturge russe, une caisse de bouteilles… Rien, par conséquent, ou si peu ! Quand on voit tant de spectacles tenir uniquement par la magie du spectaculaire, le contraste est rassérénant !
Le texte, un collage savamment enchaîné, gouleyant presque, d’extraits des pièces de Tchekhov et de sa correspondance. Sous l’œil du maître, Philippe Mangenot et Raphaèle Huou se renvoient la balle…
Au début, à l’instar de Tchekhov, Philippe Mangenot est le metteur en scène qui dirige son actrice fétiche, la reprend tandis qu’elle dit avec précision, justesse et émotion l’un des grands monologues, les Trois Sœurs, la Cerisaie, Oncle Vania, Platonov (écrit par l’auteur à 18 ans ! 18 ans ! il est vrai que sa vie fut courte). Raphaèle Huou qui incarne ces femmes, ces sœurs, ces amantes, danse, joue, rit, habite la scène d’une belle présence et d’une élégante légèreté. Et quand elle entonne la chanson de Barbara, la Solitude, on réalise aussi combien sa voix est douce et profonde. Un pur délice que cette actrice sous les doigts du metteur en scène. Mais celui-ci ne se contente pas de cette position, il devient l’ambigu Platonov ou le pauvre Smirnov (l’Ours) éconduit par sa propriétaire à qui il vient seulement réclamer son dû. Dans ce dernier et long extrait, Philippe Mangenot donne une illustration de son talent : son Smirnov est véhément, fougueux, révolté, désespéré, tout cela à la fois.
Grâce à eux, on découvre un auteur et surtout un homme bien plus joyeux que ce qu’on imagine, qui aime la vie au point de mourir une coupe de champagne à la main, un être qui ne prisait rien tant que l’élégance et la légèreté face aux vicissitudes et aux drames de l’existence, généreux et plein de tendresse pour les petites gens, mais aussi lucide ô combien. Un philosophe qui répondait à quelqu’un qui lui posait la question du sens de la vie : « Regardez la neige qui tombe. A-t-elle un sens ? ». On éprouve un plaisir fou à revisiter une œuvre délicate et puissante en un peu moins d’une heure. ¶
Trina Mounier
Lire aussi Hamlet 60, d’après William Shakespeare, espace culturel Saint-Marc à Lyon.
Regardez la neige qui tombe
Petite forme légère et joyeuse d’après la vie et l’œuvre d’Anton Tchekhov
Théâtre de l’Entre-Deux (+33 6 82 10 79 77)
Traduction : André Markowicz et Françoise Morvan
Mise en scène : Philippe Mangenot avec la complicité de Raphaèle Huou
Avec : Raphaèle Huou et Philippe Mangenot
Photo : © Philippe Mangenot
Espace culturel Saint-Marc • 10, rue Sainte‑Hélène • 69002 Lyon
Avant-premières le 27 avril 2016 à 18 heures et 20 heures
Acte 2 Théâtre • 32, quai Arloing • 69009 Lyon
04 78 83 21 71
Représentations les 2 et 3 mai 2016 à 20 heures à l’Acte 2 Théâtre
Dates scolaires : lundi 2 mai à 10 h 30 et 14 h 30 et mardi 3 mai à 10 h 30
Durée : 55 min
De 9 € à 16 €
Dès 13 ans
Reprise du 20 au 24 décembre 2016
Les Clochards célestes • 51, rue des Tables-Claudiennes • 69001 Lyon
Métro : Hôtel-de-Ville
- mardi 20 décembre à 20 heures
- mercredi 21 décembre à 20 heures
- jeudi 22 décembre à 19 heures
- vendredi 23 décembre à 20 heures
- samedi 24 décembre à 15 heures
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