« Sermon sur la mort », de Bossuet, chapelle de l’Oratoire à Avignon

Sermon sur la mort © D.R.

Servir un texte

Par Céline Doukhan
Les Trois Coups

Le « Sermon sur la mort » de Bossuet n’est par essence pas un texte de théâtre. Pourtant, Bossuet était connu en son temps comme un orateur hors-pair, et ses sermons sont restés dans l’histoire de la littérature. Alors, comment évoquer ce que fut l’orateur Bossuet ? Et ce sermon, pour le moins à contre-courant des productions présentées dans le Off, pouvait-il néanmoins présenter un intérêt dramatique ? Des questions auxquelles Patrick Schmitt donne une éclatante réponse dans le beau cadre de la chapelle de l’Oratoire.

Patrick Schmitt s’avance, calme et droit, vêtu d’une ample robe de velours à bords dorés. On est tout de suite frappé par son maintien qui, avant même qu’il n’ait prononcé les premiers mots du sermon, impose le respect. La suite est un modèle d’interprétation. Pourquoi ? Parce que c’est précisément le texte que met en valeur le jeu du comédien. « Servir le texte » : cette expression n’a jamais trouvé meilleure illustration que dans cette magnifique interprétation.

D’abord, la diction. Patrick Schmitt parle d’une voix nette et profonde amplifiée par le volume de la chapelle, à tel point que cela pourrait, au tout début, perturber la compréhension. L’articulation à la fois très claire et souple de l’acteur laisse le texte respirer de son rythme naturel, profond et ample, mais cadencé comme du Bach. Mieux : Patrick Schmitt imprime avec une grande maîtrise une accentuation subtile à différentes syllabes tout au long de la phrase, ce qui en dégage toute la limpide construction. Loin de sonner comme un épuisant monologue, ce sermon prend alors corps, et le texte de Bossuet apparaît si beau et si pur que l’on comprend comme une évidence pourquoi il a traversé les siècles. Et l’on devine ce qu’a pu être la puissance et l’aura de Bossuet orateur.

Deuxième leçon de théâtre : la gestuelle. C’est toute une grammaire du geste qui s’offre à nous à travers le jeu de Patrick Schmitt, comme un livre ouvert. Il n’y a aucun mouvement superflu, et tous ceux-ci sont d’une lisibilité remarquable. Expressifs sans paraître exagérés, les attitudes des bras et des mains suggèrent une volonté de convaincre réelle mais maîtrisée. L’acteur n’a ainsi jamais l’air de nous haranguer. Nous sommes tout simplement mis en face de la petitesse de l’existence humaine, et nul n’est au-dessus de la loi divine, rappelle le prédicateur à travers ce discours d’une grande sobriété. En cela, Bossuet dépasse les particularismes de telle ou telle doctrine et livre une leçon d’humilité, d’autant plus frappante lorsque l’on pense que le sermon fut prononcé devant rien moins que Louis XIV et la cour en 1662.

Le regard perçant de l’acteur contribue lui aussi à donner une tension continue à ce sermon. On pense au surnom de Bossuet, « l’Aigle de Meaux »… À noter que l’effet aurait sans doute été plus formidable encore si le comédien avait pu prononcer le sermon du haut d’une chaire (comme on le voit sur les affiches) et non pas devant un décor de sable et de bois desséché prévu pour une représentation du… Prophète de Khalil Gibran ! 

Céline Doukhan


Sermon sur la mort, de Bossuet

La Forge – Cie Patrick‑Schmitt • 33, rue Rigault • 92000 Nanterre

01 47 24 78 35

schmittp@wanadoo.fr

www.laforge-theatre.com

Conception et interprétation : Patrick Schmitt

Costumes : Jean‑Pierre Nortel

Chapelle de l’Oratoire • 32, rue Joseph‑Vernet • 84000 Avignon

Réservations : 06 88 77 86 77

Du 8 au 31 juillet 2009 à 16 heures

Durée : 50 minutes

15 € | 10 €

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