Shaï Maestro Trio, en concert, 1988 Jazz Club à Rennes

Shaï Maestro © Jean-François Picaut

Sans tabous ni frontières

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

L’affluence était grande pour écouter le trio de Shaï Maestro au 1988 Jazz Club de Rennes. L’évènement annoncé comme peu commun a bien eu lieu pour le plus grand plaisir d’un public qui mêlait toutes les générations. En attendant Sophie Alour, samedi prochain.

Précédés par la rumeur flatteuse qui les accompagne depuis la sortie de leur album Shaï Maestro Trio chez Laborie en 2012, les trois jeunes instrumentistes (ils n’ont pas encore trente ans) font leur entrée face à un public qui trépigne déjà d’impatience. Comme le dit en introduction Yann Martin, le programmateur du 1988 Jazz Club de Rennes, ce n’est pas un leader et deux sidemen qu’il accueille, mais bien un trio de solistes. On ne va pas tarder à s’en rendre compte.

Le premier morceau, intitulé Gal, est dédié à la sœur de Shaï Maestro. Comme un certain nombre de pièces jouées ce soir, il appartient aux matériaux d’un disque à paraître en juin 2013. Nous n’en dirons donc rien pour ne pas déflorer la surprise. Il suffit de préciser qu’il a d’emblée conquis la salle. Lui succède Sleeping Giant, une de nos pièces préférées de l’album actuel. Ce géant-là ne risque pas de vous endormir. Le piano y est d’une variété infinie, faisant sans cesse alterner les couleurs et les rythmes aux deux mains. La contrebasse s’y joue à l’archet dans les graves ou en pizzicato rapide dans les notes plus claires. On jurerait que le batteur y pratique la percussion digitale quand il se sert seulement de ses baguettes. L’enthousiasme monte d’un cran.

Une inventivité sans cesse en éveil

Nous avons beaucoup aimé également Painting, inspiré par le cadeau qu’une admiratrice bulgare a fait à Shaï Maestro d’un tableau qu’elle avait elle-même réalisé. Painting débute par une longue méditation au piano avant que la mélodie ne s’élève à la contrebasse jouée à l’archet, ponctuée par les cymbales et quelques coups donnés sur le tom basse. Puis le piano s’enfle en crescendo avant de redescendre accompagné par quelques traits à l’archet. Superbe. À l’opposé de ce morceau très calme se situe l’hommage rendu par Shaï Maestro à un aïeul qui fut berger dans les Balkans. The Flying Shepherd commence comme une de ces bergeries fréquentes au xviiie siècle, mais sur un rythme trépidant, et elle est très vite détournée avec l’introduction de rythmes très variés au piano, à la contrebasse et surtout à la batterie. C’est un bel exemple de la virtuosité de ce trio à l’inventivité sans cesse en éveil et à la virtuosité éclatante. C’est bien connu, l’air des cimes fait planer les bergers !

Il faut voir les clins d’œil et les sourires qu’échangent les trois complices quand ils ont réussi à se surprendre. À croire que pour eux, la musique est un jeu, mais un jeu pratiqué au plus haut niveau ! Ils puisent leur inspiration, sans tabous ni frontières, dans tout le domaine musical avec une prédilection pour les sons, les formes et les rythmes du pourtour méditerranéen, et ils en font leur miel. Pour d’aussi jeunes musiciens, leur science de la mélodie et des rythmes est étonnante et leur maîtrise des instruments aussi. Sous les doigts de Shaï Maestro, le piano semble d’une ductilité infinie, qui le conduit jusqu’à évoquer le clavecin ou le cymbalum. Ziv Ravitz charme les auditeurs et spectateurs par la délicatesse de son jeu qui n’est jamais tonitruant, mais jongle avec les rythmes et les sonorités en imitant à la perfection toutes sortes de percussions. La contrebasse de Jorge Roeder se fait violoncelle sous l’archet, guitare ou presque en pizzicato, percussion sous le maillet ou la main. On a même cru percevoir quelques sons proches de la cornemuse ! C’est tout l’avantage d’un club intime comme le 1988 Jazz Club que de le faire toucher du doigt ou presque. Ajoutons que ces trois musiciens sont d’une générosité incroyable. Ils ont offert trois rappels à un public insatiable mais néanmoins comblé.

C’est Sophie Alour qui aura la lourde tâche de succéder au trio de Shaï Maestro sur la scène du 1988. Ce sera le samedi 16 février 2013 à 21 heures. La saxophoniste ténor et clarinettiste, d’origine bretonne, complice de Rhoda Scott au sein du Lady Jazz Quartet, sera accompagnée par Frédéric Nardin à l’orgue et Frédéric Pasqua à la batterie. Le trio ne manquera pas d’y jouer des pièces tirées de la Géographie des rêves, le nouvel opus de Sophie Alour distingué par un « Choc » de Jazzman jazz magazine et « Révélation » Jazz News

Jean-François Picaut


Shaï Maestro Trio, en concert

1988 Jazz Club à Rennes

Avec : Shaï Maestro (piano), Ziv Ravitz (batterie) et Jorge Roder (contrebasse)

Photo : © Jean-François Picaut

1988 Jazz Club • 27, place du Colombier • 35000 Rennes

Réservations : 07 86 15 09 89

Samedi 9 février 2013, à 21 heures

18 € | 15 €

Prochain concert au 1988 :

Sophie Alour Trio, samedi 16 février 2013 à 21 heures

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