Trio Golondrina, avec Véronique Le Postec, Grand’chambre du Parlement de Bretagne à Rennes

Trio Golondrina, avec Véronique Le Postec © Benjamin Janlouis

Le peuple enchante le Palais

Par Benjamin Janlouis
Les Trois Coups

Qui ne se souvient du terrible incendie qui a dévasté le palais du Parlement de Bretagne, en février 1994 ? À la suite de ce drame, véritable traumatisme pour les Bretons, une nouvelle conscience de la richesse du bâtiment a vu le jour et la demande d’ouverture et de partage de l’édifice, siège de la cour d’appel de Rennes, s’est amplifiée. C’est dans ce contexte qu’est née l’Association régionale pour l’animation du parlement de Bretagne (A.R.A.P.). C’est sous son égide que sont organisées, dans ce joyau architectural, des manifestations culturelles telles que le concert du Trio Golondrina, proposé par le conservatoire de Rennes.

Le Trio Golondrina, c’est d’abord Véronique Le Postec, chanteuse et comédienne. Elle porte un nom breton, celui de son mari, mais elle a grandi dans le Sud-Ouest, et c’est peut-être l’origine de son goût pour le monde hispanique. Actuellement tourangelle, elle a longtemps vécu à Rennes où on a notamment pu la voir, de novembre 2001 à juin 2005, dans Caf conc’ bonheur, un spectacle créé par la compagnie du Pré-Perché dans une mise en scène d’Hugues Charbonneau. En 2003, elle crée Tout feu tout femme !, un spectacle de chansons françaises dans une distribution piano-voix. Puis c’est, accompagné d’un piano et d’un saxophone baryton, Horizons terrestres (2008) où elle explore un répertoire de chansons françaises peu connues sur un monde décalé.

À la guitare acoustique, on trouve André Couasnon, professeur au conservatoire de Rennes, que les Bretons connaissent surtout comme compositeur (oratorios, cantates profanes, arias, conte musical, musiques de films, chansons, etc.) et comme chef de l’ensemble de guitares de l’Orchestre des jeunes de Haute-Bretagne (O.J.H.B.). Mais, c’est aussi un instrumentiste très talentueux, du classique au jazz en passant par les musiques traditionnelles.

Le percussionniste Hervé Duponcel a étudié le folklore cubain et caribéen auprès du maître cubain Juan Baute Granda. Directeur de Plaza Mayor, un ensemble de jazz caribéen, il assure aussi la direction musicale et les arrangements de l’ensemble Cante Iroko. On a pu l’entendre auprès de personnalités locales du jazz ou de la salsa.

L’hirondelle

Golondrina, en espagnol, c’est l’hirondelle commune, la messagère qui, après chaque hiver, nous annonce le retour de la vie et du printemps. Véronique Le Postec, en sous-titrant son spectacle l’Hirondelle des faubourgs, en fait l’ambassadrice, la médiatrice de la musique populaire hispano-américaine que l’on chante de Séville à Buenos Aires. La chanteuse y interprète des tangos et des milongas, bien sûr, mais aussi des… coplas.

Ah, la copla ! Elle est sans doute moins connue en France, mais ce genre de chanson, aussi appelé copla andaluza, dérivé d’une forme poétique plus ancienne, est très populaire en Espagne. Véronique Le Postec en interprète quelques-unes qui sont signées de Rafael de León et Manuel Quiroga, les maîtres de ce genre florissant dans les années 1940 avec Antonio Quintero. L’une des plus poignantes entendues ce soir est sans doute Ojos verdes, l’un des grands succès d’une interprète fameuse de la copla, Concha ou Conchita Piquer, née María de la Concepción Piquer López (1908-1990).

Dans le domaine du tango, Golondrina rend hommage à un autre interprète emblématique qui fut aussi compositeur, Carlos Gardel. On a remarqué particulièrement une interprétation sensible de Volver (Gardel / Alfredo de La Pe) et de Mi Buenos Aires querido (Gardel). Dans le domaine des tubes, signalons aussi Gracias a la vida (Violeta Parra), illustrée par d’innombrables chanteurs et que Joan Baez reprenait encore aux Vieilles Charrues en 2000. Mais le titre le plus applaudi a certainement été Cucurrucucú de Tomás Méndez, chanté pour la première fois par Lola Beltrán dans le film Cucurrucucú Paloma avant de faire le tour du monde. Et puis, comment concevoir un concert avec du tango et de la milonga sans les grands noms de Borges et Piazzola, ensemble ou séparément (Milonga de Jacinto Chiclana, Alguien le dice al tango, Maria de Buenos Aires) ?

Véronique Le Postec, une belle voix

Ce beau programme, conçu parfois en des périodes de trouble, sous des dictatures, en tout cas dans des périodes difficiles, porteur de rêves, d’angoisses mais aussi d’amour et de sensualité, le Trio Golondrina le sert avec talent. Véronique Le Postec possède une belle voix d’alto, puissante et claire dans les aigus, sombre à souhait dans les graves, « comme la peau des gitanes », dit-elle, dont elle a aussi la douceur. Une gestuelle expressive mais économe en gestes souligne justement le propos.

La guitare d’André Couasnon passe comme en se jouant de l’accompagnement rythmique à la mélodie. Elle sait se faire suave ou grondeuse, élégiaque ou joyeuse. Bien servie par l’acoustique de la Grand’chambre et la science du sonorisateur, elle déploie toute sa palette pour le bonheur des auditeurs.

Hervé Duponcel et ses percussions donnent le rythme, on devrait dire les rythmes, et ils sont très divers. Avec intelligence, il soutient la voix et la guitare, ensemble ou séparément, ou occupe tout l’espace, avec la même aisance.

Des grands auteurs espagnols

Le fil rouge est assuré par un texte d’Isabelle L’Helgouac’h puisé librement dans les chansons ou les poèmes des grands auteurs espagnols. Ce texte, dit avec sensibilité par Véronique Le Postec, permet aux auditeurs qui ne sont pas hispanophones de cheminer aisément avec la chanteuse.

Enfin, on ne saurait conclure sans saluer la prestation des deux danseurs qui interviennent dans la deuxième partie du spectacle, Lætitia Couasnon (chorégraphe et danseuse) et Olivier Mayol. Les dimensions de la scène ne permettaient pas un tango acrobatique, mais ils ont su produire et montrer une danse, tout en retenue mais sans fadeur, qui est aussi une facette du tango et de la milonga.

Golondrina prenait place dans une semaine Guitare(s) organisée par le conservatoire de Rennes, au cours de laquelle on a pu entendre toutes sortes de « pincements, riffs et autres golpes » entre guitare classique, baroque, jazz, flamenca, etc. Ses interprètes nous ont permis un beau voyage de l’Andalousie à l’Argentine, venant encanailler un peu la pompe et les ors d’une Grand’chambre d’habitude si solennelle. 

Benjamin Janlouis


Trio Golondrina, avec Véronique Le Postec

Avec : Véronique Le Postec (chant), André Couasnon (guitare et chœurs), Hervé Duponcel (percussions et chœurs), Lætitia Couasnon (danse), Olivier Mayol (danse)

Photo du Trio Golondrina, avec Véronique Le Postec : © Benjamin Janlouis

Grand’chambre du Parlement de Bretagne • place du Parlement • 35000 Rennes

Réservations : office de tourisme de Rennes 02 90 67 11 11

Le 4 février 2012 à 20 h 30

Durée : 1 h 30

11 € | 5,50 €

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories

contact@lestroiscoups.fr

 © LES TROIS COUPS

Précédent
Suivant