« Vingt mille lieues sous les mers », de Jules Verne, Théâtre de la Renaissance à Oullins

Vingt mille lieues sous les mers © Étienne Guiol

À mille milles de Disneyland

Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups

Gérard Lecointe, directeur du Théâtre de la Renaissance et directeur artistique des Percussions Claviers de Lyon, ouvre sa saison en créant « Vingt mille lieues sous les mers », spectacle musical mis en images.

N comme ? Nautilus, le sous-marin géant et Nemo, son énigmatique capitaine. A comme ? Arronax, le savant à l’insatiable curiosité, embarqué de force à bord du submersible. C comme ? Conseil, son fidèle et déluré assistant. N.L. comme ? Ned Land, le redoutable harponneur de cétacés. Nombreux sont ceux, et de toutes générations, qui connaissent l’incroyable vaisseau fantôme et les personnages de Vingt mille lieues sous les mers ainsi que leurs aventures extraordinaires imaginées par Jules Verne. Laissons donc au public la surprise de redécouvrir ou de découvrir ce que Gérard Lecointe pour la musique, Étienne Guiol pour les images et Emmanuelle Prager pour la mise en scène ont choisi de retenir pour nous raconter à leur manière, entre terreur et émerveillement, la prodigieuse odyssée du Nautilus et de son étonnant équipage.

Exigence d’abord

Décrire un peu plus quand même ce qui attend le public ne gâtera toutefois pas leur plaisir. Sur scène, deux écrans de dimensions différentes accueillent les images du spectacle. Devant eux, cinq percussionnistes sont en place derrière leurs instruments. Parti pris de sobriété pour permettre à la musique et aux projections d’occuper tout leur champ. Précise et dépouillée aussi, la mise en jeu conduite par Emmanuelle Prager se glisse en douceur à travers les écueils savamment contournés du mariage entre la technologie musicale et cinématographique. Notes, jeu, texte et illustrations conservent ainsi leur efficacité dramatique.

Composé d’œuvres de Claude Debussy, Paul Dukas, Albert Roussel et Camille Saint-Saëns transcrites pour vibraphones, métallophones, xylophones et timbales, le menu orchestral concocté par Gérard Lecointe est un régal de justesse, de subtilité et de virtuosité. Finement animées ou traitées en aquarelles raffinées, les images d’Étienne Guiol balisent les étapes du périple insensé du Nautilus d’une envoûtante poésie. S’ajoute à ces créations graphiques le surgissement de comédiens filmés en plan moyen, en pied ou en gros plan conférant à l’action du récit une densité émotionnelle remarquable. Là encore pas d’effets superfétatoires. Costumes simples, adresse fréquente du regard qui interpelle le spectateur avec autorité, complicité ou mystère.

Quant au texte de Jules Verne, il est présenté dans une adaptation respectueuse et rigoureuse préservant sa force et sa modernité. On écoute avec bonheur une langue du xixe siècle finissant parlant des limites de la liberté individuelle, de la fascination excessive pour le progrès scientifique, de l’écologie déjà indispensable ou de la nécessité humaniste d’aller à la rencontre des peuples oubliés.

Sans lasser et sans amoindrir le côté captivant du roman d’aventures qu’est Vingt mille lieues sous les mers, toute l’équipe de création a le mérite de tenir ferme la barre d’un pari exigeant, musicalement, esthétiquement et littérairement. La représentation échappe de la sorte, et c’est heureux, à toute démagogie. Certes Gérard Lecointe et ses complices n’en ont pas les moyens financiers, mais il est bienvenu que leur réalisation ait su rester à distance artistiquement des procédés racoleurs de Disneyland.

Quintette majeur

La qualité d’ensemble du travail exige de citer également les comédiens Olivier Borle, Renaud Golo et Baptiste Guiton, tous trois impeccables à l’écran, les lumières savantes de Stéphane Fraissines épousant à merveille l’épure scénographique de Guillaume Ponroy. Mais il ne faut surtout pas oublier la nouvelle performance exceptionnelle du quintette des percussionnistes Sylvie Aubelle, Jérémy Daillet, Gilles Dumoulin, Dorian Lepidi et Benoît Joly. La bande virtuose et inventive des Percussions Claviers de Lyon donne à nouveau le meilleur d’elle-même. Agilité, précision, finesse, énergie et malice irriguent l’exécution des partitions et révèlent à la perfection les richesses harmoniques et rythmiques de grands compositeurs du siècle de Jules Verne. Gageons que ce spectacle, quand il aura trouvé son allure de croisière avec un réglage supérieur des liaisons encore parfois fragiles entre musique et images, voguera magnifiquement d’escale en escale pour la tournée qui l’attend déjà. 

Michel Dieuaide


Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne

Musique : Debussy, Dukas, Roussel, Saint-Saëns,

Emmanuelle Prager, Étienne Guiol, Gérard Lecointe

Adaptation, mise en scène : Emmanuelle Prager

Transcription, direction musicale : Gérard Lecointe

Illustrations : Étienne Guiol

Personnages filmés : Emmanuelle Prager

Vidéo : Louise Kelh

Scénographie : Guillaume Ponroy

Son : Jérôme Rio

Costumes : Quentin Gibelin

Lumière : Stéphane Fraissines

Régie générale et vidéo : Arnaud Perrat

Avec les Percussions Claviers de Lyon : Raphaël Aggery, Sylvie Aubelle, Jérémy Daillet, Gilles Dumoulin, Dorian Lepidi, Benoît Poly, et à l’écran : Olivier Borle, Renaud Golo, Baptiste Guiton

Production : Percussions Claviers de Lyon

Coproduction : Théâtre de la Renaissance

Avec le soutien de : F.C.M., A.D.A.M.I., SPEDIDAM, S.A.C.E.M., et de Delta Imprimerie, Ateliers Guedj, Crédit Mutuel Sud-Est et du Club d’entreprises des Percussions Claviers de Lyon

Théâtre de la Renaissance • 7, rue Orsel • 69600 Oullins

www.theatrelarenaissance.com

Tél. 04 72 39 74 91

Courriel : contact@theatrelarenaissance.com

Représentations : mardi 6 octobre 2015 à 14 h 30, mercredi 7 octobre à 10 heures, jeudi 8 octobre à 14 h 30 et 20 heures, vendredi 9 octobre à 10 heures et à 19 heures, samedi 10 octobre à 15 heures

Durée : 1 h 20

Tarifs : de 24 € à 5 €

Tournée :

  • Théâtre de Villefranche-sur-Saône, du 15 au 17 octobre 2015
  • La Rampe-La Ponatière à Échirolles (38), 28 et 29 janvier 2016
  • Le Radiant-Caluire (69), le 2 février 2016
  • Grand Théâtre de Bourg-en-Bresse, les 4 et 5 février 2016
  • Opéra-Théâtre-salle Copeau à Saint-Étienne, du 9 au 12 février 2016
  • Théâtre de la Ville / Théâtre des Abbesses à Paris, du 8 au 13 mars 2016
  • Théâtre de Roanne (42), le 25 mars 2016
  • Espace Albert Camus à Bron (69), le 31 mars et le 1er avril 2016
  • Théâtre de l’Isle-d’Abeau (38), les 5 et 6 avril 2016
  • Le Grand R à La Roche-sur-Yon (85), les 2 et 3 mai 2016
  • Théâtre de Châtillon (92), le 20 mai 2016

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