« Work », de Claudio Stellato, dans le cadre de Temps Danse 2021, Le Monfort à Paris

Work-Claudio-Stellato © Pierre-Rigo

Complètement marteau !

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Détournant la pratique du bricolage, Claudio Stellato et son équipe de clowns acrobates nous livrent un bric a brac jubilatoire, où l’absurde le dispute à la fantaisie. Dans ce chantier mené tambour battant, le bricolage devient danse, cirque, concert et folie créatrice. En imbriquant corps et matière de manière si poétique, ces artistes-là cassent vraiment la baraque ! 

Dans son premier spectacle, il se débattait avec son mobilier. Dans la Cosa (lire la critique ici), Claudio Stellato tentait des échafaudages menaçant toujours de s’effondrer. Avec Work, il a franchi une étape : la cloison tient à peu près debout. Ici, les planches remplacent les stères. Sans doute, inspiré par les deux chantiers, la rénovation d’une maison en Italie, dont il est originaire, et un appartement à Bruxelles, où il vit désormais, Claudio Stellato voit-il plus grand, plus loin ? En tout cas, il fait feu de tout bois, utilisant ici des ressources insoupçonnées.

Il ne recourt plus à la hache, mais à toute une panoplie d’outils, jusqu’à une bétonnière qui défoncera ce qui reste du décor. Découpe, enduit, peinture… On se bidonne vraiment à voir leurs improbables techniques pour planter des clous, appliquer la couleur et relever bien des défis. Ils sont bien concentrés, ces hurluberlus. Chacun a son rôle. Ils effectuent des gestes précis, fruit d’heures et d’heures de routine. Les efforts physiques sont poussés jusqu’à l’épuisement pour un résultat parfois absurde.

Work-Claudio-Stellato © Hubert-Amiel
© Hubert Amiel

Certains ont aussi la tenue de rigueur, mais aucun la tête de l’emploi, si l’on peut dire, même si l’on ne verra jamais leur visage, tous affublés qu’ils sont ! Recouvert de masque, de polystyrène, de plastique, ces individus semblent en fait dans un état transitoire. Serions-nous dans un univers parallèle ? Quoi qu’il en soit, cette espèce-là barbouille à qui mieux mieux, manipule objets et corps, avec perte et fracas, pour créer une oeuvre bigarrée, aux couleurs de notre monde.

Brut de décoffrage ?

Tout est orchestré avec précision, y compris les entrées et les saluts, mais l’interprétation est libre. Cependant, quelques indices nous aident à y voir plus clair, entre les bavures et l’envers du décor de la toute fin. Une figure christique, puis les ailes d’un ange nous laissent penser qu’il s’agit peut-être là d’une vaine tentative de sauver le monde, car ces frappadingues sont quand même plus doués pour détruire.

La fin du monde : voilà justement le sujet… Eventrée, cette cloison fragile subit bien des métamorphoses. Ces artisans du chaos ne font guère dans la dentelle, rafistolent, mais ils se tirent d’affaires en toutes circonstances. S’ils chutent, prennent de sérieux risques, ils s’adaptent toujours, même avec des solutions inattendues, comme cet individu agrafé qui parvient à se détacher par des acrobaties. Le clou du spectacle ! Tous échappent aux coups de pelles, échardes, éclaboussures. Jusqu’à quand ?

Work-Claudio-Stellato © Claudia Pajewski
© Claudia Pajewski

Work évoque aussi la création d’une œuvre d’art avec ses mutations, ses chemins compliqués et illogiques. Les rituels auxquels on assiste rapprochent les pratiques du bricolage avec celles de la danse, du cirque, de la musique et des arts plastiques. Tandis que les matériaux et les supports se transforment, de vrais tableaux prennent forme, en rythme.

Sur leur terrain de jeu, ces artistes font preuve d’une énergie débordante. Ils ne ménagent pas leur peine pour souiller leurs costumes et la scène toute entière, jusqu’aux rideaux, dans un joyeux bordel. Les spectateurs sont alors invités à venir prêter main forte pour le ménage. Peu de volontaires ! Il faut pourtant se relever les manches. Il reste du boulot pour éviter que tout s’écroule, non ? 

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Léna Martinelli


Work, de Claudio Stellato

Site de la compagnie 

Avec : Joris Baltz, Oscar de Nova de La Fuente, Mathieu Delangle, Nathalie Maufroy

Régie générale et son : François Caffenne

Durée : 50 minutes

Dès 7 ans

Monfort • Grande salle • 106, rue Brancion • 75015 Paris

Du 15 au 18 septembre 2021 à 19 h 30

Réservations : 01 56 08 33 88 ou en ligne

De 5 € à 25 €

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