«  Un bal masqué  », de Giuseppe Verdi, Opéra de Rennes 

« Un Bal masqué » © Jean-Marie Jagu   

Un bal masqué de rêve 

Par Olivier Pansieri
Les Trois Coups 

L’Opéra de Rennes reprend Un bal masqué de Verdi, remarquablement beau et profond. Les chanteurs, l’orchestre, le chœur, mais aussi la scénographie, les costumes et la mise en scène, tout concourt à faire de ce spectacle une réussite.

Créée l’an dernier à Nancy à l’initiative de Rani Calderon, directeur musical de l’Opéra national de Lorraine, ce Bal masqué reprend la version d’origine, celle écrite avant que la censure exige de Verdi qu’il fasse de Gustave un duc, un ambassadeur ou ce qu’il voulait mais pas un roi. Ici, c’est bel et bien un monarque qui va périr de la main de son ami, passé à l’ennemi par pure jalousie. On se souvient que l’argument fut en effet soufflé au compositeur par l’assassinat du roi de Suède Gustave III, à un bal justement.

Qu’on se rassure, la mise en scène de Waut Koeken s’intéresse surtout à l’aspect romantique, voire décadent de l’œuvre. Dès le prologue, Gustave songe devant la maquette du décor. Et si tout le spectacle n’était en fait que le cauchemar engendré par ses remords ? Ceux d’un monarque fautif pressentant sa fin. Stefano Secco en exprime en tout cas l’affolement étourdi. À ses côtés, Hila Baggio campe un Oscar exceptionnel, tantôt fou du roi, tantôt figure mortuaire comme éprise de sa proie. Elle rafle presque la vedette à la prima dona.

Pour sa prise de rôle, cette dernière, Monica Zanettin, impose une Amelia clairement adultère. C’est l’autre trouvaille de la mise en scène qui fait le pari que la jolie dame et le roi ont « fauté ». Tout le drame s’en trouve comme éclairé d’une lumière sombre, macabre, passionnelle. On peut regretter à ce propos que la mezzo Agostina Smimmero manque un peu d’ampleur : sa sorcière Ulrica donne plus le ton que la chair de poule. Il n’en demeure pas moins que ce Bal est celui des amants maudits.

« Un Bal masqué » © Jean-Marie Jagu   
« Un Bal masqué » © Jean-Marie Jagu

Verdi grinçant

Les prestations de Sulkhan Jaiani et de Jean-Vincent Blot dans les conjurés, soutenus par l’excellent Chœur d’Angers-Nantes Opéra, impressionnent. Sous la fervente battue de Pietro Mianiti, leur contrepoint fait merveille. On ne peut en dire autant de Luca Grassi, dont le Renato reste bien sage. Ce serait la seule réserve qu’on pourrait faire sur ce spectacle par ailleurs palpitant. Dans l’acte trois notamment, où sa raideur compassée cadre mal avec l’héroïsme d’Amelia, que Monica Zanettin pare de toutes les couleurs de sa jolie palette.

Vétille au regard des innombrables autres moments forts, dont ceux des « duos contrariés » qui émaillent l’œuvre de bout en bout. Saluons celui du cimetière entre les amants « Non sai tu che se l’anima mia », comme celui du bal « Fervono amori e danze », où tous les interprètes rivalisent d’aisance et d’audace. Il s’en dégage une émotion d’autant plus forte qu’elle nous étreint au beau milieu d’accompagnements presque d’opérette. Rarement Verdi fit preuve d’une telle audace ici parfaitement rendue, chœur, chanteurs et orchestre soudés comme jamais.

« Un Bal masqué » © Jean-Marie Jagu   
« Un Bal masqué » © Jean-Marie Jagu

Moins la vraisemblance que la vérité

L’idée du théâtre dans le théâtre, imaginée par Waut Koeken, fonctionne étonnamment bien, grâce aux talents de son décorateur Luis F. Carvalho, qui a aussi conçu les splendides costumes, et à celui de Nathalie Perrier, qui les éclaire comme une reine. L’audace tranquille avec laquelle ils font passer l’action de l’alcôve à un horizon borné par des gibets, l’arrière-scène à un tribunal, puis à une antichambre, est évidemment celle du songe. Comme l’œuvre, elle vise moins la vraisemblance que la vérité.

Certaines images sont saisissantes, je pense à ce théâtre coupé en deux, dont chaque époux occupe un angle, ou à ce plafond peint en contre-plongée, gouffre au fond duquel les danseurs masqués se figent tels des automates. Et bien sûr au tableau final où Gustave mort se relève et repart vers l’oubli. Visions superbes et fortes de la passion malheureuse. On ressort de l’Opéra de Rennes, presque étourdi par tant de beauté, avec la troublante impression d’avoir soi-même rêvé. ¶ 

Olivier Pansieri


Un bal masqué, de Giuseppe Verdi

Direction musicale : Pietro Mianiti

Mise en scène : Waut Koeken

Reprise de la mise en scène et chorégraphie : Jean-Philippe Guilois

Décors et costumes : Luis F Carvalho

Lumières : Nathalie Perrier

Avec : Stefano Secco, Monica Zanettin, Hila Baggio, Luca Grassi, Agostina Smimmero, Sulkhan Jaiani, Jean-Vincent Blot, Pierrick Boisseau, Franck Estrade, Mikaël Weill,

Orchestre National des Pays de la Loire,

Chœur d’Angers-Nantes Opéra

Durée : 1 h 50 

Teaser vidéo 

Photo ©  Jean-Marie Jagu

Opéra de Rennes •  Place de la mairie •  35 000 Rennes

Dimanche 31 mars à 16 heures, mardi 2, jeudi 4 avril à 20 heures et samedi 6 avril à 18 heures

De 13 € à 51,85 € 

Réservations : 02 23 62 28 28 

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