« À petits pas bleus », d’Élisabeth Rouch, Théâtre de marionnettes à Belfort

« À petits pas bleus » © D.R.

À tout petits pas

Par Maud Sérusclat-Natale
Les Trois Coups

La compagnie Pipa Sol, spécialisée dans le théâtre d’objets, est invitée par le Théâtre de marionnettes de Belfort dans le cadre du festival Solstices. Elle nous présente une forme courte, plaisante mais sans plus, pour les tout‑petits.

Pour beaucoup de petits spectateurs, c’est une première fois. Et pour cause, le spectacle est proposé à partir de 18 mois. On s’empresse un peu devant la porte puis les enfants sont conviés à prendre place en bord de plateau, sur un tapis moelleux, tandis que les grands auront la gentillesse de se glisser en hauteur sur les gradins. Quand c’est une première, c’est un peu maladroit comme dispositif. Il faudra que les petits soient immédiatement fascinés si on veut éviter le concert de larmes.

La salle est plongée dans le noir. Apparaît sur la scène un joli buffet des années quarante, peint en bleu et violine, qui tiendra lieu de castelet. Une poupée miniature surgit comme par magie en haut du meuble. Elle laisse s’échapper l’une de ses minuscules chaussures, celle de droite, la plus aventurière des deux, la rebelle. C’est ainsi que commence le voyage. Nous allons donc suivre les pérégrinations de ce soulier de dix centimètres.

Cette histoire de chaussure nous rappelle vaguement un conte pour enfants, voire plusieurs. Mais ici, côté littérature, on sera vite déçu. Dans ce travail, l’enjeu n’est pas là, soit. Il n’y aura pas vraiment de texte à faire entendre, il s’agira uniquement de théâtre sensoriel, essentiellement visuel et sonore, même si quelques odeurs viendront faire leur apparition. Les spectateurs sont donc invités à contempler. C’est intéressant, car le décor choisi et les objets manipulés sont vraiment beaux. Les portes du buffet s’ouvrent une à une et laissent découvrir un univers particulier : on traversera des paysages aquatiques, désertiques, polaires, champêtres, le tout éclairé de façon subtile afin que la magie du théâtre d’objets opère. On subira même avec la petite chaussure les affres du vent et de la pluie. Les sensations seront au rendez-vous. C’est certes un travail très soigné, mais il trouve rapidement ses limites, notamment dans le rythme.

Un voyage qui pouvait aller plus loin !

En effet, il m’a semblé qu’À petits pas bleus aurait mérité quelques ajustements pour passer de l’aimable promenade au beau voyage. Tout d’abord, c’est interminable pour du théâtre sensoriel qui envisage le public comme restant assis (rappelons que les parents sont au fond…). Quarante minutes devant un buffet, aussi joli soit-il et aussi sympathiques soient les surprises qu’il fait apparaître, c’est beaucoup trop long. Surtout quand rien ne nous est raconté, quand tout nous est montré, et que l’héroïne de l’histoire mesure à peine dix centimètres. Il y a peu de place pour l’imagination, ce qui crée une attente constante, et qui impose un rythme qui, d’après moi, n’était pas au rendez-vous. Les ouvertures sont conçues comme des tableaux à admirer et à sentir, mais les enfants vont un peu plus vite que les artistes et, petit à petit, s’ennuient et s’agitent.

Ils rejoignent alors pour quelques-uns leurs parents, et là, c’est un moment plus agréable qui naît. En effet, ce travail invite à l’échange entre les parents et les enfants. Parler de ce qu’on voit, de ce qu’on ressent, de ce qui est montré et qui titille nos sens. Or, le dispositif empêche ces échanges, et c’est fort dommage. Enfin, on aurait aimé que les sensations soient encore plus au cœur du spectacle. Les odeurs auraient dû apparaître davantage au lieu d’illustrer, suggérer avant de dévoiler, prendre une autre place. Et il manquera le toucher, qui pourtant a chatouillé plus d’un spectateur, gagné par l’envie d’aller tripoter ce qu’il a regardé si patiemment. Plusieurs éléments sont donc à approfondir ou à repenser, notamment l’accueil et la durée. Dans la configuration actuelle, on réservera ce spectacle aux plus petits, car à partir de 5 ans, c’est au bord de l’ennui que les mènera ce voyage. 

Maud Sérusclat‑Natale


À petits pas bleus, d’Élisabeth Rouch

Cie Pipa Sol

Mise en scène : Élisabeth Rouch et Christine Delattre, assistées par Jean‑Pierre Rigaud

Avec en alternance : Christine Delattre, Agnès Gaulin‑Hardy, Jean‑Pierre Rigaud, Didier Welle

Musique : Éric Bono

Création lumière : Didier Welle

Théâtre de marionnettes • 30, rue Jean-de-La-Fontaine • 90000 Belfort

Réservations : 03 84 28 99 65

Billetterie : http://marionnette-belfort.com/billetterie/

Le 23 février 2016 à 11 heures

Dès 18 mois

Durée : 40 minutes

9 € | 7 €

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