« Barbarians », de Hofesh Shechter, la Fabrica à Avignon

« Barbarians » © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Entre nature et culture

Par Élise Ternat
Les Trois Coups

Avec « Barbarians », le chorégraphe londonien Hofesh Shechter a choisi de convoquer les concepts de Nature et Culture. Il nous livre ici un triptyque pour le moins détonant sur la mise en tension de ces deux notions.

Effets stroboscopiques, brouillard, intensité sonore, bourdonnements électriques…, Hofesh Shechter aime secouer son public. Il suffit de quelques instants pour prendre la mesure de la puissance particulière à l’atmosphère du spectacle. Chacun des volets de Barbarians remue à sa manière le spectateur et utilise à cette fin de nombreux effets visuels et acoustiques, comme autant de médiums supplémentaires pour renforcer le mouvement déjà initié par la danse.

Dans le premier volet, In the Barbarians in Love, ce sont six danseurs qui, sous le joug d’une voix off totalement déshumanisée, s’affrontent à leur propre dualité dans une musique qui oscille constamment entre influences baroques et sonorités électroniques. La profusion d’effets lumineux procure un caractère parfois futuriste à l’ensemble. Déplacements tribaux d’une grande physicalité et gestes de facture plus classique ne cessent de dessiner les contours d’une schizophrénie inhérente à l’humain. Sans cesse en rupture, les interprètes apportent dans l’exigence de leurs mouvements toute la force d’une danse à la fois viscérale et précise.

Dans le deuxième volet, The bAD, c’est toute l’intensité des instincts qui est encore davantage creusée, donnant plus d’épaisseur au contrepoint déjà initié, mais au risque aussi de lasser. Arborant des combinaisons de latex ultramoulantes, les interprètes s’adonnent à une danse impétueuse, animale, parfois martiale, et toujours plus physique au gré de la puissance d’une musique rock-fusion. Ce réservoir de toutes les pulsions donne lieu à certains moments à une véritable catharsis.

Two Completely Different Angles of the Same Fucking Thing, dernier volet du triptyque, s’articule autour d’un duo exécutant une danse plus légère, plus décalée. La musique aux jazzy crée un premier sentiment d’harmonie, propice à la contemplation. Ambiance qui se voit rapidement mêlée à des tonalités plus marquées rythmiquement, à l’instar de la danse qui à son tour s’intensifie dans la charge émotionnelle qu’elle convoque.

Même si tout au long de cette pièce, Hofesh Shechter se plaît à interroger de manière assez radicale la dichotomie qui scelle les rapports entre instinct et intellect, l’ensemble tend hélas à multiplier les longueurs. En fragilisant la notion classique de beauté, ou en se jouant des clichés, à commencer par ceux qu’il véhicule lui-même du commencement à la fin de sa création, le chorégraphe londonien pousse jusque dans leurs plus profonds retranchements ces deux aspects constitutifs de nos individualités, mais sans jamais réussir à réellement les dépasser. 

Élise Ternat


Barbarians, de Hofesh Shechter

Conception et chorégraphie : Hofesh Shechter

Collaboration artistique : Hofesh Shechter Compagny

Avec : Maëva Bertelot, Winifred Burnet-Smith, Chieng-ming Chang, Sam Coren, Frédéric Despierre, Bruno Karim Guillore, Philip Hulford, Yeji Kim, Kim Kohlmann, Erion Kruja, Merel Lammers, Attila Ronai, Diogo Sousa

Première partie : The Barbarians in Love

Chorégraphie et musique : Hofesh Schechter

Collaboration lumière : Lawrie McLennan

Voix : Victoria avec Natascha McElhone

Musique additionnelle : François Couperin, les Concerts royaux, 1722, Jordi Savall, le Concert des nations (2004)

Deuxième partie : tHE bAD

Chorégraphie et musique : Hofesh Shechter, créées avec les danseurs Maëva Bertelot, Sam Coren, Philip Hulford, Kim Kohlmann, Erion Kruja, Collaboration lumière : Lawrie Mc Lennan

Réalisation des costumes : Amanda Barrow

Musique additionnelle : Mystikal, Pussy Crook, tiré de l’album Tarantula (2001) et Hespèrion XX, Jordi Savall, Paavin of Albarti (Alberti) tiré de l’album Elizabeth Consort Music 1558-1603 (1998)

Troisième partie : Two Completely Different Angles of the Same Fucking Thing

Chorégraphie : Hofesh Shechter, créée avec les danseurs Bruno Guillore, Winifred Burnet‑Smith et Hannah Shephred

Collaboration lumière : Lawrie Mac Lennan

Musique additionnelle : Abdullar Ibrahim, Maraba Blue, tiré de l’album Cape Town Flowers (1997), Hespèrion XX, Jordi Savall, In Nomine V A 5 (White) tiré de l’album Elizabeth Consort Music 1558-1603 (1998)

et Breden & MC Swift, Control, tiré de l’album Control (2014)

Régie lumière : Alan Valentine

Régie son : Jonathan Beattie

Gestion de la scène : Holly Gould

Habilleuse : Helen Johnson

Photos © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Photo de Hofesh Shechter : © Victor Frankowski

Production : Hofesh Schechter Compagny

Coproduction : Festival d’Avignon, Sadler’s Wells London, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre de la Ville-Paris, Berliner Festspiele-Foreign Affairs, Maison de la danse-Lyon, HOME Manchester, Festspielhaus St.Pölten, Hessisches Staatsballett-Staaststheater Darmstadt-Wiesbaden

La Fabrica • 11, rue Paul-Achard • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 14 14 14

Le 12 juillet à 19 heures, du 13 au 14 juillet à 13 heures et 19 heures et le 15 juillet 2015 à 15 heures

Durée : 2 heures

28 € | 22 € | 14 €

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