Transmission ludique et poétique
Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups
La Soustraction des Fleurs, le Quatuor Béla, la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Karine Locatelli et Jean Lacornerie présentent un oratorio contemporain subtil et généreux pour chœur d’enfants, sextuor à cordes et percussions.
Le titre du spectacle évoque une histoire d’amour. Il est trompeur, car elle existe bien cette histoire, mais en filigrane, en un court moment de théâtre d’ombres. Elle est celle de deux amants que vont irrémédiablement séparer des évolutions aux antipodes. Tandis qu’il grandit en âge et en taille, elle ne fait que rajeunir et rapetisser… Urgent, réfléchir à la métaphore !
Qu’on ne s’y méprenne pas : l’essentiel de Borg et Théa n’est pas là, mais dans la cosmogonie futuriste d’après la catastrophe écologique, dans la succession d’évocations de mythes de création, ou de recréation, que brassent avec gourmandise et humour la compagnie La Soustraction des Fleurs et le Quatuor Béla. La vie sous terre, sous l’eau, sur terre, au-dessus… à l’origine ou à l’apogée d’un monde promis à disparaître ou à renaître sous une autre forme.
Au-delà du propos, ce qui impressionne tient à l’osmose, a priori risquée, mais complètement assumée, entre les générations (la plus vieille, représentée par les musiciens et leur directrice musicale ; la plus jeune, interprétée par le chœur d’enfants de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon), entre la musique et le jeu, où s’aventurent excellemment les violonistes et les percussionnistes, entre le grand nombre d’enfants et le petit nombre de musiciens, qui inverse le rapport de force habituel.
Kaléidoscope
Dans le kaléidoscope habilement fabriqué en étroite association entre les chanteurs, les instrumentistes et le metteur en scène, les images s’épousent et se métamorphosent, se percutent et se télescopent : des ancêtres du premier millénaire qui traversent un écran bleuté pour éclater en petits groupes et se livrer à des tâches traditionnelles, respectueuses de l’environnement ; la représentation naïve et drôle de mondes invivables où la chaleur excessive fait de l’eau de mer le seul recours ; l’arrivée d’un énorme nuage tombé du ciel à manier avec d’infinies précautions.
Borg et Théa n’a rien d’un spectacle didactique, mais tout d’une représentation où les sensations et les émotions l’emportent. On en retient son étonnant et fascinant décor de papier conçu par Bertrand Saugier que manipulent habilement (malgré son poids) les enfants de la Maîtrise ; l’implication évidente des musiciens et de Karine Locatelli dans ce projet « permaculturel », plein d’humour et capable d’autodérision ; l’inventivité dont fait preuve Jean Lacornerie pour construire avec tous ces éléments disparates une mise en scène fluide et rigoureuse. Cette création est une magnifique réussite collective. Elle a le mérite de faire confiance à l’intelligence des jeunes spectateurs, ses destinataires privilégiés. ¶
Michel Dieuaide
Borg et Théa, livret et musique de la Soustraction des Fleurs
Direction musicale : Karine Locatelli
Mise en scène : Jean Lacornerie
Direction artistique : Quatuor Béla
Scénographie : Bertrand Saugier
Lumières : Christophe Braconnier
Costumes : Marion Bénagès
Travail du mouvement : Mathieu Lebot Morin
Régie de scène : Raphaël Vuillard
Stagiaire à la mise en scène : Alixe Durand-Saint-Guillain
Avec le Quatuor Béla : Frédéric Aurier, Julien Dieudegard (violons), Julian Boutin (alto), Luc Dedreuil (violoncelle)
Avec la Soustraction des Fleurs : Jean-François Vrod, Frédéric Aurier (violons), Sylvain Lemêtre (percussions)
Avec la Maîtrise de l’Opéra de Lyon
Habilleuses : Anne Théodore, Séverine Gras
Ateliers de construction décors et ateliers costumes : Opéra de Lyon
Déléguée générale de la Maîtrise : Thérèse Maillez
Chargée de l’encadrement des enfants : Joëlle Dutournier
Pianiste et chef de chant (répétitions) : Grégory Kirche
Régie technique de production : Jean-Christophe Scottis
Chargée de production : Camille Le Brouster
Direction technique du Théâtre de la Croix-Rousse : Gilles Vernay
Régie lumière : Sandrine Chevalier, Joachim Richard
Régie plateau : Iban Gomez
Régie son : Bertrand Maïa
Assistant son : Antoine Cicéron
Production : Opéra de Lyon, Théâtre de la Croix-Rousse, L’Oreille droite-Quatuor Béla
Commande du Quatuor Béla, du Théâtre de la Croix-Rousse, de l’Opéra de Lyon et du festival Les Détours de Babel
Théâtre de la Croix-Rousse • place Joannès-Ambre • 69004 Lyon
Courriel : infos@croix-rousse.com
Tél. : 04 72 07 49 49
Représentations : les 9, 10, 12, 13, 16, 17 mai 2017 à 19 h 30, le 14 mai 2017 à 15 heures
Tarifs : 26 €, 20 €, 13 €, 10 €, 5 €
Durée : 55 minutes
Jeune public à partir de 8 ans