Entretien avec Jean‑Philippe Rigaud, attaché de presse freelance

Jean-Philippe Rigaud © D.R.

Un vrai sacerdoce

Par Isabelle Jouve
Les Trois Coups

Défendre de jeunes talents, n’est pas une mince affaire. Jean‑Philippe Rigaud a accepté de nous expliquer ses motivations.

Jean-Philippe, quel est le quotidien d’un attaché de presse freelance ?

Mon métier est à l’interface entre les journalistes et les compagnies. Quand une pièce se crée, on m’appelle, car depuis quinze ans que je suis dans le métier, j’ai un bon réseau. J’ai d’ailleurs commencé à Avignon, pour le Off. Donc, j’ai la chance que des metteurs en scène, des auteurs, des acteurs pensent à moi. Le relationnel est très important. Il faut se déplacer, rencontrer les gens, communiquer. Je crois beaucoup à la fidélité.

Mais, j’ai mis au moins cinq ans pour avoir un fichier.

Néanmoins, on ne s’installe jamais dans ce métier. On est tout le temps sur la brèche. Si un spectacle, que je défends, ne plaît pas à un journaliste, alors que j’étais sûr de l’inverse, il peut ne plus revenir ou ne plus répondre à mes sollicitations. Heureusement, cela arrive rarement. Je suis aussi quelques metteurs en scène dont j’apprécie le travail.

Comment choisissez-vous les spectacles que vous allez promouvoir ?

Ce qui donne du sens à mon métier, c’est justement de pouvoir librement choisir les productions que je vais défendre. Ce n’est pas le cas lorsque vous êtes attaché à un théâtre. La majorité du temps, je vois les pièces avant de me décider. J’aime travailler avec de jeunes compagnies et metteurs en scène, être à l’origine d’un vrai début de carrière. Je suis intéressé par les spectacles où je sens qu’il y a une vraie vision du metteur en scène, peu importe le genre. Ou qu’il y a un texte fort, une intention. Même si c’est encore un peu vert.

C’est parfois un sacerdoce, car les jeunes compagnies n’ont pas beaucoup d’argent. De plus, elles ne savent pas réellement comment travaille un attaché de presse. Je fais donc beaucoup de pédagogie. Par exemple, certaines pensent que l’attaché de presse est payé aux résultats. Ce n’est absolument pas le cas. En effet, qui peut prévoir si les journalistes feront un papier ou pas ? Je n’ai pas de baguette magique. Il y a quand même une part de chance.

Vous ne choisissez donc pas la facilité…

C’est vrai. Moins il y a de têtes d’affiche, plus cela est difficile à défendre. Heureusement, il y a encore des journalistes curieux qui se déplacent pour découvrir de nouveaux talents. D’où mon intérêt de travailler avec des auteurs vivants, qui peuvent expliquer leurs intentions, leur parti pris. Par exemple, j’ai travaillé sur Babacar ou l’Antilope de Sidney Ali Mehelleb au Théâtre 13, parce que ce dernier a une écriture à la fois romanesque et violente, sans concession. Quelque chose se passe.

Les jeunes créateurs ont moins de censure. Ils osent, puisqu’ils sont encore dans la construction, dans la découverte. Par exemple, j’ai défendu Juliette Blanche. Elle a écrit et joué Les escargots sans leur coquille font la grimace, une pièce très forte, dans laquelle elle parle de sa vie, de ses parents, de son rapport au corps, à son identité.

Mon but est donc de faire en sorte que les journalistes viennent découvrir ce qui se fera demain, des metteurs en scène et acteurs encore inconnus.

Vous promouvez quel spectacle en ce moment ?

Je travaille avec Emmanuel Besnault qui monte les Fourberies de Scapin au Lucernaire. Certes, cette pièce n’est pas nouvelle, mais Emmanuel a un talent incroyable. En plus, il a plein d’idées et un vrai esprit de troupe. D’ailleurs, j’aimerais vraiment que Colette Nucci, la directrice du Théâtre 13, vienne le voir. Je pense qu’elle appréciera ce qu’il insuffle. C’est tout à fait cohérent avec ce qui l’intéresse. Vous savez, il y a des fois où cela fait tilt. On se dit telle pièce est faite pour Untel.

La critique théâtrale a‑t‑elle toujours un poids ?

Vous mettez le doigt sur quelque chose, car il y a un vrai paradoxe. Pour vendre leurs spectacles, les compagnies en ont besoin. Mais, en même temps, elles s’en méfient.

Il est important qu’il y ait des critiques, bonnes ou mauvaises. Sinon, c’est de la promotion, tout simplement. Et là, on change de registre. S’il n’y a plus de critiques, il suffira que les compagnies, qui en ont les moyens, achètent un encart dans tel journal, et le tour sera joué. Mon métier, c’est donc aussi de défendre la critique théâtrale, papier ou numérique.

Justement, pour vous, quelle différence majeure entre une critique papier et une critique en ligne ?

Elles n’ont pas la même importance, ni la même fonction. Bien qu’un article en ligne soit vu par beaucoup plus de monde, par sa durée de vie, un papier va aussi aider à vendre le spectacle. Si une compagnie n’a pas d’article dans le Figaro, le Monde, Télérama, Libération ou autre, il lui est plus difficile de le vendre. Internet, seul, ne suffit pas. La presse écrite a encore ce rôle‑là, car il y a de vrais noms, des références qui portent une mémoire, qui ont une plume comme Armelle Héliot ou Jean‑Luc Jeener du Figaro, Fabienne Pascaud ou Sylviane Bernard-Gresh de Télérama, et d’autres.

Toutefois, avec l’importance des réseaux sociaux et des blogs, cela risque de ne plus être le cas dans les années à venir. Il faut donc s’adapter aux nouveaux supports de communication. Ces derniers ouvrent vraiment le champ des possibilités. 

Propos recueillis par
Isabelle Jouve

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