« Ercole amante » de Francesco Cavalli, Opéra-Comique à Paris

« Ercole amante » mis en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort © Stefan Brion

Ercole amante ressuscité avec inventivité

Par Maxime Grandgeorge
Les Trois Coups 
 
Christian Hecq et Valérie Lesort s’emparent avec fraîcheur et fantaisie de cet opéra baroque de Cavalli tombé dans l’oubli. Savoureux !

Il fallait un opéra extraordinaire pour célébrer le mariage du jeune Louis XIV et de Marie-Thérèse, infante d’Espagne. C’est au grand compositeur Francesco Cavalli que Mazarin confia la création d’Ercole amante, opéra baroque flamboyant augmenté de ballets pour faire plaisir au roi. L’Opéra-Comique a fait appel aux irrésistibles Christian Hecq et Valérie Lesort pour ressusciter cette œuvre longtemps tombée dans l’oubli.

Le livret met en scène les amours contrariées d’Hercule, héros valeureux qui tombe sous le charme d’Iole, jeune et belle femme qu’il tente de ravir à son fils Hyllus. Les dieux ne tardent pas à s’en mêler, la déesse de l’amour Vénus affrontant Junon, apôtre de la fidélité, chacune sollicitant le Sommeil ou Neptune. Il faudra de nombreuses et invraisemblables péripéties pour que l’Amour finisse par triompher. Un véritable soap opera mythologique !

« Ercole amante » mis en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort © Stefan Brion
« Ercole amante » mis en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort © Stefan Brion

Un feu d’artifices visuel…

Imaginez la jubilation de Christian Hecq et Valérie Lesort lorsqu’ils découvrirent cette œuvre abracadabrantesque se prêtant à toutes les folies ! Spécialisé dans les mises en scène fantaisistes, le duo s’en donne à cœur joie et signe à quatre mains un spectacle kitsch, déjanté et jouissif où les gags visuels s’enchaînent à un rythme effréné. Les deux metteurs en scène multiplient les effets spéciaux en tout genre – apparition, disparition, lévitation, etc. –, renouant ainsi avec les spectaculaires pièces à machines de la fin du XVIIe siècle.

Chaque acte révèle davantage sa vision drolatique de l’œuvre de Cavalli, toujours avec finesse et intelligence. Les décors et les costumes revisitent avec humour l’iconographie mythologique. Hercule est affublé d’un ptéryge (armure de jupe à lanières), d’une cuirasse et d’une massue, tandis que Neptune porte une longue barbe d’algues. Junon se déplace sur un paon géant et Vénus pilote une machine volante rose bonbon en forme d’oiseau. Le spectacle est également riche en créatures merveilleuses, comme ce monstre apprivoisé aux airs de dinosaure par Hercule, ou bien le personnage du Sommeil, représenté sous les traits d’un bonhomme grassouillet dont la figure disparaît sous les bourrelets.

« Ercole amante » mis en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort © Stefan Brion
« Ercole amante » mis en scène par Christian Hecq et Valérie Lesort © Stefan Brion

… et sonore

D’une grande richesse musicale, la partition de Cavalli est merveilleusement servie par l’Ensemble Pygmalion. Les musiciens alternent, sous la direction avisée de Raphaël Pichon, passages grandiloquents, scènes de fureur et touchants lamenti. Le chœur, qui joue un rôle comique à part entière dans la mise en scène, nous offre, quant à lui, certains des plus beaux moments musicaux de la soirée.

Cette production bénéficie d’une très belle distribution, en grande majorité italienne. Nahuel Di Pierro incarne un Hercule parodique, arrogant et colérique, sa prononciation très marquée des syllabes redoublant la fureur comique du personnage. La délicate Anna Bonitatibus interprète une Junon puissante et délicate aux roucoulements délicieux. Giuseppina Bridelli prête son souffle long et ses aigus rugissants au personnage de Déjanire. Krystian Adam, Hyllus délicat à la voix ample, et Francesca Aspromonte, Iole expressive et légère, forment un couple tout à fait convaincant.

La délicate Julia Semenzato incarne différents rôles féminins, dont celui de Vénus et Diane, auxquels elle prête son timbre sensuel et son vibrato aérien. Le contre-ténor Ray Chenez, Page précieux et parodique, et Dominque Visse, Lychas moqueur à la voix grinçante évoluant entre le registre grave et aigu, forment un duo clownesque irrésistible. Le casting est complété par Eugénie Lefebvre, Pasithée éclatante, et Luca Tittolo, Neptune puissant et drolatique.

Entouré d’une équipe de choc, l’Opéra-Comique signe une fois encore une très belle production qui nous fait redécouvrir une œuvre injustement oubliée. Un grand bravo !

Maxime Grandgeorge


Ercole amante de Francesco Cavalli

Livret : Francesco Buti

Direction musicale : Raphaël Pichon

Mise en scène : Christian Hecq et Valérie Lesort

Avec : Nahuel Di Pierro, Anna Bonitatibu, Krystian Adam, Francesca Aspromonte, Giuseppina Bridelli, Ray Chenez, Dominque Visse, Julia Semenzato, Eugénie Lefebvre et Luca Tittolo

Interprété par l’Ensemble Pygmalion et son chœur

Coproduction de l’Opéra-Comique, du Château de Versailles Spectacles et de l’Opéra National de Bordeaux

Photo : © Stefan Brion

Opéra Comique • Place Boieldieu • 75002 Paris

Du 4 au 10 novembre 2019

Durée : 3 h  30 avec entracte

De 6 € à 138 €

Réservations : 01 70 23 01 31

Disponible sur Arte Concert dès le 12 novembre 2019


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