« Falstafe », de Valère Novarina, d’après Shakespeare, chapelle des Pénitents‐Blancs à Avignon

« Falstafe » © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Joseph Fourez excelle

Par Céline Doukhan
Les Trois Coups

Lazare Herson-Macarel propose une version débridée de l’histoire de Falstafe, sur un texte de Valère Novarina, lui-même tiré de la pièce de Shakespeare.

Le jeune prince Henri n’a rien du fils exemplaire qu’aurait tant souhaité son père. Au contraire, il n’a de cesse de se vautrer dans les distractions les plus puériles aux côtés de son mentor en la matière, le vieux Falstafe. Sauf que le prince se trouve confronté à ses responsabilités quand survient la guerre déclarée par les ennemis du roi, conduits par Percy. Cette mise à l’épreuve verra-t-elle la personnalité du prince Henri enfin évoluer ?

C’est drôle, on a l’impression de voir une variante du Prince de Hombourg, joué dans le même Festival d’Avignon : l’histoire d’un prince indigne de son rang (pas pour les mêmes raisons, toutefois) qui trouve le chemin de la rédemption à travers une difficile épreuve. Mais, contrairement au personnage de Kleist, ce prince-ci n’a pas grand-chose pour plaire pendant une bonne moitié de la pièce. Il est paresseux et couard, seulement doué pour imaginer des farces à faire à son bouffon Falstafe. La mise en scène prend d’ailleurs ce parti de faire régresser tout le monde dans un état d’adolescence primaire : fête avec musique de boîte de nuit et néons clignotants, panneau géant « la jeunesse doit vivre »… Ceci rend d’autant plus pathétique ce Falstafe qui, avec ses Converse® et sa casquette, aimerait bien rester lui aussi un éternel adolescent, lui qui se fait vieux et ventripotent.

Régressif, c’est aussi le mot qu’on pourrait employer au sujet des éléments de décor et de la scénographie. On est (et c’est peut-être le seul aspect pénible du spectacle) pendant une heure vingt face à des objets moches et déclassés : chariot de supermarché rempli de bazar, canapé défoncé, bâche en plastique, ustensiles de cuisine… Les costumes aussi semblent provenir d’un vieux stock militaire au rabais.

Un talent aussi énorme que la fausse bedaine de Falstafe

En revanche, le texte, lui, est d’une facture classique. Et il résonne avec force, porté par cinq comédiens qui donnent tout ce qu’ils ont avec un talent aussi énorme que la fausse bedaine de Falstafe. Dans ce rôle, Joseph Fourez excelle dans la démesure et la lâcheté, les facéties et les mensonges, et parvient par les variations de son jeu à rendre le personnage attachant et pas totalement répugnant.

Comédiens et metteur en scène font ainsi corps pour faire vivre avec une urgence particulière cette histoire shakespearienne. La mise en scène, avec les réserves que l’on a indiquées qui concernent surtout son modernisme déguenillé, ne peut laisser indifférent. Un containeur à ordures sert de havre de paix, de trône, de cachette, à un Falstafe ronflant. À cet égard, on pense ici à un passage très drôle, formidablement joué et mis en scène : le récit épique par Falstafe de son combat contre des dizaines d’adversaires qui n’étaient en fait que deux !

Le jeune Julien Romelard est également magnifique dans le double rôle de Henri et de son ennemi Percy. La scène dans laquelle les deux personnages, joués par ce même comédien, s’affrontent en un combat mortel, est un authentique morceau de bravoure, de même que celle dans laquelle Falstafe et Henri miment… Henri et le roi, moment décisif dans l’évolution du héros. Cette scène est l’une des plus réussies, des plus intenses, sinon la plus intense. Il est dommage qu’après ce sommet se déroule tout un passage beaucoup moins passionnant, et l’intérêt ne reprend vraiment qu’au moment de l’affrontement entre Percy et Henri.

Par contre, on est un peu plus dubitatif quant au label « jeune public-à partir de neuf ans » attribué au spectacle. Certes, le côté ludique de la mise en scène peut séduire aussi le jeune public, mais un certain nombre d’éléments dans l’écriture et la mise en scène restent quand même opaques : passages truffés de citations parmi lesquelles on aura identifié le début de la Recherche du temps perdu, des extraits chantés d’opéras, les dernières nouvelles de la Bourse… Il y a aussi cette bâche sur laquelle un comédien tague avec un aérosol rouge les mots « sang » et « mort »… Un « jeunisme » un peu gadget, un comble vu le propos de la pièce. Mais une sacrée exigence et un très bon moment tout de même. 

Céline Doukhan


Falstafe, de Valère Novarina, d’après William Shakespeare

http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-84682-258-9

Adaptation et mise en scène : Lazare Herson-Macarel

Avec : Philippe Canalès, Joseph Fourez, Sophie Guibard, Morgane Nairaud, Julien Romelard

Scénographie et costumes : Alice Duchange

Lumière : Jérémie Papin

Photo : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Chapelle des Pénitents-Blancs • place de la Principale • 84000 Avignon

www.festival-avignon.com

http://www.pearltrees.com/festivaldavignon/falstafe-lazare-herson-macarel/id10951989

Réservations : 04 90 14 14 14

Le 6 juillet 2014 à 15 heures, les 7, 8, 10 et 11 juillet à 11 heures et 15 heures

Durée : 1 h 15

17 € | 14 € | 10 € | 8 €

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