« Fumiers », de Thomas Blanchard, Théâtre du Rond‑Point à Paris

Chiant

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Avec « Fumiers », le Théâtre du Rond-Point propose un spectacle de Thomas Blanchard très décevant, sauvé de justesse par un Olivier Martin‑Salvan épatant.

Au centre de la scène, un tas de fumier de quatre mètres de haut, heureusement sans odeur. Malgré tout, il s’impose, là, dans toute son insolence, pendant toute la durée du spectacle. C’est que chaque jour, Nicole déverse sa brouette de purin sous les fenêtres des époux Dejousse, venus de Paris.

Ruraux et citadins ne font décidément pas bon ménage ! Depuis dix ans, ces voisins condamnés à cohabiter dans une cour commune se livrent une guerre sans merci. Le monticule d’excréments devient une place publique. Pas celle de la République, mais presque ! Insultes, mises à l’épreuve, provocations, les concernés s’élèvent contre les injustices, et tout le village s’en mêle, prend parti, s’engage. Sauf qu’on finit par perdre le contrôle. Entre fantasmes et pulsions, difficile de maîtriser la situation.

Farce ratée

On s’attendait à une rentrée désopilante au Théâtre du Rond-Point, qui nous a pourtant habitués à des spectacles poilants. C’est affligeant. Ce spectacle médiocre et vulgaire est d’un ennui incommensurable, pour ne pas dire « chiant ». Délibérément, par rapport au tas de déjections ? En tout cas, le texte s’appesantit sur ces années de procédures et l’instinct de propriété. Entrecoupée d’attaques frontales ou de coups de gueule (même pas drôles !), la querelle de voisinage peine à captiver jusqu’à l’acmé de la pièce.

En fait, à Brioux-Saint-Juire, la nature humaine accède à l’universalité. Ce n’est pas là, dans le trou du cul de la France, que se localise la source belliqueuse. Mais à cet endroit que l’on peut mieux saisir, si ce n’est l’origine de la bêtise humaine, du moins l’addiction aux conflits de toutes sortes (d’où le s à Fumiers). Car, finalement, tous y trouvent beaucoup de plaisir à se tirailler. L’affrontement ne permet‑il pas au vainqueur de sortir gagnant ? Le pitch était prometteur, d’autant que les « farces agricoles » se font rares sur les planches. Mais c’est donc davantage la question du « vivre-ensemble » qui est évoquée ici, et non la condition spécifique des paysans. Dommage.

Faiblesse du propos, une langue brute sans poésie, des gags qui tombent à plat… Les personnages sauvent‑ils le spectacle ? Ceux‑ci auraient vraiment pu être cocasses. La pièce est en effet adaptée d’un épisode de la géniale série belge Strip-tease qui offre une galerie plus vraie que nature dans des situations délirantes. Redoutant l’hyperréalisme, l’auteur et metteur en scène Thomas Blanchard a choisi le parti pris du grotesque. Or, ce traitement ne convainc pas non plus, car la force de ce matériau réside justement dans la réalité crue. Comme le dit son slogan : « Strip-tease nous déshabille ».

Du coup, les comédiens, d’ailleurs très mal fagotés, sont bien à la peine. Ils s’en sortent comme ils peuvent, entraînés par le talent d’Olivier Martin‑Salvan, le seul à instiller un peu de folie. Un brin, un grain, voire une flamme de folie éclairante.

Une bien piètre consolation quand la mise en scène, la scénographie – en somme presque tout ! – seraient à revoir. Mais pourquoi donc ce spectacle a‑t‑il été programmé au Rond‑Point ? Merde alors ! C’est dur de commencer la saison comme ça. 

Léna Martinelli


Fumiers, de Thomas Blanchard

Avec : Thomas Blanchard, Flavien Gaudon, Olivier Martin‑Salvan, Johanna Nizard, Christine Pignet, Julie Pilod (en alternance avec Pauline Lorillard), Anne‑Élodie Sorlin

Assistanat à la mise en scène : Robin Causse

Scénographie et costumes : Clédat & Petitpierre

Perruques et maquillage : Catherine Saint‑Sever

Lumière : Sylvie Garot

Son : Thomas Laigle

Arrangements musicaux : Flavien Gaudon

Construction du décor : Ateliers de la maison de la culture de Bourges

Photo : © Alain Monot

Théâtre du Rond‑Point • salle Renaud‑Barrault • 2 bis, avenue Franklin‑Roosevelt • 75008 Paris

Réservations : 01 44 95 98 21

Site du théâtre : www.theatredurondpoint.fr

Du 6 septembre au 2 octobre 2016, à 21 heures, relâche les lundis, les 11, 20 et 21 septembre

Durée : 1 h 20

38 € | 28 € | 18 € | 16 € | 12 €

 

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