« J’vous ai apporté des bonbons », de Sébastien Saramago, le Lucernaire à Paris

« J’vous ai apporté des bonbons » © Maeva Pradal

J’vous ai apporté d’la bonne humeur

Par Anne Losq
Les Trois Coups

Trois comédiens-chanteurs avides de théâtre musical s’emparent des airs du maître Jacques Brel sans hésiter à faire ressortir toutes les caractéristiques dramatiques des paroles. Un fort joli hommage à l’artiste flamand, à voir entre amis ou en famille.

Pour faire du théâtre musical de qualité, mieux vaut se munir de bons chanteurs sachant aussi jouer la comédie. Sébastien Saramago – metteur en scène et interprète – a placé la barre haute en se risquant dans le répertoire de Brel. Car n’entonne pas Mathilde qui veut ! Mais la première surprise appréciable de la soirée réside dans le fait que, visiblement, ces trois saltimbanques-là avaient déjà perfectionné leurs gammes avant de se plonger dans cette aventure. Leurs voix sonores et parfaitement maîtrisées laissent donc le public savourer chaque instant sans craindre la fausse note ou le dérapage vocal. Quant à Clément Simon, le multi-instrumentiste de la séance, il accompagne les chanteurs avec talent en apportant sa touche légère et jazzy, tantôt au piano, tantôt à la guitare.

Outre leurs capacités vocales, les trois hommes ont des qualités certaines d’acteur, et la mise en scène permet de se concentrer sur l’essentiel. Le fil conducteur narratif du spectacle se révèle assez simple : nous rencontrons trois amis – Jef, Pierre et Jacky – qui grandissent, puis vieillissent, ensemble. Ils racontent ainsi leur parcours de vie en musique. Ce dispositif donne lieu à la possibilité de former des duos ou des trios sur certaines chansons, conférant à celles-ci une dimension nouvelle. J’ai particulièrement aimé l’interprétation de Jef au cours de laquelle Pierre et Jacky tentent de consoler leur ami qui subit le contrecoup d’un déboire amoureux (nous ayant d’ailleurs auparavant chanté son désespoir dans l’Ivrogne). Jolie façon de souligner les ressorts dramatiques de l’univers de Brel. Ce qui m’a moins plu avait surtout trait à l’humour potache du début : les petits sketches d’exposition paraissaient un peu forcés, et juraient avec l’élégance des numéros musicaux à venir.

L’exubérance du personnage

J’étais curieuse de voir comment certaines chansons iconiques seraient traitées. Dans les Bonbons, Guillaume Fortineau développe l’exubérance du personnage et lui donne une grande énergie, jusqu’à choisir sa dulcinée (pas Germaine, mais l’autre) au sein du public en l’invitant sur scène. Je dois avouer ne pas avoir trop apprécié la deuxième version réécrite de cette même chanson dans laquelle Fortineau cherche à récupérer ses bonbons. Bien que divertissant, ce morceau dénotait du reste du spectacle en étant un peu trop débordant.

Au contraire, d’autres numéros étaient débarrassés de toute fioriture, tel Ne me quitte pas, interprété par Sébastien Saramago, qui a su savamment mêler sobriété et pathos au cours de la chanson. Certains moments malicieux prêtaient à sourire, notamment au travers de l’attitude pince-sans-rire de Jean‑Baptiste Schmitt dans Au suivant. Une pointe d’espièglerie traversait d’ailleurs tout le spectacle, et le public n’était pas en reste, puisqu’il fut sollicité à plusieurs reprises. J’ai eu l’honneur d’être prise à partie deux fois, et j’ai eu beaucoup de plaisir à danser la valse avec l’ami Jef sur l’air de la Valse à mille temps. Je me suis trouvée davantage intimidée lorsque Pierre, sur le point de mourir, me serinait ses dernières volontés… car ce n’est pas tous les jours que quelqu’un meurt dans mes bras !

Comme vous pouvez le constater, il s’est passé beaucoup de choses au cours de cette soirée, et nos quatre compères se sont donné les moyens de nous offrir un très bon moment sous l’égide de Brel. Ce spectacle de qualité a vocation à plaire au plus grand nombre. Et, contrairement à leur illustre prédécesseur, ces artistes font bon usage du bis. Je vous conseille donc de les applaudir bien fort afin de prolonger l’expérience, le temps de quelques belles chansons bonus. 

Anne Losq


J’vous ai apporté des bonbons, de Sébastien Saramago

Les Secoués du vocal Cie

Site : www.lessecouesduvocal.fr

Courriel : secouesduvocal@free.fr

Conception et mise en scène : Sébastien Saramago

Chansons : Jacques Brel

Avec : Sébastien Saramago ou Kamel Mougari (Jef), Guillaume Fortineau (Pierre), Jean‑Baptiste Schmitt ou Aurélien Berda (Jacky)

Accompagnement : Clément Simon ou Jonathan Goyvaertz

Photo : © Maeva Pradal

Le Lucernaire • 53, rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris

Réservations : 01 45 44 57 34

Site du théâtre : www.lucernaire.fr

Métro : ligne 12, arrêt Notre-Dame-des-Champs, ligne 4, arrêt Vavin ou Saint-Placide, ligne 6, arrêt Edgar-Quinet

Du 17 juin au 9 août 2015, du mardi au samedi à 21 h 30 et le dimanche à 19 heures

Durée : 1 h 20

25 € | 20 € | 15 € | 10 €

Autour du spectacle : vendredi 17 juillet 2015 : rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation

À propos de l'auteur

2 réponses

  1. Bonjour,

    Merci pour ce retour très précis,
    Cependant ce que vous nommez « la deuxième version réécrite » de la chanson « J’vous ai apporté des bonbons » n’a pas été réécrite mais correspond exactement à la seconde version de cette chanson qu’à écrite Monsieur Brel qui se nomme « Je viens rechercher mes bonbons » (https://youtu.be/OW9VUoMKgF4).
    Elle fait partie des chansons peu connue du public que l’on a le plaisir de découvrir dans le spectacle de Sébastien Saramago.
    Longue vie à ce spectacle, drôle, émouvant, qui sait rendre original un hommage !

    1. Bonsoir,

      Merci pour cette précision et pour le lien à la chanson. Il faut en effet rendre à César ce qui est à César et à Brel ce qui est à Brel !

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