« Kalakuta Republik », de Serge Aimé Coulibaly, La Rose des Vents à Villeneuve-d’Ascq

« Kalakuta Republik » de Serge Aimé Coulibaly © Sophie Garcia

Scander la lutte

Par Sarah Elghazi
Les Trois Coups

Un feu qui se réinvente constamment, une transe dionysiaque qui prépare à la lutte : Serge Aimé Coulibaly et ses danseurs du Faso Danse Théâtre partagent avec nous leur vision de Fela Anikulapo Kuti, les traces indélébiles et insoumises que sa musique et sa légende ont laissées dans leurs mémoires. Une filiation dansée, émouvante et prenante.

Si vous vous attendez à un spectacle musical ou à une biographie dansée de Fela Kuti – mythique saxophoniste nigérian créateur de l’afrobeat – il y a de quoi être déstabilisé. Ici, on assiste davantage à la mise en espace symbolique, faite d’énergies, de rythmes et de sons, de son héritage. Ce qui irrigue et ce que scandent les corps des danseuses et danseurs, c’est un mélange de fierté et de révolte, colonnes vertébrales de chansons qu’un continent entier s’est approprié, et qu’une nouvelle génération ici réinterprète.

« Kalakuta Republik » de Serge Aimé Coulibaly © Sophie Garcia
« Kalakuta Republik » de Serge Aimé Coulibaly © Sophie Garcia

Tout commence par une oscillation qui se propage d’un corps à l’autre. Une légère tension, un déséquilibre qui devient mouvement assumé, qui prend de l’ampleur. Un narrateur-danseur – l’âme de Fela réincarnée ? – incarné par Serge Aimé Coulibaly lui-même, se détache alors des autres pour les orchestrer. Cette évocation de son rôle décrié de gourou de Kalakuta Republik (son domaine à Lagos, Nigeria, où autour du musicien vivaient en autarcie la communauté de ses adorateurs), ne manque pas de subtilité. Mais Kalakuta Republik, c’était aussi une utopie de vie collective, à l’écart de la corruption et des inégalités du monde extérieur. La transe collective n’écrase donc jamais les individus, leur expression particulière, symbolisée par une tache de couleur vive sur leur peau ou leur costume.

Le rite et la colère

Les sept danseurs sont d’autant plus fascinants qu’ils n’ignorent rien des dérives potentielles de la transe collective qu’ils incarnent d’un tableau à l’autre. Mais c’est surtout l’énergie que l’on retient, une énergie à la fois brute et tout en finesse, une chorégraphie qui est un cri, un langage, un mouvement perpétuel à la source de toute révolution.

« Kalakuta Republik » de Serge Aimé Coulibaly © Sophie Garcia
« Kalakuta Republik » de Serge Aimé Coulibaly © Sophie Garcia

Le travail de recréation sonore autour des compositions de Fela Kuti met en valeur l’essentiel d’une musique d’hymnes et de slogans qui raconte un monde d’injustices ici-bas, et nous entraîne vers celui qui reste encore à construire. Jaillit ainsi une incroyable modernité qui se joue des clichés et des préjugés sur l’Afrique, déconstruits rageusement sur scène par le chorégraphe et ses interprètes.

En représentant l’oppression, puis l’autonomisation progressive, le spectacle exprime avec force, comme la musique le faisait, la nécessité d’une décolonisation des esprits, des corps et des territoires, et appelle à l’avènement d’une lutte d’autodétermination libératrice. Rien de plus actuel et nécessaire, en somme, que cet hommage en mouvements. 

Sarah Elghazi


Kalakuta Republik, de Serge Aimé Coulibaly

Concept et chorégraphie : Serge Aimé Coulibaly

Création et interprétation : Marion Alzieu, Adonis Neblé, Sayouba Sigué, Serge Aimé Coulibaly, Ahmed Soura, Ida Faho, Antonia Naoule

Création musique : Yvan Talbot

Dramaturgie : Sara Vanderleck

Assistant à la chorégraphie : Sayouba Sigué

Scénographie et costumes : Catherine Cosme

Création lumières : Hermann Coulibaly

Responsable technique : Sam Serruys

Production : Faso Danse Théâtre et les Halles de Schaerbeek

Coproduction : Maison de la Danse (Lyon), Torinodanza (Turin), Le Manège – Scène nationale de Maubeuge, Le Tarmac – la scène nationale francophone (Paris), Les Théâtres de la ville de Luxembourg, ANKATA (Bobo Dioulasso – Burkina Faso), Les Récréâtrales (Ouagadougou), Festival Africologne (Cologne), De Grote Post (Ostende)

Avec le soutien du Musée des Confluences (Lyon) pour l’accueil en résidence, et de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Durée : 1 h 35, entracte compris

Photo : © Sophie Garcia

La Rose des Vents • Boulevard Van Gogh • 59653 Villeneuve-d’Ascq

Du 13 au 15 mars 2018

De 6 à 21 euros

Réservations : +33 (0)3 20 61 96 96

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