« la Casa de la fuerza », de et mis en scène par Angélica Liddell, Odéon‑Théâtre de l’Europe à Paris

la Casa de la fuerza © Christophe Raynaud de Lage

Vessies et lanternes, à Avignon, à l’Odéon

Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups

Elle vous a profondément agacé l’an passé à Avignon avec un spectacle au nom imprononçable, « Maldito sea el hombre que confía en el hombre : projet d’alphabétisation ». Mais vous pensiez être passé à côté du génie en manquant son spectacle salué de tous, ne serait-ce qu’un an auparavant : « la Casa de la fuerza ». L’Odéon s’est fendu d’une reprise pour l’aller admirer. Et confirmer son idée : Angélica Liddell, c’est beaucoup d’ego, des complaisances et autant d’ennui.

Dans Maldito, les deux actrices braillaient, s’emportaient. Politique, le spectacle, qu’on voulait nous dire entre les mots. Avec un Sarkozy en mousse balancé des cintres, des acteurs plus ou moins copulant, nus bien entendu, des gymnastes chinois et du Schubert, le tout jeté en vrac sur un texte qui tient en trois timbres‑poste. Beaucoup d’esbroufe. B comme Baudruche, eut été un titre tout aussi bon pour ce projet d’alphabétisation. La Casa de la fuerza, dure plus longtemps, mais est tout aussi creuse.

Là où Maldito affichait sa fougue politico-déclamatoire avec une ébouriffante lourdeur, une véhémence de performeuse, dans ce que la performance peut avoir de plus vain, la Casa raffine, finaude. Le spectacle brode autour de la violence de la société libérale, de l’amour empêché, de la maltraitance et de l’exclusion, de la prostitution et de la torture des femmes au Mexique. C’est son passe‑droit. Nulle tentative artistique ni théâtre qui tiennent face à sujet si puissant. On peut tout regarder, la cause est grave. Non. Le texte d’une pauvreté absolue en enchante certains par sa violence feinte – n’est pas Artaud l’écorché qui veut. Les procédés rhétoriques et la hargne qui le soutiennent n’emportent pas un moment d’émotion.

Chanter, danser, hurler, courir, boire et fumer

Les trois sœurs, jeunes femmes en fleurs détruites par une violence gazeuse, atmosphérique, actrices fougueuses, ne peuvent pas être prises à défaut. Elles s’exténuent à la tâche : chanter, danser, hurler, courir, boire et fumer. Et recommencer. Et transporter des canapés depuis les coulisses jusqu’au plateau. Et du plateau jusqu’aux coulisses. Et faire de même avec des sacs de charbon, du fond de scène à l’avant de la scène. Les vider. Entasser de nouveau le combustible au fond, dans des robes blanches immaculées d’un autre temps, tranchant avec le noir du charbon. Ciel, ces femmes vont au turbin. La métaphore est fine, elle s’accompagne du Nisit Dominus de Vivaldi.

De ce flot d’images et de sons ressortent bien un ou deux tableaux brossés avec une violence à la Goya, dans des atmosphères teintées de bleu, de jaune, de rouge, dans des lumières de crépuscule. Une passion profonde – souffrance, humanité et vitalité mêlées tout à la fois – traverse çà et là. De ces longues heures quasi mutiques émaillées de logorrhées enflammées, ressortent bien des aphorismes, aussi, et des mots coups de couteau, si rares.

Peut-être le charme du cloître des Carmes, la nouveauté du travail d’Angélica Liddell, la chaleur, les grillons et la nuit, la pauvreté de la programmation du Festival 2011, ont‑ils ainsi donné à ce spectacle des airs sublimes et des contrastes éventés avec le temps ? Toujours est‑il qu’au terme de cinq heures d’épreuve, nous étions quelques‑uns, parmi les rescapés de deux entractes, à être heureux de sortir enfin de cet odéonesque enfer pour retourner à la casa, la vraie, la nôtre. Sweet home

Cédric Enjalbert


la Casa de la fuerza, de et mis en scène par Angélica Liddell

Avec : Cynthia Aguirre, Perla Bonilla, Juan Carlos Heredia, Lola Jiménez, Angélica Liddell, Pau de Nut, Orchestre Solis, Getsemani de San Marcos, María Sanchez, Agathe Pouyadou, Cécile Belœil

Lumière : Carlos Marquerie

Costumes : Josep Font, Angélica Liddell et Maria Escoté

Son : Félix Magalhães et Antonio Navarro

Photo : © Christophe Raynaud de Lage

Odéon-Théâtre de l’Europe • 67, rue Monsieur-le-Prince • 75006 Paris

Réservations : 01 46 82 19 63

http://www.theatre-odeon.fr/

Du 23 au 28 mars 2012 à 18 heures

Durée : 5 heures

32 € | 24 € | 20 € | 16 € | 14 € | 12 € | 10 € | 8 € | 6 €

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2 réponses

    1. Bonjour,
      Nous avons décidé de publier petit à petit les articles qui figurent sur lestroiscoups.com sur lestroiscoups.fr (ici), et il y en a beaucoup.
      Le problème pour les abonnés des troiscoups.fr, c’est que je ne peux techniquement trier les notifications des anciens et des nouveaux articles.
      Désolé et merci de votre compréhension.
      La rédaction

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