« la Fonction Ravel », de et avec Claude Duparfait, Théâtre de la Maison‑du‑Peuple à Saint‑Claude

la Fonction Ravel © Élisabeth Carecchio

Harmonie

Par Morgane Patin
Les Trois Coups

Claude Duparfait retrace sur scène l’histoire de sa rencontre avec la musique de Ravel et l’influence que celle-ci a pu avoir sur l’ensemble de son parcours. Un spectacle vibrant dans la sincérité de son hommage et la justesse de son incarnation sur scène.

C’est en avant-première que le C.D.N. de Besançon nous propose de découvrir sa création, puisqu’elle sera en fait présentée lors du Festival de musique de Besançon – Franche-Comté en septembre 2016. Le pari est réussi, car le spectateur ne peut sortir que conscient de la chance qui lui est accordée tant on est ravi par l’expérience !

Claude Duparfait nous offre généreusement de pénétrer avec lui dans le salon au papier peint terne de sa maison familiale à Laon, dans l’Aisne, lieu dans lequel il a découvert par hasard la musique de Maurice Ravel qui l’a enchanté et sauvé. Au travers du récit de cette liaison, il nous déroule également celui de ses origines. La mise en scène intimiste valorise brillamment un texte riche, musical, empreint d’émotion, et de beaux morceaux de musique ravélienne que le jeu du pianiste François Dumont sublime.

Voilà donc un mélange savamment organisé entre texte et musique, qui nous permet d’être à la croisée des chemins et des destinées, au moment où les univers se rencontrent et s’interpénètrent.

Hommages croisés

La création comprend deux formes d’hommage. Car Claude Duparfait tient bien sûr à mettre à l’honneur cet artiste qui lui a permis de s’échapper des murs trop gris de la Picardie, mais il montre aussi son milieu social avec tendresse. La pièce s’ouvre sur l’incongruité de cette rencontre musicale imprévisible : l’adolescent cantonné à la quatrième d’adaptation à Laon n’avait rien qui le prédestinait à croiser le brillant compositeur du début du xxe siècle. Et pourtant, la coïncidence rend tout possible. L’adolescent trouve « son Maurice » et grandit avec lui, dans tous les sens du terme. C’est donc presque par effraction que la musique ravélienne perce les murs de cette famille picarde qui évolue dans les milieux populaires. Le comédien dévoile avec pudeur et humour la surprise provoquée par cet heureux hasard et ses répercussions sur l’ensemble de la maisonnée.

C’est ainsi qu’il honore la mémoire de ses origines. Apparaissent les émouvants portraits des figures familiales, que ce soit d’abord ce père, garagiste, qui s’évade par le dessin, ou bien ensuite cette grand-mère, belle dans son étrangeté, qui a fait apprendre le violon à son fils et milite pour que son petit-fils accède au piano. À travers eux, Claude Duparfait rend compte avec justesse, retenue et bienveillance, de ce qui constitue ce milieu modeste que la vie a enfermé dans des choix prédéterminés et comme absolument fixés par des lois immuables.

Et puis, comme une évidence, la figure de Maurice Ravel traverse l’ensemble du spectacle. Invité, convoqué sur scène à travers les morceaux de piano, le compositeur nous accompagne, nous aussi, le temps de la représentation. La pièce rappelle ainsi l’influence que peuvent avoir les artistes sur nos vies, nos parcours, comment ils peuvent nous sauver, nous tenir la main dans les épreuves. Cet aveu d’une sincérité appréciable encourage alors le spectateur à interroger le rôle de la musique et plus généralement de l’art sur l’individu.

Réussite et subtilité

La performance est une magnifique réussite. Elle est magistralement servie par le texte et l’incarnation de Claude Duparfait. Mais cela ne s’arrête pas là. Car l’équilibre de l’ensemble repose sur l’harmonie parfaite réalisée entre le texte, le comédien, la musique et le pianiste. Chacun des quatre éléments trouve une place de choix dans la représentation, et c’est là ce qui assure son joli succès. L’échange entre texte et musique ainsi qu’entre les deux hommes sur scène est permanent et toujours subtil.

Aussi de très belles trouvailles de mise en scène, comme le jeu entre l’orchestre, incarné par de vieux postes de radio, et le pianiste, ou bien la réalisation du rêve de l’adolescent qui voulait apprendre le piano et prend brièvement la place de François Dumont pour jouer quelques notes de son compositeur de prédilection.

Le ton est toujours juste, même – et surtout – quand les mots de Claude Duparfait rencontrent les mélodies des compositions ravéliennes. Musique et texte s’accordent entièrement, se répondent en chœur, se lient pour mieux résonner. La magie opère dans le duo avec brio, et c’est bien ce qui enchante le spectateur. 

Morgane Patin


la Fonction Ravel, de et avec Claude Duparfait

Mise en scène : Claude Duparfait, accompagné de Célie Pauthe

Au piano : François Dumont

Collaboration chorégraphique : Thierry Thieû Niang

Assistanat à la mise en scène : Marie Fortuit

Décor : Gala Ognibene

Lumières : Sébastien Michaud

Son : Aline Loustalot

Vidéo : François Weber

Costumes : Florence Bruchon

Photo : © Élisabeth Carecchio

Théâtre de la Maison-du-Peuple • 12, rue de la Poyat • 39200 Saint‑Claude

Réservations : 03 84 45 42 26

Site du théâtre : http://www.maisondupeuple.fr/

Le 28 avril 2016, à 20 h 30

13 € | 10 € | 7 €

Le spectacle sera joué au C.D.N. de Besançon du 16 au 23 septembre 2016 dans le cadre de la 69e édition du Festival de musique de Besançon – Franche‑Comté

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